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Religion et Spiritualité

La Théosophie ismaélienne

C’est au cours d’une émission Les Formes du Sacré diffusée le 13 mars 1961 sous le titre Les Apocalypses qu’Henry Corbin explique à Pierre Sipriot la théosophie ismaélienne et les notions de résurrection et d’Apocalypse dans le Chiisme iranien.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin – La philosophie islamique : La Théosophie ismaélienne

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

Qu’est-ce que la théosophie ?

La théosophie, dans ses différentes formes, est une discipline qui explore les mystères de la vie cachée de Dieu et sa relation avec l’homme et la création tout entière. Toutefois, sa signification évolua dans la philosophie occidentale au fil des siècles. La théosophie se réfère principalement à la compréhension des mystères cachés de la divinité et, de manière plus générale, à la connaissance de l’univers dans sa relation avec Dieu et l’humanité.

L’étymologie du mot théosophie signifie « sagesse de Dieu ». Plusieurs Pères de l’Église l’utilisèrent durant l’Antiquité comme synonyme de théologie. Le sophos est un sage et les theosophoï sont littéralement « ceux qui connaissent les choses divines ». Cependant, au fil des siècles, le sens du mot devint différent de celui de la théologie. Il fit parfois référence à une connaissance de type gnostique, d’inspiration ésotérique. Des auteurs tels que le Pseudo-Denys au VIème siècle ou bien encore l’auteur anonyme de la Summa philosophiae au XIIIème siècle l’utilisèrent dans ce sens. Ce dernier distinguait les philosophes, les modernes, les théosophes et les théologiens.

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Il faut attendre la Renaissance pour que le mot théosophie soit plus souvent utilisé. Cependant, il fut encore souvent synonyme de théologie ou de philosophie. Johannes Reuchlin et Cornelius Agrippa, par exemple, utilisèrent ce terme pour désigner les scolastiques décadents. Chez d’autres, les contours du concept restent flous.

Au début du XVIIème siècle, le sens du mot théosophie devient plus clair. Il semblerait que l’influence de l’Arbatel, un livre de magie blanche fort répandu après sa parution vers 1550 ou 1560, ne soit point négligeable. Dans ce livre, le terme théosophie revêt déjà son sens actuel. Par la suite, on le retrouve chez des auteurs importants tels que Heinrich Khunrath (dans son ouvrage intitulé De Igne), Oswald Croll (dans son ouvrage Basilica chymica), et surtout Jacob Boehme.

La théosophie ismaélienne

Nous devons à Henry Corbin, depuis la parution de la Bibliothèque iranienne en 1949 et du Ketab-é Djāmi’al Hikmatain (« Le Livre réunissant les deux sagesses ») en 1953, le grand dessein de concilier la philosophie grecque et la théosophie ismaélienne.

Il convient d’expliquer au moins le processus de la « re-création » propre à la gnose cosmologique de la théosophie ismaélienne. Celle-ci n’a aucun lien avec l’opération dialectique, caractérisée par l’antagonisme entre la croyance et le savoir. Il s’agit en réalité d’une opération herméneutique, d’une interprétation dans laquelle le ta’wil se manifeste comme une progression harmonieuse. Il permet simultanément un retour aux données intérieures originelles ainsi qu’une révélation de nouveaux horizons et de perspectives cosmologiques. Ceux-ci se dévoilent au fur et à mesure que la lumière de la connaissance de soi-même et la lumière de la compréhension de la Nature s’unissent de manière plus intime.

Dans cette optique, il est possible d’établir un lien entre le ta’wil ismaélien et la notion d’anaphore. Ils symbolisent une ascension vers le Sens total, soutenue par une descente préalable vers la Source de toutes les significations potentielles. Absolument pas antithétiques, ces deux phases d’une même opération apparaissent étroitement liées et se complètent mutuellement. La quête de la vérité universelle dans le cadre de la gnose n’a aucun sens si l’engagement personnel du gnostique dans cette recherche de vérité n’est pleinement authentique.

En réalité, contrairement à l’expérience philosophique et religieuse classiques, la gnose implique une récupération de la poïesis absolue. Ce retour à la spontanéité pure du « faire-être » est représenté par l’ibdā ismaélien. Cette notion s’éloigne autant des doctrines de l’Émanation que de celles de la Création. Elle se réfère aux influences imprévisibles d’une pensée libérée de toute conséquence logique. C’est au cœur même de ce « faire-être » que l’Univers, dans sa fonction pure, apparaît comme indissociable de la résurrection perpétuelle de l’Unique.

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