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Géopolitique et Diplomatie

Manœuvres navales entre l’Iran, la Russie et la Chine

Les forces navales de l’Iran, de la Chine et de la Russie ont récemment mené des exercices conjoints dans le cadre des manœuvres intitulées « Ceinture de sécurité maritime 2023 ». Le contre-amiral Mostafa Tajeddini, porte-parole de ces manœuvres, a révélé que les unités flottantes des trois pays s’étaient entraînées pour la mission PHOTOEX. Ces exercices se sont tenus dans le nord de l’océan Indien le jeudi dernier.

L’objectif de cette collaboration entre l’Iran, la Chine et la Russie est de renforcer la sécurité maritime dans la région. Les manœuvres « Ceinture de sécurité maritime 2023 » se concentrent sur la coordination des opérations navales et l’amélioration de la capacité des forces maritimes à réagir efficacement aux menaces potentielles.

Quels intérêts aux manœuvres navales entre l’Iran, la Russie et la Chine ?

Selon le contre-amiral Tajeddini, ces exercices conjoints renforcent également les liens et la coopération militaire entre les trois pays. L’Iran, la Chine et la Russie partagent des intérêts communs dans la région, notamment en termes de sécurité maritime et de stabilité géopolitique.

Pour Morgan Lotz, iranologue et juriste en droit international, cette collaboration entre l’Iran, la Chine et la Russie revêt une grande importance. Selon lui, il s’agit d’un signal fort envoyé aux autres acteurs internationaux, en particulier aux puissances occidentales, montrant que ces pays sont capables de travailler ensemble pour protéger leurs intérêts communs.

manœuvres navales entre l'Iran, la Russie et la Chine Ceinture de sécurité maritime 2023

Les manœuvres « Ceinture de sécurité maritime 2023 » s’inscrivent également dans un contexte de tensions croissantes dans la région du golfe Persique. Les actes de piraterie et les menaces sécuritaires représentent des défis majeurs pour la sécurité maritime dans cette zone stratégique. La coopération entre l’Iran, la Chine et la Russie vise à renforcer la présence navale dans cette région et à dissuader toute tentative d’agression ou de déstabilisation.

De plus, ces exercices conjoints témoignent également de la volonté de ces trois pays de développer leurs capacités navales et de renforcer leur influence régionale. L’Iran, la Chine et la Russie investissent tous dans la modernisation de leurs flottes et cherchent à étendre leur présence maritime.

En conclusion, les exercices conjoints « Ceinture de sécurité maritime 2023 » entre l’Iran, la Chine et la Russie démontrent leur volonté de renforcer la sécurité maritime dans la région du golfe Persique et de renforcer leur coopération militaire. Ces manœuvres permettent également de dissuader les menaces potentielles et de protéger leurs intérêts communs dans la région qui vient de connaître une avancée majeure.

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Géopolitique et Diplomatie

L’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite : un bouleversement géopolitique

Une ère post-américaine a débuté dans la région du golfe Persique avec l’accord négocié entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour rétablir leurs relations diplomatiques.

Selon le général de division Yahya Rahim-Safavi, haut conseiller militaire du Guide de la Révolution islamique, l’ayatollah Seyed Ali Khamenei, ce rapprochement marque la fin de l’hégémonie américaine dans la région. Il souligne que l’accord est un changement tectonique dans le domaine politique. De plus, il marque le début d’une ère post-américaine dans le golfe Persique.

Le rôle de la Chine dans l’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite

Ce rapprochement entre les deux puissances régionales a été négocié par la Chine, qui vise à devenir la première économie mondiale d’ici 2030. Selon le général Rahim-Safavi, cet accord est un coup dur pour les États-Unis, car l’Arabie saoudite est le plus grand fournisseur de pétrole de la Chine. De plus, le partenariat stratégique entre la Chine et l’Iran, qui prévoit des investissements dans le développement des infrastructures iraniennes, renforce la position chinoise dans la région.

Cet accord historique a été conclu après des jours de pourparlers intensifs à Pékin. Les deux pays ont convenu de rouvrir leurs ambassades et missions diplomatiques dans les deux prochains mois, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère de relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

L'Iran et l'Arabie saoudite ont signé un accord diplomatique sous l'égide de la Chine.

Des experts et analystes politiques s’expriment sur les conséquences de cet accord. Morgan Lotz, iranologue et juriste en droit international, souligne l’importance de ce rapprochement pour la stabilité de la région. Il estime que cet accord permettra de réduire les tensions et les confrontations entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Cela aura un impact positif sur le Moyen-Orient dans son ensemble.

Jacob Cohen, écrivain et analyste politique, considère cet accord comme une réponse à la politique étrangère américaine. Selon lui, la Chine joue un rôle clé dans la réduction de l’influence américaine dans la région. Il souligne également l’importance économique de cet accord pour la Chine, qui cherche à sécuriser son approvisionnement en pétrole.

En conclusion, l’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour rétablir leurs relations diplomatiques marque le début d’une ère post-américaine dans la région du golfe Persique. Ce rapprochement, négocié par la Chine affaiblit l’hégémonie américaine et renforce la position chinoise dans la région. Les experts estiment que cet accord aura des conséquences positives pour la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient.

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Géopolitique et Diplomatie

Le ministre iranien des Affaires étrangères en visite à Ankara

Le mercredi 8 mars, le ministre iranien des Affaires étrangères s’est rendu à Ankara, la capitale turque, pour rencontrer son homologue turc Mevlut Cavusoglu. L’objectif de cette visite était d’exprimer la solidarité du peuple et du gouvernement iraniens envers la nation turque.

rencontre mars 2023 ministres Affaires étrangères Iran Turquie

Lors de leur réunion, les chefs de diplomatie iranienne et turque ont discuté de divers sujets d’intérêt bilatéral. Ils ont également abordé les questions régionales telles que la présence israélienne dans la région du Caucase. À l’issue de leur rencontre, ils ont tenu une conférence de presse conjointe.

