La « Décade de l’Aube » (دهه فجر) correspond à la célébration des dix jours qui virent revenir l’ayatollah Khomeyni et triompher la Révolution de 1979. Chaque année, des célébrations annuelles ont lieu du 1er au 11 février, ce dernier jour correspondant à la fête nationale.
Les origines de ce nom
Lors des célébrations du premier et du deuxième anniversaire de la victoire de la Révolution, les organisateurs utilisèrent le terme « Anniversaire de la Révolution » pour décrire cette célébration qui dura alors sept jours.
Cependant, en 1981, le ministre de la Culture et de l’Orientation islamique Abdolmadjid Ma’adikhah suggère au Conseil de coordination de la propagande islamique de se référer aux premiers versets de la 89ème sourate du Coran, celle-ci se dénommant Fadjr. C’est ainsi que la durée des célébrations passa à dix jours, calculée dès lors depuis le jour de l’arrivée de l’ayatollah Khomeyni en Iran le 1er février 1979.
Le calendrier de la Décade de l’Aube et l’anniversaire de la Révolution
Le 1er février (12 bahman)
L’ayatollah Khomeyni revient en Iran, son pays natal, sous l’acclamation de millions de compatriotes répartis sur 33 kilomètres. Cette arrivée triomphale survient deux semaines après le départ précipité du shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi.
Son avion, un Boeing 747 de la compagnie Air France, atterrit à 9h27. Il se compose d’un équipage de volontaires : le commandant de bord Jean Mouy, le second pilote Bathylle, une hôtesses et trois stewards, dont l’un accompagnera Khomeyni lors de sa descente de l’avion. Parmi les 200 passagers sont également présents le garde du corps de l’ayatollah Khomeyni, Gérard Jean Fabian-Bataouche, et la journaliste canadienne Carole Jérôme, compagne de Sadeq Qotbzadeh.
Après un court discours de remerciement à sa descente d’avion à l’aéroport international Mehrabad de Téhéran, il se rend ensuite au cimetière Behecht-é Zahra (« Paradis de Zahra »), dans le sud de Téhéran, où il prononce à 13 heures son discours historique : « Je formerai le gouvernement, je le formerai avec le soutien du peuple ! ».
Le 2 février (13 bahman)
L’ayatollah Khomeyni s’adresse à une foule de religieux et déclare : « Tout le peuple doit décider de son propre sort. » Le Premier ministre Shapour Bakhtiar lui répond en attaquant la révolution : « Les slogans des partisans de l’ayatollah Khomeyni sont bruyants mais ils n’aboutiraient à rien. ».
Alors que des affrontements populaires avec l’armée impériale font plusieurs morts, les révolutionnaires assassinent le colonel Moutamadi, un officier de la SAVAK, la police politique du Shah. Les contrats avec des fournisseurs étrangers dans les domaines de l’armement, du nucléaire et des usines sont remis en cause. Aux États-Unis, des étudiants iraniens manifestent devant la Maison Blanche contre l’ingérence américaine dans les affaires intérieures de l’Iran.
Le 3 février (14 bahman)
L’ayatollah Khomeyni annonce la nomination d’un conseil temporaire pour diriger la révolution et confirme l’illégalité du gouvernement Bakhtiar. Il ordonne de choisir un gouvernement intérimaire pour préparer un référendum général sur la constitution.
Le Front national demande la démission de Bakhtiar et prête allégeance à Khomeyni, tandis que 40 députés de l’Assemblée nationale présentent leur démission.
Le 4 février (15 bahman)
L’ayatollah Khomeyni rencontre des délégations populaires, devant lesquelles il appelle à poursuivre les manifestations, mais aussi les grèves. Les pilotes de l’armée de l’air déclarent leur soutien à Khomeyni. Le maire Téhéran, Djavâd Shahrestâni, remet sa démission à Khomeyni, qui renouvelle sa nomination.
Au cours de sa visite au Japon, le secrétaire d’État des Affaires étrangères et du Commonwealth David Owen rencontre son homologue américain pour discuter de la situation en Iran. Parallèlement, une délégation envoyée par Bagdad se rend en Arabie saoudite afin d’enquêter sur la situation en Iran et dans la région. Le général Huyser, envoyé spécial des États-Unis en Iran, accomplit une délicate mission de négociation avec les responsables iraniens. Cependant, compte tenu du sentiment anti-américain croissant en Iran, il se voit contraint de quitter le pays. De nombreuses tentatives furent faites pour amener les troupes iraniennes à soutenir Bakhtiar dans leurs négociations. À cet égard, un porte-parole du département d’État américain annonce le départ de Huyser pour les États-Unis.
Le 5 février (16 bahman)
L’ayatollah Khomeyni demande la création de l’Assemblée des experts pour ratifier la Constitution et nomme Mehdi Bazargan au poste de Premier ministre du gouvernement intérimaire. Il sera notamment chargé de tenir un référendum général.
À la fin de la journée, une conférence de presse internationale est organisée dans l’amphithéâtre de l’école alaouite, durant laquelle Bazargan présente un calendrier et explique les devoirs du gouvernement intérimaire. Il souligne les missions du nouveau gouvernement : conduire un référendum sur les nouvelles institutions et préparer des élections législatives pour l’Assemblée constituante. 22 autres députés démissionnent également de l’Assemblée nationale. Des dizaines de citoyens tombent en martyre lors des manifestations monstres à Aghajari.
