Catégories
NégâhReligion et Spiritualité

Disparition de Claude Gilliot, islamologue spécialiste du Coran

C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition du père Claude Gilliot, survenue le samedi 15 mars 2025. Religieux dominicain (O.P.), il fut également linguiste et professeur émérite en islamologie et en langue arabe, parmi les plus éminents spécialistes du Coran et de son exégèse.

Claude Gilliot

Nous eûmes l’immense honneur de l’avoir comme professeur d’exégèse coranique au sein de la Faculté de théologie et de sciences religieuses des Dominicains. C’est avec émotion que Négâh® présente ses condoléances les plus sincères et s’associe à la douleur de sa famille.

Claude Gilliot, une vie consacrée à Dieu

Claude Gilliot naquit le 6 janvier 1940 à Guemps, dans le département du Pas-de-Calais. C’est au début des années 1960 qu’il entre au noviciat des dominicains au couvent du Saulchoir, avant de poursuivre sa formation dans les couvents dominicains de Beyrouth, Jérusalem et Le Caire. Titulaire d’un master en langue allemande, il étudie ensuite la sociologie avant de rencontrer les études orientales auxquelles il se consacrera toute son existence.

Ses études islamiques débutent d’abord par une approche sociologique avant d’évoluer vers une analyse linguistique et exégétique. Il obtient en 1979 l’agrégation d’arabe et devient assistant à l’université Paris-IV en 1983. Il est titulaire de deux doctorats, dont un doctorat d’État obtenue en 1987. Intitulé Aspects de l’imaginaire islamique commun dans le Commentaire de Tabari, il eut comme directeur de thèse l’islamologue et philosophe algérien Mohammed Arkoun.

En 1988, Claude Gilliot devient professeur d’études arabes et d’islamologie à l’Université de Provence Aix-Marseille. Professeur émérite en 2008, il publia au cours de sa longue carrière de nombreux articles sur l’exégèse coranique et la théologie islamique de l’époque classique.

Un rôle fondamental dans l’étude du Coran

Claude Gilliot vécut pas moins d’une trentaine d’années au Caire. Il mena ses recherches au sein de l’université sunnite d’al-Azhar et participa aux travaux de l’Institut dominicain d’études orientales.

Sa contribution à la linguistique et l’étymologie arabe demeure des plus remarquables. Ce notamment en raison de sa maîtrise de plusieurs dizaines de langues et dialectes. Ses travaux permirent également de mieux comprendre le processus des chaînes de transmission (isnâd) des hadith, contribuant de la sorte à retracer les origines de la formation du Coran.

Citons enfin parmi ses travaux les plus célèbres Exégèse, langue, et théologie en Islam : l’exégèse coranique de Tabari (Vrin, 1990), L’exégèse du Coran en Asie Centrale et au Khorasan (Studia Islamica,‎ 1999) ou bien encore A schoolmaster, storyteller , exegete and warrior at work in Khurāsān : al-Ḍaḥḥāk b. Muzāḥim al-Hilālī (d. 106/724) (Oxford, 2013).

Catégories
Art et LittératureSciences et TechnologieSociété

L’Iran deuxième quotient intellectuel (QI) le plus élevé du monde

En 2025, l’Iran se classe comme le deuxième pays du monde au quotient intellectuel (QI) le plus élevé. Ce résultat souligne les avancées significatives que le pays a réalisées dans des domaines essentiels tels que l’éducation, la nutrition et la santé publique.

Iran deuxième quotient intellectuel (QI) le plus élevé du monde 2024
Source : Registre international des QI, consulté le 6 janvier 2025

L’Iran deuxième quotient intellectuel (QI) le plus élevé du monde

À l’occasion d’un entretien avec l’IRNA, l’iranologue Morgan Lotz présente ces résultats. Il ne manque aucunement de rappeler combien l’Iran est un pays de connaissance et de science depuis 7000 ans.

En dépit des défis considérables auxquels l’Iran fait face, notamment les pressions internationales et les sanctions économiques sévères, le pays parvient à maintenir un niveau d’intelligence collective exceptionnel. Ce résultat illustre la résilience de la société iranienne et son aptitude à s’adapter et à innover, même dans des conditions difficiles.

Ce résultat des plus honorables témoigne de l’impact positif des investissements dans l’éducation et la santé. Malgré un environnement politique et économique compliqué, l’Iran continue de valoriser la connaissance et l’apprentissage, se traduisant par des performances intellectuelles remarquables.