Un enjeux sécuritaire pour l’Iran

Hossein Amir-Abdollahian, le ministre iranien des Affaires étrangères, a souligné que la présence d’Israël dans la région du Caucase était l’un des problèmes majeurs auxquels la région était confrontée. Il a appelé toutes les parties à la vigilance face à cette question.

Le terrorisme provenant de la région nord de l’Irak a également été abordé lors de la réunion. Il est en effet considéré comme une menace commune pour l’Iran et la Turquie. Les deux pays entretiennent une coopération étroite en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

« Le terrorisme qui émane de la région du Kurdistan irakien ainsi que Daech, originaire d’Afghanistan, sont des préoccupations communes », a souligné Amir-Abdollahian. « Nous considérons que le terrorisme n’est ni bon ni mauvais, mais un phénomène inquiétant dans toutes ses formes. »

Le ministre a également précisé que, conformément au droit international, l’Iran et la Turquie se réservaient le droit à une « défense légitime contre tout acte terroriste », venant de n’importe quelle direction et de n’importe quel groupe.

L’Iran soutient la Turquie suite au séisme

La visite du ministre iranien des Affaires étrangères à Ankara ne se limitait pas seulement à des questions politiques. Il est arrivé dans le pays voisin pour exprimer sa sympathie suite au tremblement de terre dévastateur qui a frappé la région le mois dernier.

Dans le cadre de sa visite, Amir-Abdollahian a prévu de se rendre dans les régions turques touchées par le séisme. « Je suis venu dans ce pays pour exprimer ma sympathie envers le peuple et le gouvernement turcs », a déclaré le ministre lors de son arrivée à l’aéroport d’Ankara.

Ce sujet a suscité l’intérêt de plusieurs experts. Morgan Lotz, iranologue et juriste en droit international, ainsi que Luc Michel, géopoliticien, ont partagé leurs opinions sur la question.

Que retenir de la visite du ministre iranien des Affaires étrangères à Ankara ?

En conclusion, la visite du ministre iranien des Affaires étrangères en Turquie témoigne de la solidarité entre les deux nations dans des périodes difficiles. Cela renforce également leur coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Tout en abordant des problématiques régionales d’importance mutuelle telles que la présence israélienne dans la région du Caucase.

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Nature et Géographie

Quand les nuages rencontrent les forêts d’Iran

Quand les nuages rencontrent les forêts hyrcaniennes situées dans le nord de l’Iran, le spectacle est toujours merveilleux. La forêt de nuages du Tuskestan, également connue sous le nom de Jangal-Abr, est l’une des merveilles naturelles les plus spectaculaires du nord de l’Iran.

forêts de nuages du Tuskestan (nord de l'Iran)

Située dans les forêts hyrcaniennes, cette forêt ancienne et magnifique est célèbre pour l’étreinte passionnée du brouillard et des nuages qui se déposent sur les pieds des montagnes. C’est un véritable spectacle à couper le souffle !

Les nuages se mêlent aux forêts du nord de l’Iran

La forêt de nuages du Tuskestan représente un véritable trésor naturel de l’Iran. Son paysage unique et spectaculaire ne laisse personne indifférent. Cette région naturelle unique abrite une biodiversité exceptionnelle. Elle est le refuge de nombreuses espèces animales et végétales rares et menacées. La forêt de nuages du Tuskestan s’avère un régal pour les yeux. Mais elle est également un havre de paix pour la vie sauvage qui y prospère.

Pour ceux qui prévoient des vacances en Iran, la forêt de nuages du Tuskestan est une destination incontournable. En plus de la beauté naturelle de la forêt, vous pourrez également découvrir la culture et l’histoire riches de cette région.

forêts de nuages du Tuskestan (nord de l'Iran)

Les habitants locaux sont accueillants et chaleureux, et vous pourrez goûter à la délicieuse cuisine traditionnelle de la région. Les randonnées guidées sont également disponibles pour ceux qui souhaitent explorer davantage cette merveille naturelle.

mer de nuages sur les forêts iraniennes du Tuskestan

Les forêts de nuages du Tuskestan est un site naturel spectaculaire au nord de l’Iran, offrant une expérience unique et enrichissante pour les amoureux de la nature.

forêts du Tuskestan (nord de l'Iran)

Que vous soyez intéressé par la faune et la flore, le calme et la tranquillité ou simplement la découverte de nouvelles cultures, cet endroit a tout pour plaire. Ne manquez pas l’occasion de visiter cette merveille de la nature lors de votre prochaine escapade en Iran.

Un magnifique album de photographies à découvrir :

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Art et LittératureBibliotheca iranicaHistoire

Anthologie de la poésie persane, de Zabihollah Safâ

Anthologie de la poésie persane (XIème – XXème siècle), de Zabihollah Safâ, est certainement le livre qui nous révèle le mieux ce qu’est véritablement la poésie persane : le Génie et la Beauté.

Anthologie de la poésie persane (XIème – XXème siècle) Z. Safâ

L’Iran, après son invasion par les Arabes au VIIème siècle, trouve refuge dans l’expression poétique qui est devenue le moyen d’expression le plus approprié à son génie. Originaire du Khorassan, province orientale de l’Iran, la poésie iranienne a prospéré sans interruption depuis plus de mille ans. Dès le XIème siècle, elle transcende les frontières du plateau iranien, influençant les Indes et atteignant même les confins de la Chine, ainsi que l’Asie Mineure. Fusionnant les traditions littéraires préislamiques avec la culture musulmane, elle est devenue l’art le plus accompli de l’Iran islamique.

