Par Morgan Lotz
Parmi les acteurs importants de la Première Guerre mondiale, la figure du diplomate et espion allemand Wilhelm Waßmuß est l’une des plus méconnues. Oublié avec le temps, parce que l’Histoire est écrite par les vainqueurs, son rôle ne fut cependant pas négligeable durant ce conflit en Iran, au point qu’il est comparé à Lawrence d’Arabie.
Semblablement à son homologue britannique, il fut de ces Européens envoûtés par la puissance du désert, étrangers appelés aux destins héroïques parmi des peuples dont l’aura leur confère l’étoffe des grands conquérants et des prophètes. Il mènera sa mission à travers les écueils des jeux d’alliances et des contre-attaques dans une lutte impitoyable entre deux puissances exportant leur sanglante inimitié en Iran.
Les jeunes années de Wilhelm Waßmuß
Né à Ohlendorf le 14 février 1880, Waßmuß est l’aîné d’une famille de fermier. Fréquentant l’école primaire en 1893, il obtient son baccalauréat au lycée de Goslar en 1900. Pris de passion pour les langues étrangères, il y étudiera le latin, le grec, l’anglais, le français et l’hébreu. Il entame par la suite à Marburg des études de droit, poussé par la pression familiale, études qui le conduiront à s’installer la même année à Berlin. Waßmuß décide de s’inscrire au séminaire d’étude des langues orientales à Berlin après avoir pris connaissance des recherches du ministère fédéral des Affaires étrangères, en proie à un manque de personnel qualifié dans le domaine des traductions et de l’interprétariat. Il étudie dès lors l’arabe et le marocain en parallèle de ses études de droit. Il déménage au cours de l’hiver 1902 à Göttingen où il achève ses études de droit à l’université et passe son premier examen de droit au tribunal régional supérieur de Celle, qui lui permet de débuter comme stagiaire juridique au tribunal royal de Zellerfeld en 1904 (situé dans le district de Goslar). Il ne tarde pas à être muté à Berlin où il fut reçu en août à un examen d’arabe et de marocain. Il débute en octobre de la même année son service militaire au IIIème Département d’artillerie de Marine de Lehe en région, une unité destinée au service à l’étranger. C’est au cours de son service militaire qu’il dépose au ministère des Affaires étrangères une demande de mission dans le service de traduction ; convoqué à un entretien, il accepte le poste au consulat de Zanzibar qui lui est proposé.
Wilhelm Waßmuß prend son service à Zanzibar le 8 janvier 1906, époque au cours de laquelle les mutations du Reich deviennent pour nombre de tribus africaines une source d’espérance. Apprenant et maîtrisant rapidement la langue swahilie, ses supérieurs témoigneront leur satisfaction, ce qui lui permettra d’être sollicité en 1909 au poste de consul adjoint à Boushehr, en Iran, pour représenter le consul Helmuth Listemann[1].
L’année suivante, Waßmuß est de retour en Tanzanie, missionné comme vice-consul de la ville portuaire de Tanga le 31 octobre ; il profitera de cette période pour étudier attentivement les peuples du désert. Le 18 mai 1913, il est à nouveau envoyé à Boushehr comme directeur provisoire du vice-consulat. La situation politique qui règne alors en Iran est exacerbée par les relations conflictuelles entretenues entre la Russie et la Grande-Bretagne. Les habitants de la région de Boushehr, hostiles à toute présence étrangère, s’opposèrent à plusieurs reprises aux Britanniques. Les élites et les chefs des tribus, alors dépossédés de tout pouvoir, cherchaient un allié pour contrer les Britanniques. Ils décèlent en Waßmuß cet allié potentiel au cours de ses voyages à l’intérieur des terres iraniennes au cours desquels le diplomate noue des liens avec les khâns les plus influents. Dès lors, les soupçons britanniques se portent à son encontre, suspectant dans ses activités d’espionnage et d’influence politique le dessein de provoquer le soulèvement des tribus de la région contre la présence britannique.
