Qui était le général Qassem Soleimani, connu sous le surnom de sardar-é delhâ (« général des cœurs ») ?
Celui qui lutta contre le terrorisme demeure cependant inconnu pour beaucoup d’Occidentaux. Figure emblématique de l’Axe de la Résistance, il joua un rôle de premier plan sur le terrain pour lutter contre la barbarie de Daesh.
Morgan Lotz lui consacre la seule étude complète et détaillée dans son ouvrage Comprendre les Gardiens de la Révolution islamique paru chez L’Harmattan en mars 2022.
La jeunesse de Qassem Soleimani
Qâsem Soleimâni, est né le 21 mars 1957 à Qanat-é Malek (province de Kerman) au sein d’une modeste famille du milieu rural. Il participe à la révolution en 1979 avant de rejoindre le Corps des Gardiens de la Révolution islamique. Le futur général devient pendant la guerre imposée à l’Iran par l’Irak le chef de corps de la 41ème division de Tharallah.
Il devient après la fin du conflit en 1988 commandant du CGRI dans la province de Kerman. Il rejoint ensuite la province du Sistan-Baloutchistan pour lutter contre les trafiquants le long de la frontière afghane et les séparatistes baloutches de la région.
Un stratège à la tête de la force Qods
En 1997, Qassem Soleimani devient chef de corps de la force al-Qods. Celle-ci est une unité spéciale du CGRI spécialisée dans les opérations extérieures et de renseignement. Il choisit immédiatement le général Ismail Qaani comme son adjoint.
Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, Soleimani présente devant le Conseil suprême de sécurité nationale l’idée de coopérer avec les Américains dans la lutte contre les talibans afghans. Dans ce but, le diplomate américain Ryan Crocker rencontre des diplomates envoyés par Soleimani à Genève. Ils partagent de nombreuses informations qui permettront aux Américains de prendre le contrôle de la situation en Afghanistan. Cependant, cette coopération cruciale pour les États-Unis prend fin brusquement lorsque le président américain George W. Bush désigne l’Iran comme membre de l’« Axe du Mal » lors de son discours sur l’état de l’Union en janvier 2002.
Après l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, Soleimani est convaincu de la nécessité de développer un réseau de soutiens à l’Iran pour sa protection. Ce réseau prend forme sous la forme de mouvements chiites, similaires au Hezbollah libanais. Leur rôle est de représenter une présence dissuasive de l’Iran et de ses alliés dans la région de l’Asie du sud-est.
Parallèlement, Qassem Soleimani utilise également des moyens diplomatiques. Il joua notamment un rôle clé dans la mise en place d’un cessez-le-feu entre l’Armée du Mahdi et l’armée irakienne en mars 2008.
Le général Qassem Soleimani et la lutte contre Daech
Le rôle essentiel du général Qassem Soleimani dans la lutte contre le terrorisme ne peut aucunement être sous-estimé. D’abord lors de son émergence en Syrie et ensuite contre la montée en puissance de Daech.
À la fin de l’année 2012, le général Soleimani prend la décision d’engager la force Qods dans le conflit syrien. Cela suite à la demande du gouvernement syrien. L’objectif est avant tout de soutenir le gouvernement légitime en contribuant à la création des Forces de défense nationales. Ces dernières luttent contre différents groupes terroristes takfiristes, certains étant soutenus par l’Occident, notamment les États-Unis, Israël, le Royaume-Uni et la France.
En plus de ses pasdaran, Qassem Soleimani commande également plusieurs milliers de combattants issus d’horizons divers. Notamment ceux du Hezbollah, mais également des combattants d’Irak, d’Afghanistan et même du Pakistan. Parmi elles la célèbre Brigade Fatemiyoun dirigée par Ali-Reza Tavassoli. Ces volontaires chiites apportèrent un soutien essentiel pour la victoire de la liberté contre le terrorisme.