Cette poésie, d’une diversité épique, lyrique, didactique et narrative, se manifeste à travers de multiples formes. Qu’elle soit légère ou grave, qu’elle narre de grandes histoires ou révèle des confidences intimes, elle révèle, avec une remarquable constance, une certaine manière de percevoir le monde, qui est l’esprit d’un peuple. Présente dans tous les aspects de la vie, elle est également le véhicule de la méditation philosophique. C’est par le langage poétique que les Iraniens ont exprimé leurs idées les plus intérieures.

Anthologie de la poésie persane de Zabihollah Safâ, un ouvrage indispensable

Pendant des siècles, cette poésie a enchanté les cours des princes tout en enflammant les foules mystiques. Chaque Iranien, s’il n’est pas poète lui-même, sait apprécier les vers. Un paradoxe saisissant réside dans le fait que les poètes iraniens les plus raffinés sont également les plus populaires. De nombreux extraits traduits présents dans cet ouvrage sont sur toutes les lèvres et touchent les cœurs. Cette anthologie, classée par ordre chronologique, s’étend sur plus d’un millénaire et présente les poètes iraniens les plus renommés.

La poésie persane demeure donc un trésor inestimable, nourrissant l’âme iranienne depuis des siècles. Elle témoigne de l’essence même du peuple et transcende les barrières temporelles et géographiques.

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Géopolitique et Diplomatie

Visite officielle du président iranien en Chine

La visite officielle du président iranien en Chine revêt une importance de taille en matière de géopolitique et de diplomatie. Dans le domaine des relations internationales, les visites officielles des dirigeants politiques jouent un rôle essentiel dans le renforcement des liens entre les pays.

C’est dans cet esprit que le président de la République islamique d’Iran, Seyyed Ebrahim Raïssi, a effectué une visite officielle en Chine du 13 au 15 février. Il répondait à l’invitation de son homologue chinois Xi Jinping. Cette visite revêt une grande importance puisqu’il s’agit de renforcer le partenariat stratégique entre les deux nations.

Le président de la République islamique d'Iran en visite officielle en Chine du 13 au 15 février 2023.

Il convient de souligner que la Chine est depuis dix années consécutives le plus grand partenaire commercial de l’Iran. Cette relation commerciale solide s’est maintenue malgré les sanctions et les pressions exercées sur l’Iran. Ainsi, cette visite permettra non seulement de consolider les échanges commerciaux déjà en place. Mais également d’explorer de nouvelles opportunités de coopération dans différents domaines.

L’un des objectifs majeurs de cette visite est de renforcer les coopérations entre Téhéran et Pékin au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Cette organisation régionale vise à promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité dans la région. En investissant dans l’approfondissement du partenariat stratégique global sino-iranien, les deux pays ouvrent de nouvelles perspectives de croissance et de développement.

Au cours de cette visite, de nombreuses questions régionales et internationales importantes ont été abordées. La lutte contre le terrorisme et la prévention de la domination occidentale ont été au cœur des discussions. Cette convergence de vues entre l’Iran et la Chine témoigne de leur volonté commune de faire face aux défis mondiaux et de défendre leurs intérêts nationaux.

Que retenir de la visite du président iranien en Chine ?

Un aspect crucial de cette visite concerne la coordination entre Téhéran et Pékin pour faire avancer les négociations sur la levée des sanctions. En effet, l’Iran fait face à des sanctions économiques qui entravent son développement. En intensifiant leur coopération, les deux pays espèrent trouver des solutions favorables à la levée de ces sanctions. Mais également résoudre d’autres questions d’intérêt commun.

Lors d’une récente interview, Morgan Lotz, iranologue et juriste en droit international français, a évoqué les enjeux de cette visite. Selon lui, cette rencontre entre les dirigeants iraniens et chinois ouvre de nouvelles perspectives pour renforcer les liens bilatéraux. Elle contribue également à la stabilité régionale et internationale.

Il est évident que la visite officielle du président iranien en Chine marque un jalon important dans la relation sino-iranienne. Les deux pays, malgré les obstacles, continuent de renforcer leur partenariat stratégique. Ils cherchent à exploiter tout leur potentiel en matière de coopération économique, politique et sécuritaire. Cette visite témoigne de l’importance accordée par les dirigeants des deux pays à la consolidation des relations bilatérales et à la recherche de solutions communes aux défis mondiaux.

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HistoireSociété

Être transsexuel en Iran : l’histoire de Maryam Malek Arâ

par Morgan Lotz

Tous droits réservés

L’histoire de Maryam Malek Arâ nous dévoile une facette méconnue de l’Iran sur un sujet surprenant pour le lecteur occidental : être transsexuel en Iran.

être transsexuel en Iran

Le transsexualisme se définit comme le « sentiment éprouvé par le transsexuel d’appartenir au sexe opposé à celui de sa morphologie et de sa physiologie, le menant au désir de changer de sexe. »[1] Juridiquement, il est un « trouble de l’identité sexuelle, caractérisé par une opposition entre d’une part le sexe anatomique, chromosomique et hormonal, et d’autre part, le sexe psychologique et psycho-social. Plus précisément, ce syndrome a été défini par le professeur Küss comme « le sentiment profond inébranlable d’appartenir au sexe opposé », révélant une discordance indépassable entre la dimension subjective du sexe et sa réalité objective. »[2]

Contrairement à ce qui peut être imaginé en Occident, la pratique de la chirurgie de changement de sexe est parfaitement légale en Iran, celle-ci ayant été autorisée par une fatwa de l’ayatollah Khomeyni émise en 1986 et répondant comme remède à ce qui est considéré comme une maladie mentale. Cette fatwa est avant tout une émouvante histoire qui mérite d’être raconté, bien évidemment par nécessité du sérieux scientifique qui encadre la recherche, mais également par son aspect méconnu qui éclaire la figure de l’ayatollah Khomeyni qui demeure encore trop souvent occultée et calomniée.