Qu’est-ce que le quotient intellectuel ?

Le QI (Quotient Intellectuel) est une mesure de l’intelligence humaine. 98 % des individus ont un QI compris entre 70 et 130. 50 % de la population se situe dans la fourchette de 90 à 110. Seulement 2 % de la population affiche un score inférieur à 70 ou supérieur à 130. Ce phénomène est représenté par la courbe de Gauss, avec un écart-type de 15.

Différents facteurs peuvent affecter le QI moyen d’un pays tel que le taux élevés de maladies infectieuses, les habitudes alimentaires, les activités intellectuelles et les facteurs génétiques.

La génétique offre une base solide sur laquelle l’environnement peut agir. Ainsi, de bonnes prédispositions génétiques, combinées à un environnement favorable, tendent à accroître le quotient intellectuel.

Catégories
Négâh

Disparition de Nicolas Kœnig, du Cercle Fustel de Coulanges

C’est avec une immense douleur que nous avons appris la disparition brutale de Monsieur Nicolas Kœnig, président du Cercle Fustel de Coulanges.

Il nous avait invité à plusieurs reprises pour présenter des conférences sur l’Iran, notamment la toute première de notre carrière. C’est avec un immense plaisir que nous lui accordions notre temps, heureux de partager notre passion avec l’homme curieux qu’il était, jamais las d’apprendre et d’échanger la culture et le savoir. Il fut de ces esprits typiquement français qui savent faire résonner les mémoires des peuples en contant leurs histoires avec une voix chaleureuse.

Nous tenons à saluer sa mémoire et lui témoigner nos chaleureux remerciements pour son amitié. Passionné de nature et de randonnée, il nous a tragiquement quitté au cœur des montagnes des Vosges qu’il affectionnait tant, un 21 janvier comme le roi Louis XVI qu’il admirait, et dans sa 33ème année, l’âge du Christ, qu’il chérissait.

C’est avec émotion que Négâh® présente ses condoléances les plus sincères et s’associe à la douleur de sa famille, de ses proches et du Cercle Fustel de Coulanges.

Catégories
Négâh

Attaque informatique contre Négâh

Négâh connaît depuis quelques jours une attaque informatique via l’usage abusif de spam dans les commentaires. L’objectif de ce genre d’attaque consiste à saturer les serveurs du site internet afin de le bloquer et le rendre ainsi inaccessible.

Cette attaque informatique contre notre site internet Négâh a débuté le 29 décembre 2024. Elle s’est intensifiée le 1er janvier 2025, atteignant sa plus haute intensité en date des 2 et 3 janvier.

Il ne fait aucun doute que cette attaque informatique coïncide avec le cinquième anniversaire de l’assassinat du général Qassem Soleimani le 3 janvier 2020.

Les personnes ou l’organisation à l’origine de cette action hostile contre notre site internet ne sont pas identifiées.

Il est déplorable de constater que la recherche scientifique est menacée. Plus grave encore, elle est devenue la raison d’attaques aussi bien contre les outils de savoir que les chercheurs eux-mêmes.

Plus que jamais, la curiosité, le goût du savoir et l’exigence de la véracité doivent être défendus avec rigueur. C’est ce que nous poursuivrons.

Catégories
Religion et SpiritualitéSociété

L’église Saint-Minas de Téhéran

Ce mardi 3 décembre 2024 s’est tenue à Téhéran la Journée de Saint-Minas en l’église éponyme. Celle-ci témoigne du christianisme arménien qui perdure encore aujourd’hui en Iran.

église Saint-Minas Téhéran

L’église Saint-Minas, connue en arménien sous le nom de Սուրբ Մինաս եկեղեցի et en persan comme کلیسای میناس مقدس, est une église apostolique arménienne emblématique située dans la capitale iranienne, Téhéran.

Ce monument religieux se trouve au sein du Fort arménien (قلعه ارامنه), dans la rue Ararat. Celle-ci se situe au nord du quartier de Deh Vanak (ده ونک), l’un des vieux quartiers de Shemiran, dans la zone verte du nord de Téhéran.