Wilhelm Waßmuß, de l’aventure à l’entrée dans l’Histoire
C’est lorsqu’il est muté en 1914 à l’ambassade d’Allemagne du Caire en tant que drogman[2] qu’il apprend la nouvelle du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il prend alors la décision de modifier son itinéraire et de se précipiter à Berlin où il arrive le 31 août. Waßmuß avait parfaitement compris le rôle prépondérant qu’il pouvait jouer dans la stratégie de provoquer des insurrections parmi les populations colonisées par les puissances européennes adversaires de l’Allemagne. C’est sous la direction de Max von Oppenheim (1860-1946) qu’il planifia cette stratégie d’insurrection secrète afin de perturber l’ordre dans les zones musulmanes, faisant alors partie des domaines d’intérêts des puissances russes, britanniques et françaises. Pour ce faire, il était nécessaire d’exercer une influence sur les populations des différentes régions et notamment les dirigeants locaux. Cette mission, en plus de nécessiter une intense et savante propagande, exigeait l’octroi d’une aide militaire comprenant la livraison d’armes et de munitions ainsi que le financement de ces mouvements. Cette méthode de guerre est immédiatement approuvée par l’empereur allemand Guillaume II lorsqu’il en prend connaissance. Waßmuß est alors affecté dans une expédition destinée à provoquer en Iran et en Afghanistan différents soulèvement contre les Britanniques jusqu’en Inde[3].
Waßmuß part de Berlin en compagnie de vingt-et-une autres personnes qui constitueront son équipe le 6 septembre 1914 en direction de Constantinople ; cependant, cette équipe ne conviendra pas à sa direction en raison d’un manque de compétences et d’un comportement inadéquat dont ont fait preuve certains membres une fois arrivés à destination. L’ambassadeur d’Allemagne, Hans Freiherr von Wangenheim (1859-1915), va alors usé de son influence pour que cette équipe soit reconstituée et placé sous le commandement de Waßmuß.
Un second groupe dirigé par Oskar von Niedermayer (1885-1948) et un troisième dirigé par Werner Otto von Hentig (1886-1984) furent envoyés sur place ; le groupe de von Niedermayer rejoint d’ailleurs celui de Waßmuß à Baghdâd le 9 janvier 1915. Dès lors, chacun rejoint son poste. Waßmuß, qui s’est coordonné avec Helmuth Listemann rejoint en compagnie de sept hommes la ville iranienne de Shirâz avec l’objectif de poursuivre en direction de l’Afghanistan, approuvé sans avoir attendu le retour de Berlin par l’ambassadeur von Wangenheim.
Titulaire d’un passeport diplomatique lui attribuant la fonction de consul, Waßmuß parvint à rejoindre la frontière iranienne le 1er février 1915 avec l’objectif de se déplacer en Iran afin de mener une mission dont il rêvait depuis plusieurs années : mener la révolte parmi les populations et les tribus iraniennes contre la domination anglo-russe dans la région. En effet, les positions britanniques en Iran et au Koweit constituaient des avant-postes destinés à protéger leurs intérêts indiens ; de plus, les gigantesques réserves pétrolières découvertes au début du siècle dans la région du Khouzistân constituaient une nouvelle source de revenus non négligeable pour la Grande-Bretagne, qui espérait bien asseoir sa domination sur les terres iraniennes. C’est une fois la frontière franchie qu’il apprend que la sécurité de son expédition ne pouvait être garantie par les autorités iraniennes déjà mises en difficulté par les combats qui se déroulent en Azerbaïdjân iranien et par la domination anglaise dans le sud, les Britanniques n’hésitant d’ailleurs guère à signaler qu’ils cessaient de se conformer au droit international… Waßmuß l’ignore pour le moment, mais ses ennemis européens sont déjà informés de sa mission, ayant même offert une récompense pour sa capture.
Le 5 mars, sa caravane est victime d’une attaque britannique au cours de laquelle il parvient à s’échapper avant de rejoindre Borazdjân à quelques 100 kilomètres de distance. Malheureusement pour lui, son médecin est arrêté et le matériel saisi ; parmi les armes et les supports de propagande figure la liste complète des protagonistes participants à l’opération. En conséquence de quoi, le 6 mars 1915, les Britanniques entrent par la force et en complète violation du droit international dans le consulat allemand de Boushehr ; le consul Listemann est arrêté au cours d’une opération illégale et interné au centre de détention pour civils d’Ahmednagar, en Inde. Il faudra attendre la publication en 2009 des mémoires de l’un des officiers britanniques responsable de l’attaque, Cecil John Edmonds[4], pour connaître les descriptions précises de cet incident militaire et diplomatique au cours duquel un livre de code diplomatique allemand fut saisi pendant la perquisition, permettant ainsi le décryptage de la correspondance diplomatique allemande par la Grande-Bretagne.