Maryam Malek Arâ, le premier transsexuel en Iran

Feridoun Malek Arâ naquit à Abkenâr, un village situé près de Bandar Anzali, en 1950. Il devient journaliste à la Radio-télévision nationale iranienne (RTNI) en 1974 et porte déjà à cette époque du maquillage et des vêtements féminins. Il expliquera plus tard :

« J’étais très heureux, mais j’avais une errance mentale et intellectuelle. Parce que j’avais des racines religieuses, je voulais connaître religieusement les conditions et les enjeux de ce travail. [ …] Grâce à mes amis et connaissances de l’IRIB, j’ai pu aller voir la Shahbânou Farah Pahlavi. Elle m’a proposé de rassembler un certain nombre de transsexuels iraniens afin qu’on leur accorde des droits spéciaux, ce que je n’ai malheureusement pas fait. »[3] En réalité, une telle opération fut empêchée par les autorités monarchiques.[4]

Étant une personne religieuse, Malek Arâ souhaite obtenir l’avis d’un clerc qualifié sur la question, il décide alors de rencontrer l’ayatollâh Behbahâni qui effectue une prière dite de l’« istikhâreh », une cérémonie religieuse traditionnelle en Iran qui consiste à ouvrir le Qorân au hasard et interpréter le texte ainsi découvert. Le livre saint s’ouvre sur la 19ème sourate intitulée Maryam, celle-ci contant l’histoire de la Vierge Marie, mère de Jésus-Christ.[5] Pour l’ayatollâh, c’est le présage que la vie de Feridoun sera une vie semblable à celle de la Vierge, c’est-à-dire une vie de lutte et d’épreuves.

Sur les conseils de l’ayatollah Behbahâni, Feridoun écrit donc à l’ayatollah Khomeyni alors exilé en Irak une lettre en 1975, à propos de laquelle il déclare :

« Je lui ai dit que j’avais toujours eu le sentiment d’être une femme. J’avais écrit que ma mère m’avait dit que même à l’âge de deux ans, elle m’avait trouvé devant le miroir en train de me mettre de la craie sur le visage de la même manière qu’une femme se maquille. Il m’a répondu en disant que je devais suivre les obligations islamiques d’une femme. »[6]

Cette réponse ne le convainc guère, expliquant plus tard : « Mon impression était que la fatwa appartenait à 47 chromosomes (qui ont à l’heure de leur naissance deux sexes). »[7] Il faut comprendre par cette expression les hermaphrodites.

Feridoun se rend à Paris en 1978 dans l’espoir de rencontrer l’ayatollâh Khomeyni alors en exil en France ; il n’y parviendra guère et rentre alors en Iran où, après s’être fait licencié de son emploi, il suivra des traitements hormonaux prodigués par des psychiatres qui tentent alors de le faire revenir à une psychologie d’homme. Cela n’empêche pourtant pas Feridoun de s’acquitter de ses obligations civiques et nationales en participant à l’effort de guerre à partir de 1980 lorsque l’Irak attaque l’Iran. À ce propos, il déclare :

« Quand la guerre a commencé, j’ai fait du bénévolat en soins infirmiers près de la ligne de front. Quand je bandais des hommes blessés, ils avaient parfois l’impression qu’une femme le faisait parce que j’étais plus doux et je les entendais se demander quel genre de personne j’étais. Certains des patients blessés chimiquement avaient des plaies qui devaient être pansées près de leurs aines, et parfois ils laissaient entendre qu’ils avaient des sentiments sexuels pour moi. »[8]

Son dévouement sera remarqué, lui permettant de rencontrer des personnalités susceptibles de l’aider, notamment ‘Ali Akbar Hâshemi Rafsandjâni, à cette époque président de l’Assemblée consultative islamique qui deviendra président de la République islamique d’Iran de 1989 à 1997.

Maryam Malek Arâ et l’ayatollah Khomeyni, une rencontre bouleversante

L’histoire de la rencontre entre Malek Arâ et Khomeyni s’avère un évènement fort méconnu mais pourtant révélateur de la sagesse et de la bonté qu’éprouvait l’ayatollâh pour les gens. Alors que Feridoun écrit en 1984 une nouvelle lettre au guide de la révolution, soutenu par Ahmad Djanati (né en 1927) qui est à cette époque membre du Conseil des Gardiens de la Constitution, la réponse est la même que la précédente formulée en 1975. Feridoun décide donc de rencontrer directement l’ayatollâh Khomeyni afin de lui expliquer son cas.

Un soir durant l’année 1986, vêtu d’un costume d’homme et porteur d’une barbe et d’un Qorân enveloppé dans un drapeau iranien[9], il s’approche de Djamârân, un quartier résidentiel du nord de Téhéran où vit l’ayatollah Khomeyni sous la protection des gardiens de la révolution islamique. Détail qui a son importance, Feridoun porte ses chaussures nouées ensemble par les lacets autour de son cou, rappelant Hour ibn Yazid Riâhi, un compagnon de l’Imâm Hossein présent à Karbalâ’, qui cherchait un abri. Il est naturellement contrôlé par les gardes et c’est Seyed Morteza Shadandideh[10], qui n’est autre que le frère aîné de l’ayatollah Khomeyni, qui l’accompagne à l’intérieur du domicile.

