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Accord nucléaire : rappel aux Nations Unies de la responsabilité US

Ce jeudi 6 juin 2024, l’Iran distribua une lettre lors l’Assemblée générale des Nations Unies dans laquelle le pays précise son point de vue concernant l’accord sur le nucléaire et le retrait unilatéral des États-Unis.

Cet accord sur le nucléaire fut signé à Vienne le 14 juillet 2015. Le 8 mai 2018, le président Donald Trump choisit de retirer les États-Unis de cet accord. Cela en dépit des protestations de la communauté internationale. Il annonce également le rétablissement des sanctions étasuniennes contre l’Iran.

Ses différentes appellations sont :

  • en persan برجام (bardjâm) pour برنامه جامع اقدام مشترک (barnâmeh-yé djâmeh-é eqdâm-é moshtarak) ;
  • en français, « Plan d’action global commun » (PAGC) ;
  • en anglais, « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPoA).

L’Iran rappelle qu’en vertu des paragraphes 26 et 36, les États-Unis n’avaient pas le droit de s’en retirer unilatéralement. De plus, le constat selon lequel l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni n’étaient plus en mesure d’abroger leurs sanctions dispensait l’Iran de ses engagements.

La lettre iranienne à propos de l’accord sur le nucléaire distribuée aux Nations Unies

« D’ordre de mon gouvernement et comme suite à la lettre que je vous ai adressée le 21 novembre 2023 (S/2023/899), je vous écris au sujet de la lettre conjointe datée du 3 juin 2024 que les Représentants permanents de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies ont adressée au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (S/2024/429). La République islamique d’Iran rejette toutes les allégations formulées dans cette lettre et réaffirme ses positions concernant son programme nucléaire pacifique et le Plan d’action global commun, comme suit :

1. Le groupe E3 continue d’accuser à tort la République islamique d’Iran de ne pas respecter les engagements pris dans le Plan d’action global commun, tout en ignorant délibérément l’origine de la situation actuelle. Comme cela a été rappelé à maintes occasions, la décision prise par l’Iran d’adopter des mesures correctives était pleinement conforme au droit que lui confèrent les paragraphes 26 et 36 du Plan d’action et faisait suite au retrait unilatéral illégal par les États-Unis de l’accord, le 8 mai 2018, et à l’incapacité subséquente du groupe E3 de respecter les engagements contractés. Par sa décision, prise une année après le retrait illégal des États-Unis et au vu du manquement du groupe E3/UE à ses obligations en matière de levée des sanctions, l’Iran visait un objectif qui était on ne peut plus clair, à savoir, rétablir un équilibre entre les engagements et les avantages réciproques au titre du Plan d’action global commun.

2. L’affirmation selon laquelle le groupe E3 a toujours respecté les engagements pris dans le Plan d’action global commun est tout simplement fausse. Bien au contraire, le groupe E3 a constamment manqué aux obligations que lui imposait le paragraphe 20 de l’annexe V du Plan d’action. Ce non-respect manifeste est toujours d’actualité. Le fait que le groupe E3 n’ait pas honoré ses engagements en matière de levée des sanctions énoncés au paragraphe 20 de l’annexe V du Plan d’action à la Date de transition (le 18 octobre 2023) constitue une action unilatérale injustifiable et un exemple clair du fait que le groupe a manifestement manqué à ses obligations, en violation du Plan d’action mais aussi de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité.

3. La République islamique d’Iran s’est toujours acquittée des obligations que lui imposaient les accords de garanties généralisées, notamment en coopérant le plus possible avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour lui permettre de mener efficacement ses activités de vérification dans le pays. À ce jour, l’Iran fait l’objet des mesures de vérification et de surveillance les plus rigoureuses de l’Agence.

4. En ce qui concerne les dispositions de la rubrique 3.1 modifiée des arrangements subsidiaires, il convient de rappeler que la mise en œuvre desdites dispositions faisait partie des mesures de transparence et de confiance, comme indiqué au paragraphe 65 de l’annexe I du Plan d’action global commun. C’est dans le cadre de la décision prise par l’Iran de cesser d’appliquer les mesures volontaires de transparence au-delà de son accord de garanties que la mise en œuvre des dispositions de la rubrique 3.1 modifiée a été interrompue. Cette décision a été prise en pleine conformité avec les paragraphes 26 et 36 du Plan d’action global commun, selon lesquels, en cas de rétablissement ou de reprise de l’imposition des sanctions liées au nucléaire par les États-Unis ou l’Union européenne, l’Iran a le droit de cesser de respecter tout ou partie de ses engagements au titre du Plan d’action.

5. De même, la décision de l’Iran d’enrichir de l’uranium à Fordou était une mesure corrective prise en réponse au non-respect, par les États-Unis et le groupe E3/UE, de leurs obligations juridiquement contraignantes au titre de la résolution 2231 (2025) et à leur non-respect manifeste des engagements pris dans le Plan d’action global commun. Cette décision a également été prise dans l’exercice des droits de l’Iran expressément énoncés aux paragraphes 26 et 36 du Plan d’action, et en pleine conformité avec les droits que lui confère le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et avec l’engagement pris dans les accords de garanties généralisées. Toutefois, toutes ces activités ont été et continuent d’être placées sous la supervision de l’AIEA.