L’église Saint-Minas, un héritage chrétien en Iran

La genèse de cette église remonte à 1856, lorsque Mirza Yousef Khan Mostofi ol-Mamalek décida de financer à ses propres frais la construction d’une modeste chapelle.

chrétiens Iran

Cet homme d’État, qui fut le grand vizir d’Iran pendant le règne de Nasser al-Din Shah, destina son œuvre à la communauté arménienne. Cette dernière, originaire de la province de Tshâharmâl et Bakhtiâri, s’installa dans le fort arménien du village de Deh Vanak.

église Saint-Minas Téhéran christianisme Iran

Le bâtiment que nous connaissons aujourd’hui fut achevé en 1875. Il ne manque pas de témoigner de l’affirmation de l’identité culturelle chrétienne et arménienne en Iran.

Il est intéressant de noter qu’à proximité de l’église, sur une colline adjacente au fort, se trouvait un cimetière arménien. Cependant, dans les années 1950, ce dernier fut malheureusement remplacé par le stade Ararat.

L’église Saint-Minas demeure avant tout un symbole important de la présence arménienne à Téhéran. Cet édifice continue d’être un lieu de culte et de rassemblement pour la communauté chrétienne d’Iran.

église Saint-Minas Téhéran messe

Cette église figure d’ailleurs sur la liste des monuments nationaux de l’Iran depuis le 1er janvier 2002.

Un magnifique album de photographies de Genia Abadian à découvrir :

Catégories
Art et LittératureSociété

Le Festival international de théâtre de rue de Marivan

Chaque année se tient à Marivan, dans le Kurdistan iranien, le Festival international de théâtre de rue. Ces festivités témoignent des traditions iraniennes qui perdurent toujours et demeurent vivantes.

Festival international de théâtre de rue Marivan

Marivân (مریوان) se situe à l’ouest de l’Iran, plus précisément à 15 kilomètres de la frontière irakienne. Cette ville fut notamment frontalière avec l’empire ottoman, raison pour laquelle Nasser al-Din Shah fit bâtir en 1902 une forteresse à proximité du lac Zribâr (زریبار).

Festival international de théâtre de rue

L’existence de nombreux châteaux fortifiés indique que la ville de Marivan était l’une des zones importantes de la période kurde.

Le plus célèbre s’appelle le « château de l’Imam » ; il situe à 3 kilomètres au sud-est de Marivan. Il fut construit sous le règne des Ardalans à l’époque safavide à 1600 mètres d’altitude.

Festival Marivan (Iran)

Marivan se situe dans une région très touristique, notamment en raison de la présence du lac Zribâr, des montagnes et ses plaines verdoyantes dans la région. La plupart des habitants parlent le kurde sorani.

En raison de son emplacement géographique stratégique, cette région fut de tout temps en proie aux tourments de l’histoire. L’expédition macédonienne, l’invasion arabo-musulmane exposèrent ses habitants aux invasions. La ville et les villages alentours furent notamment ciblés par des bombardements chimiques irakiens durant la guerre imposée (1980-1988).

Le Festival international de théâtre de rue de Marivan

Ce samedi 12 octobre 2024 débute la 17ème édition du Festival international de théâtre de rue. Celui-ci occupe une place importante parmi les festivités locales et anime le centre-ville depuis le carrefour de Shabarang jusqu’au parc Mellat.

La représentation des marionnettes est l’une des principales attractions. Dénommées Bokeh Baraneh, ces marionnettes témoignent autant d’un savoir-faire artisanal que des traditions qui perdurent en Iran.

Un magnifique album de photographies de Seyyed Mosleh Pirkhazranian à découvrir :

Catégories
HistoireNature et Géographie

Iran, trésors de Perse

Le documentaire Iran, trésors de Perse nous invite à explorer un pays imprégné d’histoire et de cultures tout en découvrant ses merveilles architecturales et naturelles. Réalisé par Éric Bacos en 2016, ce documentaire s’avère idéal pour découvrir le plus vieux pays du monde, héritier de 7000 ans de civilisation.

Cette vidéo fut censurée par YouTube.

Téhéran, la capitale, se situe majestueusement au pied du mont Damavand, le sommet le plus haut d’Iran. C’est une ville fascinante à explorer, où chaque quartier révèle des trésors cachés, allant des somptueux palais aux vibrants bazars. Téhéran est un véritable carrefour de traditions et de modernité, offrant un aperçu du quotidien iranien et de sa diversité.