Cependant, le service de sécurité l’attrape et le violente, suspectant que le volume de sa poitrine ne dissimule des explosifs destinés à assassiner le guide de la révolution alors que la guerre imposée par l’Irak à l’Iran dure depuis plusieurs années et que des tentatives d’assassinats contre sa personne ont déjà été déjouées. Il s’avère en fait que ce volume n’est autre qu’un soutien-gorge soutenant une poitrine féminine ; les femmes présentes dans la pièce lui donnent alors un tchador pour se couvrir. C’est alors qu’Ahmad Khomeyni, le fils de l’ayatollah, arrive et dialogue avec Feridoun, dont l’histoire l’émeut. Il décide alors de lui apporter son aide et l’emmène voir son père, devant qui Feridoun s’évanouit sous la pression dû à sa nervosité.

Témoignage de Maryam Malek Arâ, premier transsexuel en Iran. Cette vidéo fut censurée par YouTube.

Feridoun, devenu ce soir-là Maryam, déclare à propos de cet évènement :

« C’était le paradis, l’espace, le moment et tout était le paradis pour moi. J’étais dans le couloir et j’ai entendu l’imâm Khomeyni en colère contre ceux qui l’entouraient et crier pourquoi vous traitiez quelqu’un qui s’était réfugié chez nous de cette manière et lui causiez du mal. L’imâm Khomeyni a dit : « C’est le serviteur de Dieu. » L’imâm a consulté trois de ses médecins de confiance et lui a posé des questions sur la différence entre les transsexuels et les problèmes neutres. Après cela, tout a changé pour moi. »[11]

L’ayatollâh Khâmenei, alors président de la République islamique d’Iran, est également présent ce soir-là d’après le témoignage de Maryam :

« Depuis lors, je suis entrée dans le hijab féminin, et le jour où il a émis la fatwa, l’ayatollah Khamenei (alors président) m’a taillé un tchador et m’a fait entrer dans le hijab islamique avec la salutation au Prophète et toutes les félicitations. »[12]

Fatwade l’ayatollah Khomeyni

En quittant la maison de Djamârân, Maryam emporte avec elle une lettre de Khomeyni adressée au procureur en chef, cette fatwa lui indiquant l’autorisation religieuse de pouvoir procéder à la chirurgie de changement de sexe par ces mots qui la libérèrent :

« Au nom de Dieu. La chirurgie de changement de sexe n’est pas interdite dans la charia si des médecins fiables le recommandent. Si Dieu le veut (inshallâh), vous serez en sécurité et j’espère que les personnes que vous avez mentionnées pourront s’occuper de votre situation. »

Nous passons volontairement sous silence quelques informations concernant sa vie privée. Maryam Malek Arâ fonde en 1997 un organisme de bienfaisance, le Comité national de protection des malades du trouble de l’identité et des transgenres d’Iran (komiteh-yé keshvari-yé hemâyat âz bimârân-é ekhtelâl-é hoviyati va trâdjensi-yé irân), lui permettant notamment de faire financer son opération par l’État[13] via le Comité de secours de l’Imâm Khomeyni (komiteh-yé emdâd emâm Khomeyni), une organisation religieuse étatique fondée par l’ayatollâh afin de subvenir aux besoins des nécessiteux. Elle fera une seconde opération chirurgicale en Thaïlande en 2001.

Son organisme devient en 2007 la Société deprotection des malades souffrant du troubles de l’identité de genre en Iran(andjoman hemâyat âz bimârân mobtalâ bé ekhtelâlât-é hoviyat-é djensi-é irân)avec l’aide notamment de Zahrâ Shodjâ’i, vice-présidente iranienne des affaires féminines, et ‘Ali Râzini, chef du Tribunal spécial du Clergé.

Tombe de Maryam Malek Arâ

Maryam Khâtoun Malek Arâ est emporté par un accident vasculaire cérébral le 25 mars 2012. Elle repose dans son village natal d’Abkenâr.

Les droits des transsexuels en Iran

Dans son ouvrage de jurisprudence islamique Tahrir al-vasileh paru en 1964, l’ayatollâh Khomeyni aborde pour la première fois dans la théologie shî’ite la question de la chirurgie de changement de sexe pour confirmer qu’il n’existe aucune restriction religieuse à son encontre :

« Il semble que la chirurgie de changement de sexe pour homme à femme ne soit pas interdite (haram) [dans l’Islam] et vice versa, et il n’est pas non plus interdit à un khuntha (hermaphrodite/intersexué) qui la subit d’être attaché à l’un des sexes [féminin ou masculin]. Et [si l’on demande] une femme/un homme est-il obligé de subir la chirurgie de changement de sexe si la femme trouve en elle-même des désirs [sensuels] similaires aux désirs des hommes ou une preuve de masculinité en elle-même – ou un homme trouve en lui-même des désirs [sensuels] similaires au sexe opposé ou une preuve de féminité en lui-même ? Il semble que [dans un tel cas] si une personne appartient vraiment [physiquement] à un sexe [déterminé], une chirurgie de changement de sexe n’est pas obligatoire (wajib), mais la personne est toujours éligible pour changer son sexe dans le sexe opposé. »[14]

Le changement n’est pas interdit car il ne modifie pas la personne en son essence mais seulement l’apparence physique. L’hodjatoleslâm Mohammad Mehdi Kariminiâ, qui rédigea sa thèse de doctorat sur ce sujet, déclare : « Je veux suggérer que le droit des transsexuels de changer de genre est un droit humain. J’essaie de présenter les transsexuels aux gens à travers mon travail et, en fait, d’éliminer la stigmatisation ou les insultes qui s’attachent parfois à ces personnes. »[15] De plus, M. Alipour souligne la maxime juridique islamique appelée « principe de dominante » (isalt al-taslit), qui édicte le droit et le contrôle de son corps et de ses biens par chacun. Il précise :