6. La détermination de la République islamique d’Iran à respecter les obligations que lui impose le Traité de non-prolifération demeure inébranlable. Nul État partie au Traité ne peut être empêché d’exercer les droits inaliénables que lui confère le Traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination et en pleine conformité avec les articles premier et II du Traité. Toute allégation contraire est donc dénuée de fondement et catégoriquement rejetée. L’affirmation selon laquelle le programme nucléaire iranien aurait atteint un stade critique et irréversible ainsi que les assertions selon lesquelles les activités nucléaires pacifiques de l’Iran constitueraient une menace pour la paix et la sécurité internationales sont totalement fausses et infondées.

7. La préoccupation exprimée quant à l’extinction des dispositions de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité le 18 octobre 2025 est trompeuse, malvenue et provocatrice, étant donné le caractère absolument pacifique du programme nucléaire de l’Iran. L’Iran a constamment démontré qu’il rejetait les armes nucléaires et qu’il était attaché au Traité sur la non-prolifération. Cette position de principe n’a pas changé. L’Iran rejette fermement toutes les formes d’armes de destruction massive, y compris les armes nucléaires, et ce rejet repose sur de solides enseignements idéologiques et des considérations stratégiques. L’Iran est déterminé à continuer de participer activement à toutes les initiatives internationales qui visent véritablement à sauver l’humanité de la menace des armes nucléaires.

8. La République islamique d’Iran réaffirme son engagement inébranlable en faveur de la diplomatie. Elle a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de reprendre les pourparlers en vue de l’exécution intégrale du Plan d’action global commun par tous les participants. Le Plan d’action est un acquis diplomatique multilatéral obtenu de haute lutte ; il demeure la meilleure solution, et la seule. Témoin d’un dialogue fructueux et de la réussite de la démocratie, il a permis d’éviter une crise injustifiée. Le relancer est en effet dans l’intérêt de tous les participants.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité. »

Lettre distribuée par l’Iran à l’Assemblée générale des Nations Unies, au sujet de l’accord sur le nucléaire, 6 juin 2024.

Les parties européennes de l’accord sur le nucléaire toujours alignées sur Washington

Les ministres des Affaires étrangères allemand, français et britannique publient le 15 juin un communiqué commun en réponse à l’Iran. Celui-ci s’avère une démonstration des plus culottées de leur hypocrisie et double-jeu.

« Les gouvernements de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni condamnent les dernières mesures de l’Iran, telle que rapportées par l’AIEA, visant une nouvelle expansion de son programme nucléaire.

L’Iran a pris des mesures supplémentaires qui vident le JCPoA de son contenu, en alimentant des dizaines de centrifugeuses avancées supplémentaires au site d’enrichissement de Natanz ainsi qu’en annonçant l’installation de plusieurs centaines de centrifugeuses supplémentaires dans les sites de Fordo et de Natanz. Ces mesures vont encore augmenter le stock d’uranium enrichi et les capacités d’enrichissement de l’Iran, dont les niveaux ont d’ores et déjà dépassé les limites fixées par le JCPoA. Cette décision représente une escalade supplémentaire du programme nucléaire de l’Iran, qui emporte des risques importants de prolifération. La décision de l’Iran d’augmenter significativement sa capacité de production dans l’installation souterraine de Fordo est particulièrement inquiétante.

Il n’est pas acceptable que l’Iran présente ces mesures comme une réaction à l’adoption par le Conseil des Gouverneurs de l’Agence internationale de l’Energie atomique d’une résolution appelant à la coopération, attendue de longue date, de l’Iran sur les garanties. L’Iran a une obligation légale au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de mettre pleinement en œuvre son accord de garanties, qui est distinct du JCPoA.

Nous restons attachés à une solution diplomatique empêchant l’Iran de développer une arme nucléaire. »

Iran / JCPoA – Déclaration conjointe des porte-parole des Ministères des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni (15 juin 2024), 15 juin 2024 (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/iran/evenements/article/iran-jcpoa-declaration-conjointe-des-porte-parole-des-ministeres-des-affaires).

Ils affirment qu’indépendamment du PAGC, l’Iran est signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. Il est, à ce titre, engagé à ne pas produire d’uranium enrichi à usage militaire. Pourtant, aucune preuve n’est fournie pour étayer ces accusations.

Il s’avère nécessaire de rappeler que le principe pacta sunt servanda constitue la pierre angulaire de la coutume en droit international et de l’engagement contraignant que représente un traité international. Ce n’est pas l’Iran qui a rompu cet accord diplomatique mais bien les États-Unis… Les pays européens n’ont quant à eux pas non plus respecté leurs engagements de lever leurs sanctions.

La passivité des pays européens partis à cette accord (l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni) s’avère la navrante démonstration de leur impuissance diplomatique et politique. Mais surtout de leur malhonnêteté démontrée par les rapports de l’AIEA (Agence internationale de l’Énergie atomique) qui attestent du respect par l’Iran de ses engagements.

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