De la Perse à l’Iran, découvrez l’un des plus beaux trésors du monde

Pour enrichir cette expérience, le documentaire nous emmène ensuite vers la région de la mer Caspienne. Cette partie du pays se distingue tout d’abord par une végétation luxuriante. Mais également par un mode de vie bien différent de celui existant dans d’autres régions d’Iran. La beauté naturelle de cette région, avec ses plages et ses montagnes verdoyantes, attire les visiteurs qui souhaitent découvrir un autre aspect de la culture iranienne.

Incontournable, la ville d’Ispahan se dresse comme un témoignage majestueux de l’âge d’or iranien. Ancienne capitale de l’empire safavide, Ispahan émerveille ses visiteurs. Autant par ses somptueux palais que par ses mosquées ornées de mosaïques scintillantes et ses ponts historiques. Les célèbres tapis persans, réputés pour leur élégance et leur qualité, font également partie intégrante de l’identité culturelle d’Ispahan. Les amateurs d’art et d’artisanat du monde entier ne manque aucunement de s’y rendre pour en apprécier les richesses.

Iran, trésors de Perse film documentaire

Enfin, Yazd, avec son riche héritage zoroastrien, s’avère un autre point fort de ce voyage à travers l’Iran. Ses mosquées aux minarets élancés côtoyant les temples du feu témoignent d’une histoire ancienne qui continue de résonner dans la culture iranienne.

Un voyage à travers les merveilles insoupçonnées de l’Iran

Shiraz, située dans le sud de l’Iran, est une ville riche en histoire, en culture et en poésie. Souvent considérée comme le berceau de la littérature iranienne, elle vit naître des poètes célèbres tels que Hafez et Saadi. La ville est également renommée pour ses magnifiques jardins, notamment le jardin de Eram, qui est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

À travers un voyage captivant narré par Laurent Jacquet, ce documentaire invite le spectateur à apprécier la mosaïque culturelle et les trésors historiques que nous offre l’Iran, tout en témoignant de l’hospitalité et de la chaleur de son peuple.

Catégories
Géopolitique et Diplomatie

Le martyre d’Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah

Le vendredi 27 septembre 2024 fut menée par l’armée de l’air israélienne une frappe aérienne ciblant le quartier général du mouvement chiite à Beyrouth. Le secrétaire général du Hezbollah, Seyed Hassan Nasrallah, cible principale des Israéliens, trouve la mort. À ses côtés tombe également en martyre le général de brigade de première classe pâsdâr Abâs Nilforoushân. Ainsi qu’Ibrahim Hossein Djazini, responsable de la protection rapproché de Monsieur Nasrallah, Samir Tawfiq, conseiller, Abd al-Amir et Ali Nawaf Ayoub, respectivement responsables de la mobilisation militaire et des forces balistiques.

Comprendre le Hezbollah et le rôle d’Hassan Nasrallah

Dans un entretien accordé au Cercle Aristote intitulé Hezbollah décapité quelles conséquences ?, Morgan Lotz répond aux questions de Pierre-Yves Rougeyron.

Cet échange fut enregistré le lundi 30 septembre 2024 et publié le mercredi 2 octobre suivant. Soit quelques heures avant l’invasion terrestre du Liban par l’armée israélienne et la veille des frappes de missiles iraniens en réponse légitime, conforme à l’article 51 de la charte des Nations unies.

Morgan Lotz Hezbollah Seyed Hassan Nasrallah

Morgan Lotz est l’auteur d’une étude sur le Hezbollah dans son livre Comprendre les Gardiens de la Révolution islamique. Il revient notamment sur l’histoire du Hezbollah et sa fondation en 1985, regroupant plusieurs factions résistantes après la scission du mouvement Amal (أمل, signifiant « espoir »), fondé en 1974. Il présente également, sources à l’appui, son rôle et son évolution dans la société libanaise et sur la scène géopolitique.

Précisions sur l’attaque du Drakkar

La désinformation concernant l’implication du Hezbollah dans l’attaque du Drakkar le 23 octobre 1983 demeure tenace en Occident. Il convient d’apporter quelques précisions.

La guerre civile libanaise

Le Liban est en proie à une guerre civile qui débuta le 13 avril 19751 avec le massacre du bus de Beyrouth par les Phalangistes libanais. Cette milice chrétienne fut fondée par Pierre Gemayel en 1936 sous le nom de « Parti al-Katâ’eb – Parti social-démocrate libanais » (حزب الكتائب اللبنانيّة – الحزب الديمقراطي الاجتماعي اللبناني).