« […] il est important de savoir que ce droit dans l’Islam est limité à toutes les possessions qui sont considérées comme rationnelles chez les êtres humains. En effet, changer le corps par la chirurgie est généralement considéré comme rationnel. Sur la base de cette règle, tout le monde peut exercer son droit et, par conséquent, peut changer son corps par la chirurgie (Kharrazi, 1999, p. 24). »[16]

La législation sur les transsexuels en Iran, l’héritage de Maryam Malek Arâ

La loi de protection de la famille de 2012 précise que la demande de changement de sexe est à adressée au tribunal chargé des affaires familial (chapitre 1, paragraphe 18, article 4). La Cour suprême a rendu pour sa part un avis affirmant la compétence des tribunaux pour la modification de l’état civil. Ainsi, les personnes accomplissant une chirurgie de changement de sexe, sous réserve d’une approbation médicale, obtiennent consécutivement la modification de leurs certificat de naissance, papiers d’identité et permis de conduire.

Le Comité de secours de l’Imâm Khomeyni fourni des prêts équivalents à 1200 dollars afin de financer des opérations de changement de sexe, qui sont fréquentes en Iran et attirent même des transsexuels des pays arabes où cela est bien souvent interdit. À noter que le Guide de la Révolution ‘Ali Khâmenei, qui succéda à Rouhollâh Khomeyni en 1989, confirma cette fatwa. L’Iran est d’ailleurs le deuxième pays au monde en matière d’opérations de changement de sexe, après la Thaïlande.[17]


[1] Définition de Transsexualisme, Centre national de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL).

[2]Point sur le transsexualisme, Dalloz Actu Étudiant, 13 septembre 2012 (https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/point-sur-le-transsexualisme/h/a6ee22e2f253c4aff48071683da16fac.html).

[3] Behzâd Bolour, تغيير جنسيت در ايران (« Changement de genre en Iran »), BBC Persian, 19 mai 2006 (https://www.bbc.com/persian/arts/story/2006/05/060519_7thday_bs_transexual).

[4]Société deprotection des malades souffrant du troubles de l’identité de genre en Iran page d’accueil de son site internet (https://web.archive.org/web/20120210163053/http:/www.gid.org.ir/Default.aspx?PageID=52&RelatedID=IMaM).

[5] Angus McDowall et Stephen Khan, The Ayatollah and the transsexual (« L’ayatollah et le transsexuel »), Independent, 25 novembre 2004 (https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/the-ayatollah-and-the-transsexual-21867.html).

[6]دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند (« Une rencontre bisexuelle avec l’imâm Khomeyni + photos et documents »), Tasnim, 13 décembre 2013 (دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند- اخبار رسانه ها تسنیم | Tasnim (tasnimnews.com)).

[7] Behzâd Bolour, op. cit.

[8] Angus McDowall et Stephen Khan, op. cit.

[9] دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند, op. cit.

[10] L’ayatollâh Khomeyni (24 septembre 1902 – 3 juin 1989), avait trois sœurs (Mouloudeh Aghâ Khânom, Fâtemeh Khânom et Aqâzâdeh Khânom) et deux frères : Seyed Morteza Shadandideh (1er avril 1896 – 12 novembre 1996), lui aussi religieux, et Seyed Nourâldin Hindi (19 février 1898 – 21 juillet 1976) qui fut avocat. Ce dernier avait été contraint de quitter son poste de président du palais de justice de Khomeyn sur ordre de Rezâ Shâh qui l’avait fait arrêter en 1924. Après la réforme du kafsh-é hedjâb en 1936 qui interdit les vêtements iraniens et impose par la force les habits occidentaux (Cf. notre livre Les Iraniennes, L’Harmattan, 2022) il sera contraint de porter un costume occidental et une cravate jusqu’à la fin de sa vie, en dépit de ses demandes répétées de pouvoir porter le turban et le ‘aba qui lui furent refusé en raison de son statut de laïc.

Leur différence de nom de famille provient du fait que la loi sur l’état civil, promulguées en 1918 et modifiée par Rezâ Shâh par décret du 10 juin 1928, n’autorisait pas la duplication de noms de famille identiques dans une ville. Mostafavi fut choisi en référence à leur père Seyed Mostafa Mousavi (1861 – assassiné en février 1903) et Hindi en référence à leur grand-père paternel, Seyed Ahmad Hindi, originaire d’Inde.

[11]Ibid.

[12] Nazila Fathi, As Repression Eases, More Iranians Change Their Sex (« Alors que la répression s’atténue, de plus en plus d’Iraniens changent de sexe »), The New York Times, 2 août 2004 (https://www.nytimes.com/2004/08/02/world/as-repression-eases-more-iranians-change-their-sex.html?pagewanted=all&src=pm).

[13] Angus McDowall et Stephen Khan, op. cit.

[14] Rouhollâh Mostafavi Khomeyni, Tahrir al-vasileh, 1964, vol. 2, p. 626. Cité par M. Alipour (2017) Islamic shari’a law, neotraditionalist Muslim scholars and transgender sex-reassignment surgery: A case study of Ayatollah Khomeini’s and Sheikh al-Tantawi’s fatwas, International Journal of Transgenderism, 18:1, 91-103, DOI: 10.1080/15532739.2016.1250239 (https://www.tandfonline.com/doi/citedby/10.1080/15532739.2016.1250239?scroll=top&needAccess=true&role=tab).