Waßmuß traverse d’abord les villes de Dezfoul et Shoushtar avant de s’établir à Boushehr où il organise les tribus Bakhtyâri, Tangsir et Qashghâi afin de les conduire à la rébellion contre les Britanniques. Il rencontre durant cette période le gouverneur Mohammad-Ali Shabankareh qui le convie au château de Rostam Khâni, l’assurant son soutien pour lutter contre l’entente anglo-russe. Menant une intense campagne de sensibilisation des chefs locaux en distribuant des brochures et des documents promouvant son appel, Waßmuß est rapidement dans une dangereuse situation : la police de Shoushtar tente de l’arrêter, le poussant à s’enfuir à Behbahân, à 160 kilomètres vers le sud. Les Britanniques avaient très tôt compris le danger que représentait pour eux Waßmuß : en effet, ils avaient réalisé la nécessité de l’appréhender après avoir lu ses brochures et constater sa renommée grandissante à travers tout le pays.
Le notable dirigeant la ville, membre de la tribu des Hayât-Dâvoudi[5], le reçoit cordialement et l’invite à dîner ; il s’agit cependant d’un piège puisque le diplomate allemand est rapidement placé sous la surveillance de la garde en vue d’être vendu aux Britanniques. C’est en cours de route que le messager dépêché rencontre un détachement britannique et l’informe de la capture de Waßmuß ; celui-ci fait alors immédiatement route vers Behbahân. Heureusement pour Waßmuß, les négociations pour son prix sont retardées par l’exigence protocolaire de la politesse orientale qui fit perdre aux Britanniques un temps précieux lui permettant de s’évader. L’histoire de son évasion relève d’un concours de circonstance en sa faveur assez déroutant : il avait déclaré à ses geôliers que son cheval, malade, devait être promené toutes les heures ; Waßmuß put donc le faire trotter sous la surveillance d’une escorte. Un beau matin, alors que ses gardes se furent endormis, lassés de devoir sans cesse l’escorter jusqu’aux écuries, le diplomate allemand parvint à s’évader, forcé d’abandonner dans la cour de la demeure ses bagages qui seront par la suite expédiés à Londres et dans lesquels se trouvait un livre recensant les codes diplomatiques usités par les services de renseignements allemands.
Désormais libre mais activement recherché par les Britanniques, Waßmuß poursuit sa mission et parvient à rassembler 300 cavaliers au mois de juillet 1915 ; leur première attaque est menée dans la nuit du 11 au 12 juillet à l’encontre de la résidence d’été du consul général britannique. Devant son offensive et le danger qu’elle représente, ses adversaires lui opposent les South Persian Rifles, sans toutefois parvenir à l’empêcher de pénétrer et d’occuper le consulat général du Royaume-Uni le 10 novembre 1915, avec l’aval du Comité pour la protection de l’indépendance de la Perse qui lui adjoignirent des combattants iraniens réguliers. La région comprise entre Shirâz et Boushehr étant désormais coupée du reste de l’Iran occupé par les Britanniques, ces derniers contre-attaquent dans les mois suivant après que de nouveaux détachements eurent renforcé leur dispositif déjà présent. Waßmuß est contraint de quitter l’Iran le 11 septembre 1916, regagnant l’Irak à pied et camouflé dans une tenue tribale locale ; ces dispositions ne l’empêcheront guère d’être attaqué par des brigands qui, l’ayant dépouillé, le laisseront pour mort avant que ne le retrouvent des membres d’une tribu amie. Il passera plusieurs mois alité au domicile de la famille qui l’avait recueilli, sans pouvoir autrement poursuivre sa mission que par l’envoi de missives et d’éléments de propagande aux chefs des tribus dont l’opinion demeurait de son côté.
L’armistice de Moudros, actant la fin de ce premier conflit mondial entre l’Empire ottoman et les Alliés, est signé le 30 octobre 1918. Quelques jours plus tard, le 11 novembre, l’Allemagne signe l’armistice, entraînant conséquemment le terme de la mission de son agent, qui est invité à se mettre en relation avec les autorités iraniennes sous huitaine. Sans attendre l’écoulement de ce délai, Waßmuß gagne Téhéran avec deux de ses compagnons et son assistant ; il sont finalement arrêtés par des gendarmes iraniens lorsqu’ils se présentent à la porte nord de Téhéran le 26 mars 1919. L’Allemagne ne les abandonne cependant pas à leur sort et intervient en dépit de confusions bureaucratiques, s’étant conclues par des scènes jugées indignes, afin qu’ils soient libérés et escortés sans frais à leur charge jusqu’en Allemagne ; il rentre à Ohlendorf le 20 septembre 1919.
