Alors que de nombreuses idées préconçues circulent à propos des Juifs et du judaïsme en Iran, le public occidental perçoit souvent ce pays comme un hostile aux Israélites en raison du contexte géopolitique entre l’Iran et Israël. Cependant, ce stéréotype est en réalité totalement erroné et trompeur.

L’Iran est le seul pays du monde où cohabitent les quatre religions monothéistes. Bien que la majorité de la population (environ 90 %) pratique l’islam chiite duodécimain, on trouve également des communautés sunnites, principalement issues des minorités kurde, turkmène et baloutche. Parmi les autre religions figurent les Zoroastriens, les Chrétiens (issus des églises assyrienne, chaldéenne et arménienne), ainsi que les Juifs.
Les Juifs et le judaïsme en Iran
Dans cet entretien avec Pierre-Yves Rougeyron, Morgan Lotz, spécialiste des études iraniennes, démêle les idées reçues sur les relations entre l’Iran et les Juifs. De Cyrus le Grand à la République islamique, en passant par le rôle méconnu de l’Iran pendant la Seconde Guerre mondiale, découvrez une histoire millénaire marquée par la tolérance, les échanges culturels et une coexistence souvent ignorée. Une analyse nuancée qui remet en perspective les tensions géopolitiques actuelles.
Sommaire :
- 00:00:00 Introduction – Pourquoi parler des Juifs en Iran ?
- 00:07:18 Les racines anciennes : Cyrus le Grand, le Talmud de Babylone et l’héritage zoroastrien
- 00:21:24 L’Iran pendant la Seconde Guerre mondiale : le « Schindler iranien » et la protection des Juifs
- 00:38:36 La place des Juifs sous la République islamique : droits, représentation et participation à la révolution de 1979
- 00:58:51 Les minorités religieuses en Iran aujourd’hui : synagogues, églises et temples zoroastriens
- 01:02:42 Mahmoud Ahmadinejad et les malentendus médiatiques : antisionisme vs antisémitisme
- 01:07:26 Pourim, Esther et Mardochée : comment l’histoire biblique résonne en Iran
- 01:10:06 SAVAK, Mossad et tensions israélo-iraniennes : les cicatrices de l’Histoire
Histoire des Juifs et du judaïsme en Iran
735 avant Jésus-Christ : première déportation des Israélites vers l’Iran suite à leur défaite face à Salmanasar V, roi d’Assyrie.
622 avant Jésus-Christ : les Israélites de Babylone sont déportés vers l’empire mède par le roi assyrien Assurbanipal. Le Deuxième Livre des Rois et la tradition orale des Juifs d’Ispahan et de Médie mentionnent cet évènement.
539 avant Jésus-Christ : Cyrus II, dit Cyrus le Grand, fondateur de l’empire achéménide, conquit Babylone et libère les Juifs de leur captivité. Il leur permet de retourner à Jérusalem pour reconstruire le Temple.
C’est durant les époques arsacide (250 avant Jésus-Christ – 224 après Jésus-Christ) et sassanide (224-651) que furent rédigées la Michna et la Guémara du Talmud de Babylone.
L’héritage iranien dans le judaïsme
Le zoroastrisme, fondement du monothéisme, précède les prophètes juifs. Son influence sur le judaïsme commence au VIème siècle avant Jésus-Christ, lorsque le roi iranien Cyrus le Grand libéra les Juifs de la captivité après avoir conquis Babylone et facilita leur retour en Palestine d’où ils étaient originaires. Cyrus décréta à tous les peuples de son empire la liberté de croyance, de coutumes et de langue :
« J’ai accordé à tous les hommes la liberté d’adorer leurs propres dieux et ordonné que personne n’ait le droit de les maltraiter pour cela. J’ai ordonné qu’aucune maison ne soit détruite. J’ai garanti la paix, la tranquillité à tous les hommes. J’ai reconnu le droit de chacun à vivre en paix dans le pays de son choix. »
Ismaël Quiles, « Analyse des principes énoncés dans le cylindre de Cyrus », Acta Iranica, t. I, 1973, et Wilhelm Eilers, « Les textes cunéiformes du cylindre de Cyrus », Acta Iranica, t. II, 1974.
Deux livres de l’Ancien Testament mentionnent cet épisode historique : le livre d’Esdras (1;1-8) et le livre d’Isaïe (44;28 à 45;3).

Le patrimoine du judaïsme en Iran
Le patrimoine juif en Iran s’avère aussi important que méconnu. Hormis 25 synagogues réparties dans le pays, dont certaines possèdent une école hébraïque, d’autres monuments attestent de la présence du judaïsme dans le pays :
- Suse : tombeau du prophète Daniel ;
- Hamadan : mausolée d’Esther et Mardoché ;
- Province de Tuyserkan : mausolée d’Habakuk ;
- Nahavand : mausolée de Musa Ben Bary ;
- Semnan : mausolée d’Abraham Ben Ezra ;
- Qazvin : place des Prophètes où seraient enterrés quatre prophètes juifs ;
- Yazd : tombe de l’érudit juif Harav Ohr Shraga ;
- Kashan : tombe de l’érudit juif Hakham Moshe Halevi ;
- Saqqez (Kurdistan iranien) : bazar juif ;
- Téhéran : tombes des martyrs juifs de la guerre imposée à l’Iran par l’Irak (1980-1988) ;
- Téhéran : deux restaurants casher, un hôpital, une maison de retraite et un cimetière juifs, ainsi qu’une bibliothèque juive abritant 20 000 livres ;
- Ispahan : cimetière juif abritant plus de 2000 tombes ;
- Province d’Ispahan : tombe de Sarah bat Asher, petite-fille de Jacob, au cimetière juif de Pir Bakran, datant du IIème siècle.

Enfin, une rue particulière de Téhéran doit être mentionnée : il s’agit de la rue Si-é-Tir. Preuve et témoignage de l’histoire religieuse de l’Iran, il s’y trouve le temple du feu Adorian, un lycée zoroastrien, la synagogue Haïm, les églises Saint Pierre et Sainte Marie et la mosquée Abraham.


