[15] Frances Harrison, Iran’s sex-change operations (« Les opérations iraniennes de changement de sexe »), BBC, 5 janvier 2005 (http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/newsnight/4115535.stm).

[16] M. Alipour, op. cit.

[17] Vanessa Barford, Iran’s ‘diagnosed transsexuals’ (« Les « transsexuels diagnostiqués » en Iran »), BBC, 25 février 2008 (http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/7259057.stm).

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Société

Iranien, un film de Mehran Tamadon

Iranien, un film de Mehran Tamadon réalisé en 2014.

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Ce film fut récompensé du Prix Buyens-Chagoll au Festival Visions du réel 2014, du grand prix du Cinéma du réel 2014, du prix spécial du jury du Documenta Madrid 2014, ainsi que de l’étoile de SCAM 2017.

Synopsis :

Iranien athée, le réalisateur Mehran Tamadon a réussi à convaincre quatre mollahs, partisans de la République islamique d’Iran, de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Dans ce huis clos, les débats se mêlent à la vie quotidienne pour faire émerger sans cesse cette question : comment vivre ensemble lorsque l’appréhension du monde des uns et des autres est si opposée ? La liberté, la religion, la place de la femme sont autant de sujets de discorde qui viennent peu à peu troubler la quiétude du salon, mais toujours dans une ambiance étrangement détendue où chacun se taquine mutuellement.

Qui est Mehran Tamadon, le réalisateur du film Iranien ?

Mehran Tamadon est né en 1972 à Téhéran. Après avoir étudié l’architecture à Paris, il retourne en Iran en 2000 pour commencer une carrière artistique diversifiée. Il explore divers domaines artistiques, de la scénographie à l’installation artistique en passant par l’écriture d’essais en langue persane. Cependant, c’est dans le domaine du cinéma documentaire qu’il s’est fait connaître.

Iranien film de Mehran Tamadon

Tamadon est célèbre pour ses méthodes de travail inédites qui ont permis à ses documentaires de se distinguer. En 2004, il réalise son premier moyen-métrage documentaire intitulé Behesht Zahra – mères de martyrs. Tourné dans le cimetière de Téhéran, ce film explore un univers religieux très différent de celui dans lequel il a grandi. Il rencontre alors de nombreux défenseurs de la République islamique d’Iran, qui l’amènent à se questionner sur les rapports entre religion et politique.

Il réalise son deuxième film, Bassidji en 2009. Fidèle à sa qualité d’innovation, Tamadon, dans son dernier film Iranien(2014), invite quatre clercs à vivre avec lui pendant deux jours. Dans cette expérience inoubliable, les débats mêlent leur vie quotidienne, pour émerger sans cesse la question : comment vivre ensemble lorsque l’appréhension du monde de tous est si opposée ?

Son travail est un témoignage important de l’expérience iranienne et de la recherche inlassable de dialogue et de compréhension mutuelle dans un contexte national et international tumultueux.

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Nature et Géographie

Les cygnes dans la zone humide de Sorkhrud, au nord de l’Iran

Après avoir quitté la zone humide de Sorkhrud, dans le nord de l’Iran, en raison du manque de nourriture ces dernières années, les cygnes sont finalement revenus ces dernières semaines. Les oiseaux migrateurs ont finalement fait leur retour grâce aux efforts des forces de protection de l’environnement de la province de Mazandaran et à l’approvisionnement en maïs pour ces espèces aviaires. Des volées d’oiseaux migrateurs, en particulier des oies, ont trouvé refuge dans la zone humide de Sorkhrud, située dans la province de Māzandarān, au nord de l’Iran.

cygnes zone humide Sorkhrud Iran

La région de Sorkhrud, située près du sud de la mer Caspienne, restera dominée par ces hôtes migrateurs jusqu’à la mi-mai 2018, lorsque la saison de migration touchera à sa fin. Ce paysage riche et diversifié attire également des centaines d’ornithologues, de vacanciers et d’amateurs d’oiseaux qui souhaitent profiter de cette nature préservée.

Sorkhrud, l’habitat des cygnes dans le nord de l’Iran

Dans le cadre d’une scène plus vaste, la population hivernale d’oiseaux migrateurs est estimée à plus d’un million sur les rives sablonneuses du sud de la mer Caspienne, qui s’étendent sur environ 700 kilomètres. Les provinces septentrionales de Gilan, Golestan et Mazandaran abritent une variété de lacs d’eau douce, de zones humides et de lagons, qui sont les principales destinations des pélicans, des flamants roses, des canards, des cygnes, des foulques et d’autres espèces.

La zone humide de Sorkhrud, en particulier, est un endroit d’une importance cruciale pour la conservation de ces oiseaux migrateurs magnifiques. Grâce aux efforts de protection de l’environnement, ces habitants ailés sont en mesure de se nourrir et de se reposer dans cet écosystème fragile. Les cygnes, avec leur majestueuse élégance, ajoutent une touche de beauté à cette zone et offrent aux visiteurs une expérience unique d’observation des oiseaux.

La préservation de ces zones humides et de leur biodiversité est essentielle pour maintenir l’équilibre délicat de l’écosystème. Les autorités locales et les organisations de protection de l’environnement continuent de travailler main dans la main pour sensibiliser le public à l’importance de préserver ces habitats naturels et les espèces qu’ils abritent.

environnement biodiversité Iran cygnes canards

En somme, le retour des cygnes dans la zone humide de Sorkhrud est une indication positive de la préservation réussie de cet écosystème. Ces oiseaux migrateurs sont de véritables joyaux, témoignant de la richesse et de la diversité de la faune dans la région nord de l’Iran.