Le 6 juin 1982, l’armée israélienne déclenche l’opération Paix en Galilée et envahit le Liban jusqu’à la capitale Beyrouth. Nombre de Libanais entrent alors en résistance contre l’envahisseur israélien.

La présence militaire étrangère au Liban

En septembre 1982, la France et les États-Unis constituent une force de « maintien de la paix » sous le nom de « Force multinationale de sécurité à Beyrouth ». Elle se compose de 2000 soldats français, 1600 soldats et 2 porte-avions étasuniens, 1400 soldats italiens et 100 soldats britanniques. Cependant, celle-ci ne dispose aucunement du soutien de l’ONU.

Côté français, le 1er régiment de chasseurs parachutistes installe un de ses cantonnements dans l’immeuble Drakkar situé dans le quartier de Ramlet el-Baidda.

L’attaque du Drakkar

Le dimanche 23 octobre, le bâtiment explose, tuant 305 personnes. Parmi les victimes figurent 241 militaires étasuniens, 58 militaires français et 6 civils libanais. L’enquête concernant cette explosion ne sera jamais véritablement menée :

« Selon la thèse officielle française, retranscrite dans les archives de l’armée française, un camion suicide bourré d’explosifs, tout comme celui qui avait pulvérisé quelques minutes auparavant le quartier général des Marines américains, pénètre dans le sous-sol du PC français, « malgré les tirs d’une ou plusieurs sentinelles », avant d’exploser.

Cette thèse est toutefois très contestée par les survivants de l’attaque. Nombreux sont ceux qui assurent n’avoir vu aucun véhicule pénétrer le bastion des paras français, doté d’une seule entrée, et entouré d’un mur et de levées de terre, pas plus qu’ils n’ont entendu des tirs avant l’explosion.

[…]

Un an après les faits, une polémique avait déjà éclaté sur les circonstances de l’attentat. Fin octobre 1984, dans un article paru dans le Figaro-Magazine, le père de l’une des victimes affirmait qu’il se pourrait que le Drakkar ait été au préalable lourdement miné par les services secrets syriens [qui étaient positionnés dans l’immeuble avant l’arrivée de l’armée française, NDLR], et que l’explosion ait été commandée à distance. Pour la Syrie, qui occupait alors le Liban depuis 1976, la Force multinationale d’interposition était un obstacle, qui l’empêchait de faire main basse sur le pays du Cèdre.

 En 1989, rebelote. Comme en 1984, des députés annoncent leur intention de demander la constitution d’une commission d’enquête parlementaire spéciale sur l’attentat du Drakkar. En se fondant cette fois sur des éléments recueillis par l’hebdomadaire « Paris-Match » et un reportage de « La Cinq ». Selon les témoignages de survivants interrogés par les deux médias, l’hypothèse d’un immeuble miné par les Syriens avait également été évoquée. L’attentat aurait, dans ces conditions, été perpétré en représailles à une tentative conjointe des Américains et des Français d’assassiner l’un des chefs de la communauté chiite au Liban, Mohammad Hussein Fadlallah. »

Attentat du Drakkar : 30 ans après le drame, des larmes et des doutes, France 24, 23 octobre 2013 (https://www.france24.com/fr/20131023-attentat-drakkar-30-ans-1983-attentat-liban-beyrouth-drame-these-officielle-paras-parachutistes).

Cette commission d’enquête ne verra jamais le jour. La thèse officielle française trouve sa source dans un rapport classé « confidentiel défense » :

« Le temps n’a pas non plus levé les doutes sur les causes de l’explosion. La thèse officielle est décrite dans un rapport confidentiel défense. Une camionnette bourrée d’explosifs venait de percuter le siège des marines, près de l’aéroport, tuant 241 soldats américains. « Quelques instants plus tard, malgré les tirs d’une ou plusieurs sentinelles, une autre camionnette se jette contre l’immeuble Drakkar occupé par la compagnie du premier RCP dans Beyrouth-Ouest, à proximité du quartier chiite. La commission d’enquête libanaise conclura à deux attentats exécutés de façon similaire et par ailleurs les enquêtes menées par les autorités françaises aboutissent aux mêmes conclusions. »

DES TÉMOINS DIRECTS JAMAIS ENTENDUS

Ce compte rendu lapidaire, le seul qui figure dans les archives officielles de l’armée, est mis en doute par les survivants interrogés par Le Monde. Robert Guillemette, qui était de garde sur le toit du Drakkar, assure n’avoir jamais entendu de tirs. Lucien Jacquart et Dominique Grattepanche non plus. « Je n’ai pas vu de camion »,assurent Daniel Tamagni et Eric Mohamed, qui étaient sur le balcon face à l’entrée par où serait arrivé le véhicule piégé.