Le 6 février (17 bahman)
Des marches de soutien au gouvernement intérimaire ont lieu dans diverses villes d’Iran. À Zahedan, des miliciens du Shah attaquent des manifestants civils, faisant des dizaines de martyrs. Le Front national appelle le peuple iranien à se tenir aux côtés du gouvernement Bazargan.
L’Assemblée nationale approuve pour sa part des règlements pour juger des anciens ministres et dissoudre le SAVAK. Elle décide également d’exempter les officiers diplômés du Collège militaire de prêter allégeance au Shah.
Le 7 février (18 bahman)
L’ayatollah Khomeyni prononce un discours devant des religieux d’Ahvaz au cours duquel il déclare que le Shah doit être jugé. Le département d’État américain déclare toujours reconnaître le gouvernement Bakhtiar comme le gouvernement officiel de l’Iran.
Tandis que 13 autres députés démissionnent, plusieurs centaines d’officiers et de commandants de l’armée déclarent leur soutien à Khomeyni. Le gouverneur militaire de Téhéran réduit les couvre-feux devant leur absence d’efficacité, ces derniers n’étant d’ailleurs plus respectés. L’Assemblée général de l’ONU fait part de sa préoccupation concernant la situation en Iran.
Le 8 février (19 bahman)
Des officiers de l’armée de l’air rendent visite à l’ayatollah Khomeyni et lui prêtent allégeance. Khomeyni déclare que servir le gouvernement Bakhtiar est un service au tyran.
Alors que la plus importante marche de la Révolution a lieu, des affrontements éclatent entre les partisans de la révolution et des miliciens du Shah dans la capitale et à Djardjan, ville située dans le nord de l’Iran.
Le 9 février (20 bahman)
La Garde royale lance une violente attaque contre le QG de l’armée de l’air à Téhéran. Des masses populaires se rassemblent alors pour défendre l’armée de l’air.
Des miliciens de Bakhtiar lancent ensuite des attaques armées pour disperser la foule. 152 membres de l’armée de l’air sont arrêtés et transférés au quartier général du gouvernement militaire.
Le 10 février (21 bahman)
La force aérienne arme le peuple pour affronter les miliciens du Shah. De violents affrontements ont lieu entre des membres de la Garde royale et des manifestants à Téhéran. Plusieurs morts et blessés sont à dénombrer. Après ces affrontements, le poste de la police de Téhéran tombe entre les mains des protestataires, puis les autres postes tombent progressivement.
L’administration militaire de Téhéran émet la déclaration n°40, imposant un couvre-feu de 16h30 à 5 heures du matin. Une autre annonce étend ensuite le couvre-feu jusqu’à minuit. Cependant, la population défie cette mesure et empêche le déplacement des troupes pendant la nuit en dressant des barrages et allumant des incendies pour bloquer la circulation.
L’ayatollah Khomeyni abolit le gouvernement militaire déclaré par le gouverneur militaire de Téhéran. De leur côté, les Américains évacuent des dispositifs d’espionnage en les transférant à Chypre.
La Décade de l’Aube s’achève par la victoire de la Révolution
Le 11 février (22 bahman) marque la victoire de la Révolution. Le palais du Shah, les sièges du gouvernement, du Parlement, de la police et de la SAVAK tombent dans les mains du peuple. Les révolitionnaires capturent le lieutenant-général Rahimi, commandant les forces de police. Successivement, le collège et le lycée militaires, la prison de Jamshidieh, les garnisons de Bagh Shah d’Eshratabad et d’Abbasabad se rendent. Le Premier ministre Shapour Bakhtiar démissionne et fuit aussitôt le pays.
À 10h30, le Conseil des commandants des forces armées se réunit en Comité des chefs d’état-major interarmées, sous la présidence d’Abbas Qarebaghi, chef du Conseil suprême de l’armée. Une déclaration de neutralité de l’armée y est préparée et signée. À 13h15, la radio interrompt sa programmation habituelle pour lire la proclamation. La télévision d’État passe sous le contrôle des révolutionnaires, qui annoncent la déclaration n° 1 de la victoire de la révolution.
Alors que les drapeaux de la République islamique sont hissés pour la première fois, les forces armées déclarent leur soutien à l’ayatollah Khomeyni, qui demande au peuple de rétablir l’ordre et le calme dans le pays.
La célébration de la Décade de l’Aube et l’anniversaire de la Révolution
Chaque année pendant la Décade de l’Aube, la population iranienne célèbre l’anniversaire de la Révolution de 1979 en décorant les rues avec des objets décoratifs, des fleurs, des drapeaux et des images de l’ayatollah Khomeyni et de son successeur l’ayatollah Ali Khamenei, mais également du général Qassem Soleimani depuis son assassinat survenu en 2020.
De nombreux événements ont lieu dans tout le pays. Notamment le festival Fadjrqui est le plus grand festival de cinéma, de théâtre et de musique en Iran. De plus, diverses organisations et centres gouvernementaux organisent des événements spéciaux. Les écoles commencent leurs activités à 9h27 le 1er février pour marquer l’arrivée de Khomeyni en Iran. Le 11 février, des rassemblements sont organisés dans chaque ville pour célébrer ce jour devenu la fête nationale iranienne.
En 2011, l’armée de l’air a même recréé la scène de l’arrivée de l’ayatollah Khomeyni à l’aéroport de Mehrabad en utilisant une réplique en carton.
La Décade de l’Aube est un moment important pour les Iraniens. Ils se remémorent l’histoire de leur pays et célèbrent la victoire de la Révolution de 1979. C’est une période de commémoration, de réflexion et de célébration de l’indépendance et de la fierté nationale de l’Iran.