Wilhelm Waßmuß après la guerre, vers l’oubli et la solitude
Wilhelm Waßmuß va connaître après ce premier conflit d’envergure mondiale un destin moins agréable : chanceux d’avoir survécu, il connaît une lente et inexorable déchéance lorsque les chefs des tribus qui l’avaient rallié perdent peu à peu leur confiance dans une victoire allemande. Fort de son succès et de la création d’un réseau qui s’étendait de l’Iran jusqu’en Inde en passant par l’Afghanistan, lui pour qui les Britanniques allaient même jusqu’à offrir une récompense en échange de sa capture, rentrait au pays sans la gloire qu’il eut tant espéré. L’image qui reste de lui le décrit comme un fervent patriote imprégné d’une aura mystique non dénuée d’un fanatisme et d’une mégalomanie que nous ne pouvons guère confirmer. Wilhelm Waßmuß fut de ces Européens épris du charme du désert et pour l’amour duquel il s’imprégna de ses codes et de sa culture pour connaître ses secrets et éprouver ses mystères, maîtrisant les langues autochtones et s’intégrant parfaitement parmi ses populations aussi bien psychologiquement que physiquement, sans jamais dévier de sa mission pour laquelle il fut appeler à mentir sans vergogne au nom de l’Allemagne mais demeurant attaché à ses principes moraux envers ceux qui le protégèrent.
Rentré à Ohlendorf le 20 septembre 1919, il se rend au ministère des Affaires étrangères le 30 afin de remettre son compte-rendu. Il épouse durant l’été 1920 Irma Luiken et est reçu à l’examen de consul ; de nouvelles fonctions lui sont attribuées le 26 octobre 1920 au département IV du ministère fédéral des Affaires étrangères, chargé du département des nouvelles. Mais Waßmuß n’oublie guère ses promesses qui le lie aux tribus iraniennes… Il ne parvient aunement à persuader son ministère de régler les paiements garantis aux chefs de tribus, l’administration allemande refusant de lui prêter plus de 300 livres anglaises.
Waßmuß décide alors de repartir par ses propres moyens en Iran. Il revient en 1924 à Boushehr et achète des terres à Tchoghâdak afin de développer une exploitation agricole dont les bénéfices qu’il espérait en tirer devaient lui permettre de rembourser les sommes promises. Bien que la production qu’il réussit à développer lui permit de régler ses dettes, son initiative sera cependant un échec, en dépit de ses efforts pour enseigner aux tribus nomades l’agriculture et de son souhait de leur transmettre son exploitation après plusieurs années de développement. Cet insuccès trouve ses origines dans plusieurs facteurs : le désintérêt des tribus nomades pour un mode de vie sédentaire d’une part, et, d’autre part, sa présence qui se fut rappelé au bon souvenir des Britanniques ne manquant aucunement d’encourager les différends existants et de réveiller ceux endormis.
Découragé et abattu, c’est en homme brisé que le « Lawrence allemand » rentre le 1er avril 1931 à Berlin. Wilhelm Waßmuß meurt d’une crise cardiaque quelques mois plus tard, le 29 novembre 1931, dans la solitude et la pauvreté.
[1] Helmuth Listemann, né le 23 octobre 1872 à Magdeburg, fut un interprète et diplomate allemand. Après avoir étudié le droit à l’Université de Lausanne et à l’Université Friedrich Wilhelms de Berlin, ainsi qu’au Séminaire des langues orientales, il réussit un examen de persan en avril 1898 avant d’être admis dans le service du dragomanat (cf. note suivante) de la légation allemande de Téhéran. Il reçoit le titre de dragoman en 1902 avant de devenir vice-consul à Boushehr en 1905. L’année suivante, il devient consul et réintègre en 1907 la légation de Téhéran. Il obtient le titre de consul en juin 1904 après avoir réussi son examen consulaire en février. Occupant ses fonctions consulaires en Iran pendant la Première Guerre mondiale, Listemann est arrêté par les Britanniques le 6 mars 1915 au cours d’une opération illégale et interné au centre de détention pour civils d’Ahmednagar, en Inde. Il faudra attendre la publication en 2009 des mémoires de Cecil John Edmonds, un officier britannique responsable de l’attaque du consulat de Boushehr, pour connaître les descriptions précises de cet incident militaire et diplomatique au cours duquel un livre de code diplomatique allemand fut saisi pendant la perquisition, permettant ainsi le décryptage de la correspondance diplomatique allemande par la Grande-Bretagne. Libéré cinq ans plus tard, Listemann regagne Berlin en février 1920 et continuera de travailler pour le ministère des Affaires étrangères jusqu’à son suicide dans le Rhin, à proximité de Duisbourg, le 29 mai 1924, à l’âge de 51 ans.