Omer Marie-Magdeleine était adjudant d’unité. Ce rescapé était chargé de la protection du bâtiment. Le matin encore, quelques minutes avant l’explosion, le gradé avait supervisé le dispositif qui se composait notamment de six armes antichars et de deux mitrailleuses lourdes 12.7. « Le bâtiment était entouré d’un mur et protégé par des levées de terre, explique-t-il. La rue était barrée des deux côtés. L’immeuble était protégé par une chicane et des barbelés. Il n’y avait aucune possibilité qu’un camion puisse passer sans être remarqué. »

D’autres militaires français étaient installés dans un immeuble voisin, baptisé Catamaran et situé à moins de 100 mètres. Ces hommes se sont précipités sur le balcon après l’explosion du bâtiment américain. Deux minutes plus tard, Drakkar, qui était dans leur axe de vision, explosait. Aucun n’a vu de camion.

Le plus étonnant dans l’affaire est que ces témoins directs n’ont jamais été entendus au cours de l’enquête. De même, les survivants furent mis à l’isolement par l’armée, avec interdiction de parler à quiconque.

AUCUN CAMION RETROUVÉ DANS LES DÉCOMBRES

Les rescapés avancent encore des arguments techniques. Aucun camion n’a été retrouvé dans les décombres. L’entrée par où se serait engouffré le véhicule du kamikaze est située sur le côté, et l’immeuble n’aurait pas dû s’affaisser sur lui-même comme il l’a fait. Enfin, une flamme, visible sur certains clichés, est sortie du dessous de l’immeuble qui s’est soulevé avant de s’effondrer.

Les sentinelles qui étaient de garde à Drakkar ont été tuées. Une seule a survécu mais est restée amnésique. […]

Succincte, la thèse officielle comporte en outre des variantes. Selon un document de l’Office national des anciens combattants (ONAC), le camion est « soulevé dans les airs, il retombe à 7 mètres de distance. Les sentinelles n’ont pas eu le temps de réagir ». Pas de tir cette fois, et un camion projeté en l’air, mais que personne n’a retrouvé. »

Benoît Hopquin, Attentats du Drakkar – Beyrouth 1983 : qui a tué les paras français de Beyrouth en 1983 ?, Le Monde 23 octobre 2013 (https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/10/23/qui-a-tue-les-paras-francais-de-beyrouth-en-1983_3501317_3224.html).

Le Hezbollah ne peut être impliqué puisque celui-ci fut fondé le 16 février 1985. Il n’est toutefois pas impossible que des personnes impliquées dans la résistance contre les différentes armées d’occupation aient par la suite rejoint le Hezbollah.

Pour la France et les États-Unis, leur présence relevait du maintien de la paix. Cette présence militaire étrangère fait suite à la demande formulée par le président Bachir Gemayel. Ce dirigeant adoptait une politique collaborationniste avec l’envahisseur israélien. En conséquence de quoi nombre de Libanais considèrent ces attaques comme justifiées et relevant de la résistance.

Précisions sur la résolution 1701

Le Hezbollah devint au fil du temps la principale force de défense du Liban. En effet, la guerre des 33 jours de 2006 prit fin avec la résolution 1701 de l’ONU. Celle-ci fut rédigée par Victoria Nuland, alors représentante permanente des États-Unis auprès de l’OTAN. Toutefois, le président français Jacques Chirac imposa son amendement pour permettre à l’armée libanaise, alors défaillante, de se faire remplacer par le Hezbollah à la frontière.

  1. Celle-ci s’achèvera le 13 octobre 1990 avec la signature de l’accord de Taëf. ↩︎
Catégories
Art et LittératureReligion et Spiritualité

Le Soir d’Ashoura, chef-d’œuvre du peintre Mahmoud Farshtshian

Le Soir d’Ashoura est un tableau réalisé en 1976 par le grand maître Mahmoud Farshtshian. Figurant parmi les œuvres les plus célèbres de ce peintre renommé, Le Soir d’Ashourademeure une œuvre mystique qui ne cesse de fasciner et de bouleverser son admirateur.