Suite à l’entrée de Daech en Irak en juin 2014, la formation d’une coalition puissante s’avère vitale. En rassemblant les forces chiites, chrétiennes et kurdes, le général Soleimani permet la mobilisation d’une force de combat opérationnelle et efficace : les Hachd al-Chaabi. Cette coalition devient indispensable pour les puissances occidentales, qui auraient été incapables de mener des opérations sans leur soutien.
Le général Qassem Soleimani fut également un grand diplomate. En octobre 2017, il se rend à Souleimaniye suite à la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien. Ses négociations connaîtront un succès certain. En effet, les combattants de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) choisissent de ne pas s’opposer à l’armée irakienne soutenue par les Hachd al-Chaabi lors de l’offensive lancée à Kirkouk le 16.
L’assassinat du général Qassem Soleimani
Le 3 janvier 2020, le général Qassem Soleimani arrive à l’aéroport de Bagdad. Il est exceptionnellement attendue par Abou Mehdi al-Mouhandis, chef des Kataeb Hezbollah et commandant en second des Hachd al-Chaabi. Aux alentours de 1 heure 20 du matin, un drone américain tire plusieurs missiles sur les deux véhicules du convoi qui sortait de l’aéroport. Outre Soleimani et al-Mouhandis, quatre officiers du CGRI et quatre membres des Hachd al-Chaabi sont tués.
Cet assassinat personnellement ordonné par le président américain Donald Trump provoque une onde de choc à travers le monde. Elle alimente notamment les craintes légitimes d’un possible conflit direct entre les États-Unis et l’Iran. La rapporteuse spéciale de l’ONU chargée des exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, déclare que les meurtres de du général Soleimani et d’al-Mouhandis violent le droit international des droits de l’homme. Elle souligne également l’obligation des États-Unis de prouver que l’individu ciblé présentait une menace imminente pour les autres.
De nombreux juristes experts en droit international, ainsi que Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et Hillary Mann Leverett, ancienne directrice des affaires iraniennes au sein du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, qualifient également ces dix meurtres d’illégaux et contraires au droit international.
D’innombrables hommages à travers le monde
Dès l’annonce de sa mort, les hommages affluent en nombre à travers le monde entier. Des rassemblements s’organisent spontanément pour rendre hommage au général martyr à Bagdad, Sanaa, Beyrouth et, bien entendu, en Iran. Seuls les groupes terroristes syriens se réjouirent et Daech ne manquera pas d’exprimer ses remerciements à Washington.
Le jour suivant, un cortège aux couleurs des Hachd al-Chaabi rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes et défile dans les rues de Bagdad à partir du mausolée al-Kadhimiya pour accompagner les dépouilles. Le convoi se dirige ensuite vers Najaf et Kerbala, théâtre du martyre du IIIème Imâm Hossein.
L’Iran décrète trois jours de deuil national et accueille les dépouilles de ses martyrs, ainsi que celle d’al-Mouhandis. Le 5 janvier, le Guide de la Révolution Ali Khamenei prononce, avec un visage marqué par les larmes, la prière traditionnelle pour les défunts devant les cercueils rassemblés à l’Université de Téhéran.
Le cercueil contenant la dépouille du général martyr est ensuite transporté dans la ville sainte de Qom avant d’être enterré le 7 janvier au cimetière Golzar Shohada de Kerman. Ses dernières volontés furent d’être inhumé de la même manière que les autres martyrs de la guerre imposée par l’Irak. Il repose aux côtés de son compagnon d’armes Mohammad-Hossein Yousefollâhi. Sa tombe porte simplement l’inscription sarbâz Qâsem Soleimâni, ce qui signifie « soldat Qassem Soleimani ».
Les funérailles de Qassem Soleimani s’avèrent les plus importantes de l’Histoire, avec la participation d’environ 25 millions de personnes à travers le monde. Elles dépassent celles de l’ayatollah Khomeyni qui avaient réuni plus de 10 millions de personnes en juin 1989.