[2] Ce terme nous paraît suffisamment important pour le définir ici. Un drogman, ou dragoman, désignait en Orient un interprète résidant dans les ambassades et les consulats, soit au service des Européens, soit en poste dans l’administration ottomane, chargé de traductions, de missions ou de négociations. Usité entre le 13ème et le 20ème siècle, son origine vient des croisades et de la nécessité pour les Etats latins de Palestine de se doter de services compétents. Sa racine provient du sémitique trgm, apparaissant déjà dans l’akkadien sous la dénomination targumannu et dans l’araméen sous la dénomination targimana, signifiant « traducteur », ainsi que dans l’hébreu targum où il signifie « traduction ».
Entre 1270 et 1510, sous le règne de la dynastie des Mamelouks, le dragoman devait être accrédité par le sultan et était responsable de l’hébergement des étrangers chrétiens dont il prenait la responsabilité du comportement. Au Moyen-Age, il s’occupait principalement des pèlerins chrétiens à travers tout l’Orient. En Egypte, à partir de la fin du 15ème siècle, il est chargé des touristes chrétiens. C’est au 16ème siècle que le terme est usité dans l’ensemble de l’empire ottoman, où la fonction est majoritairement occupée par des Grecs.
En France, sous l’Ancien Régime, les drogmans étaient nommés par le ministère des Affaires étrangères parmi les élèves sélectionnés dans l’Ecole des jeunes de langues. Basée à Constantinople, cette école fut créée en 1669 par Jean-Baptiste Colbert et recrutait principalement parmi la population chrétienne locale ou des enfants de diplomates ou de commerçants français établis dans l’empire ottoman pour étudier principalement le turc, l’arabe, le persan et l’arménien. Après avoir été transféré au Collège de Clermont (aujourd’hui Lycée Louis-le-Grand) en 1700, elle est finalement absorbée en 1873 par l’Ecole spéciale des langues orientales (fondé en 1795). Elle est aujourd’hui nommée l’Institut national des langues et civilisation orientale (INALCO).
[3] L’expédition Niedermayer-Hentig fut une mission diplomatique envoyée en Afghanistan par les puissances centrales en 1915-1916 dans le but de pousser le pays à déclarer son indépendance de l’Empire et à entrer en guerre contre l’Inde. Cette mission résulte des volontés nationalistes hindoues du prince exilé Raja Mahendra Pratap (1886-1979) soutenu par l’Allemagne et la Turquie.
[4] Cecil John Edmond (1889-1979) était un officier britannique rattaché au Forces expéditionnaires britanniques en Mésopotamie puis au North Persia Force, unité ayant servi dans le nord de l’Iran entre 1918 et 1920.
[5] Les Hayât-Dâvoudi sont une tribu sédentaire de Lor vivant dans une région comprise entre le Golfe persique et les montagnes Mâhour-é Milâti, elles-mêmes situées au nord-ouest de la ville de Boushehr. Succédant à son père Khân-Ali Khân en 1896, Haydar Khân entreprend une politique qui fera de sa tribu une hégémonie parmi les plus importantes entre les tribus baloutches et arabes soumises au shaykh de Korramshahr (à l’époque, Mohammara). Il développe également une politique de bonne relation avec les Britanniques, notamment en apportant son aide à la capture de pirates dans le Golfe en 1908. Ils joueront un rôle important en 1946 lors des rébellions tribales et en 1963 au cours desquelles leur chef Fathollâh Khân sera exécuté. Ils seront également largement victimes des expropriations menées par la National Iranian Oil Company – notamment sur l’île de Khârg – au point de perdre la plus grande partie de leurs coutumes et de leur culture.