Le Soir d’Ashoura - Mahmoud Farshtshian
Le Soir d’Ashoura
Mahmoud Farshtshiān
(1976)

Mahmoud Farshtshian, un maître de la peinture iranienne

Mahmoud Farshtshiân (محمود فرشچیان) naquit à Ispahan le 24 janvier 1930. Son père, représentant des tapis d’Ispahan, le conduisit un jour à l’atelier du peintre Mirzâ Aqâ Emâmi (1881-1955). Cet artiste remarqua ses prédispositions pour la peinture. Après avoir d’abord étudié avec lui et ‘Isa Bahâdori (1906-1986), il obtint son diplôme de l’école des beaux-arts d’Ispahan. Farshtshian se rendit ensuite en Europe pour parfaire ses compétences au conservatoire des beaux-arts. Il passa plusieurs années à étudier les œuvres d’artistes occidentaux dans les musées.

À son retour en Iran, Farshtshian intégra l’Administration générale des beaux-arts de Téhéran. Il fut nommé directeur de l’administration nationale et professeur à la faculté des beaux-arts de l’Université de Téhéran.

Mahmoud Farshtshian en novembre 2023.
(Sources : Persian miniature; Iranians’ exquisite art – Mehr News Agency)

Mahmoud Farshtshian est le créateur d’une école de peinture iranienne qui allie le respect des formes classiques à l’exploration de nouvelles techniques, permettant ainsi d’élargir l’horizon de cet art. En insufflant une nouvelle vie à la peinture iranienne, il enrichit la puissance de son expression en y intégrant la richesse de son histoire en lien avec la poésie et la littérature, lui conférant ainsi une autonomie longtemps négligée. Ses œuvres se caractérisent par leur dynamisme et leur vaste portée évocatrices, mêlant habilement des éléments traditionnels et contemporains à travers des combinaisons de styles uniques.

Farshtshian se distingue par un sens créatif remarquable, une maîtrise des motifs vivants, ainsi que la capacité de créer des espaces fluides et courbes, de dessiner des lignes à la fois douces et fortes, et de composer des couleurs vibrantes. Ses créations représentent une fusion harmonieuse d’originalité et d’innovation, influencées par la poésie classique, la littérature iranienne, le Coran, mais également par les écrits chrétiens et juifs.

Le Soir d’Ashoura de Mahmoud Farshtshian, une œuvre iconique de la peinture iranienne

Inscrit sur la liste des œuvres d’art de l’UNESCO, Le Soir d’Achoura (عصر عاشورا asr-é ashoura) illustre en une scène poignante le chagrin dévastateur de la famille de l’Imâm Hossein, dont le souvenir résonne à travers les âges. Alors que le cheval du IIIèmeImam chiite rentre seul de la bataille de Karbala, tout son être témoigne de la tragédie qui vient de se jouer. Son poil en désordre et la position abattue de sa tête traduisent la douleur et la désolation, tandis que des taches de sang sur son corps évoquent la violence du conflit. Les yeux du cheval, empreints d’une souffrance silencieuse, semblent pleurer la perte de son cavalier, un symbole de foi et de sacrifice.

Auprès de lui, des femmes et des jeunes filles, inclues dans un chœur de lamentations, expriment leur chagrin. Elles rendent ainsi hommage à cet homme qui incarne l’héroïsme et le martyre. La selle en désordre, avec des pigeons transpercés de flèches, souligne l’intensité de la bataille et le chaos qui l’entoura. Cette illustration populaire de l’art iranien trouve une résonance particulière, évoquant avant tout le souvenir sacré de l’Imam Hossein à travers la douleur et la tragédie de son martyre.

À la différence de ses autres créations, Mahmoud Farshtshian choisit d’adopter pour cette œuvre un format horizontal, transmettant une impression d’énergies statiques et évanescentes.

« Trois ans avant la révolution, le jour de l’Ashoura, ma mère m’a dit : « Va écouter le sanctuaire pour que tu puisses entendre quelques mots de jugement. » J’ai dit : « J’ai quelque chose à faire maintenant, et ensuite je partirai. » Je suis allé dans la chambre, mais j’étais moi-même contrarié. J’ai ressenti une sensation étrange, alors j’ai pris ma plume et j’ai commencé à peindre Le Soir d’Achoura. Quand j’ai pris le stylographe, c’est devenu le même tableau qu’il est maintenant, sans aucun changement. Maintenant, quand je regarde ce tableau après trente ans, je vois que si j’avais voulu faire ce travail aujourd’hui, le même tableau aurait toujours été créé, sans aucune modification. Il y a quelque chose dans cette peinture qui me fait pleurer moi-même. »

Interview de Mahmoud Farshtshian, محمود فرشچیان: تماشای «عصر عاشورا» خودم را هم به گریه می اندازد, Rahva, 7 décembre 2011 (https://web.archive.org/web/20120307224820/http://www.rahva.ir/102/23828-%D9%85%D8%AD%D9%85%D9%88%D8%AF-%D9%81%D8%B1%D8%B4%DA%86%DB%8C%D8%A7%D9%86-%D8%AA%D9%85%D8%A7%D8%B4%D8%A7%DB%8C-%C2%AB%D8%B9%D8%B5%D8%B1-%D8%B9%D8%A7%D8%B4%D9%88%D8%B1%D8%A7%C2%BB-%D8%AE%D9%88%D8%AF%D9%85-%D8%B1%D8%A7-%D9%87%D9%85-%D8%A8%D9%87-%DA%AF%D8%B1%DB%8C%D9%87-%D9%85%DB%8C-%D8%A7%D9%86%D8%AF%D8%A7%D8%B2%D8%AF.html).

En 1990, le peintre offrira son tableau au mausolée du VIIIème Imâm Rezâ, situé à Mashhad.

Site officiel de Mahmoud Farshtshian :https://www.farshchianart.com/

Catégories
Art et LittératureSociété

Shahriar, le dernier roi de la poésie iranienne

Le 18 septembre 1988 disparaissait le poète Shahriar, considéré comme le dernier roi de la poésie iranienne. En Iran, cette date correspond depuis à la Journée nationale de la Poésie et de la Littérature persane.

Mohammad-Hossein Shahriar le dernier roi de la poésie iraniene

Né en 1906 dans le village de Khoshkanab, près de Tabriz, Seyed Mohammad-Hossein Behjat Tabrizi (سیّد محمّدحسین بهجت تبریزی) composa des œuvres en langues persane et azérie qui furent traduits dans près de 80 langues différentes.

Shahriar, le dernier géant de la poésie iranienne contemporaine

Rien ne destinait le jeune Mohammad-Hossein à devenir le plus emblématique poète contemporain iranien. En effet, il entreprit des études de médecine à l’université de Téhéran. Une déception amoureuse le fera renoncer et abandonner sa carrière.

Il publie ses premiers poèmes en 1929. Influencé par le poète iranien Hâfez (حافظ) et le poète azéri Khasteh Qâsem (خسته قاسم), son œuvre reflète l’omniprésence de l’amour et la souffrance du désespoir et du chagrin qui le hante.

Le 17 septembre 2024, sa maison devient un musée. (Source : La maison du poète Shahriar à Tabriz transformée en musée, IRNA, 17 septembre 2024)

Contrairement à de nombreuses figures de son époque, Shahriar se préoccupa fort peu des enjeux politiques. Néanmoins, il exprima un fervent nationalisme, qui transparaît dans son œuvre à travers de nombreuses métaphores célébrant Persépolis, Zoroastre et Ferdowsi. Au cours de l’occupation soviétique de l’Azerbaïdjan iranien entre 1945 et 1946, ainsi que de l’émergence du Parti démocratique azerbaïdjanais séparatiste, Shahriar écrivit des poèmes célébrant l’unité nationale de l’Iran.

Rencontre avec Ali Khamenei le 20 juillet 1987.

Certains de ses écrits s’inspirent également de la spiritualité chiite, célébrant notamment le Ier Imam Ali.

C’est en 1954 qu’il publie ce qui deviendra son œuvre magistrale, Heydar Babaya Salam. S’inspirant du nom de la montagne Heydar Baba qui surplombe son village natal, il y évoque la nostalgie de son enfance.

L’université de Tabriz l’honore en 1967 d’une chaire honorifique de littérature.

Shahriar fut également un calligraphe accompli et un musicien passionné, jouant avec virtuose du sétar. Il entretenait une amitié étroite avec l’éminent professeur de musique Abdolhossein Saba.

tombe poète iranien Shahriar Tabriz

Il repose au cimetière des poètes de Tabriz, le célèbre Mazār-é Shāerān (مزارِ شاعران), aussi appelé Mazār-é Sorāyandegān (مزارِ سرایندگان).