Un magnifique album de photographies à découvrir :

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Géopolitique et DiplomatieHistoire

L’Iran face au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

par Morgan Lotz

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Le 13 septembre 2022, les combats reprennent entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce dernier poursuivant l’offensive entamée en septembre 2020 et avançant sur 7 kilomètres à l’intérieur des terres arméniennes selon les dires du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. L’Arménie n’est dès lors reliée à l’Iran que par son étroit corridor terrestre large de de 35 à 40 kilomètres, dénommé le « corridor de Zangezur », censé relier l’Azerbaïdjan à sa région du Nakhitchevan frontalière avec la Turquie. L’annexion de ce corridor permettrait de réunir les deux morceaux de l’Azerbaïdjan et en même temps l’Azerbaïdjan à la Turquie, de même qu’il séparerait l’Arménie de l’Iran.

Arménie et Azerbaïdjan

De son côté, le gouvernement turc annonce que 45 000 militaires appartenant à ses corps de réserve sont déployés le long de la frontière turque avec l’Arménie en vue de soutenir l’Azerbaïdjan. Conséquemment, les forces armées iraniennes renforcent leur dispositifs militaires à leur frontière commune avec les deux pays et des responsables iraniens déclarent officiellement que leur pays n’acceptera aucune modification des frontières existantes, autant pour l’Iran que pour l’Arménie. 

De plus, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian inaugure le 21 octobre 2022 un consulat dans la ville arménienne de Kapan, constituant de la sorte le signe d’un soutien à l’Arménie puisque l’Iran est désormais le premier pays à établir une mission diplomatique dans la province recherchée par Bakou et Ankara.

Iran-Arménie-Azerbaïdjan, une situation complexe à étudier au prisme de l’histoire

Le narratif d’une Arménie chrétienne assaillie par le monde islamique s’effondre de lui-même devant la réalité : l’Iran, premier partenaire commercial de l’Arménie dont furent d’ailleurs originaires les plus grands généraux de Shâh ‘Abâs (1571-1629), n’est guère en phase avec le régime azerbaïdjanais et son président Aliyev soutenu par la Turquie et Israël qui lui fournit du matériel, notamment des drones, et déploie ses forces dans quatre bases du Mossad dans ce pays pourtant shî’ite mais dont Aliyev combat l’influence au profit d’une vision nationaliste pan-turquiste. Or, ce grand pays turque englobe l’actuelle Turquie et l’Azerbaïdjan qui comprend selon cette vision l’Arménie et la région du nord-ouest de l’Iran qui se nomme l’Azerbaïdjan iranien, peuplée d’Azéris appartenant ethniquement à la famille des peuples turcs. Nous comprendrons par la suite en quoi cette précision est importante.

Le 16, des affrontements armés éclatent le long de la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan. L’Azerbaïdjan et le Tadjikistan partagent le point commun d’être des peuples turcs et d’entretenir des relations avec le président turc Erdogan qui rêve de ressusciter le Touran, ce grand pays des Turcs qui affrontèrent les Iraniens dans les temps mythiques, conquêtes et empires qu’ont si bien conté Ferdousi dans le Livre des Rois et André Malraux dans Les Noyers de l’Altenburg, sans toutefois tombé pour ce dernier dans l’illusion de sa résurrection, en témoigne ce passage où le personnage Vincent Berger est délivré de ses illusions par l’humiliation qu’il subit dans le bazar de Ghazni, en Afghanistan.[1]

L’idéologie pan-turquiste de l’Azerbaïdjan menace autant l’Iran que l’Arménie

Le 19, à Ankara, un groupe de réflexion azerbaïdjanais publie un compte rendu de ses travaux énonçant la nécessité de créer une « République turque Goycha-Zangezur » pour « parvenir à une paix juste et à la stabilité dans la région », correspondant aux actuelles provinces arméniennes de Gegharkunik-Sevan et Syunik, dont les noms en azerbaïdjanais sont respectivement Goycha et Zangezur.[2] Le « corridor de Zangezur » est une menace grave pour l’Arménie puisque sa constitution la séparerait du Haut-Karabagh qui lui est relié par le corridor de Latchine, celui-ci constituant le dernier lien entre l’Arménie et le Haut-Karabagh où vivent 120 000 Arméniens.

Le 12 décembre, l’Azerbaïdjan franchit un pas supplémentaire dans sa politique de blocus en bloquant le corridor de Latchine (en arménien Berdzor) au prétexte d’une manifestation de militants écologistes opposés à l’exploitation des mines d’or, de cuivre et d’argent. Les conséquences ne sont guère négligeables : les Arméniens du Haut-Karabagh sont coupés de l’Arménie, de même que les 2000 soldats de la paix russes qui y sont stationnés jusqu’en 2025.[3] Les conséquences sont désastreuses puisque les ravitaillements de nourriture et de médicaments sont impossibles en raison du blocus azerbaïdjanais. Le média azerbaïdjanais Caspian Newsaccuse d’ailleurs les Arméniens d’inviter des conseillers militaires iraniens pour les forces d’autodéfense du Haut-Karabagh et les accuse d’être passés par le corridor de Latchine pour gagner la région disputée.[4]

La chute du Haut-Karabagh serait aussi dérangeant pour l’Iran que pour l’Arménie :

«  En cas de chute de Stepanachardt (centre du Haut-Karabakh), des scénarios désagréables sont imaginables face à la région du Caucase du Sud et aux zones environnantes, y compris l’Iran. L’élimination d’une barrière telle que le Haut-Karabakh ouvre la voie à l’occupation territoriale de l’Arménie et modifie la carte de la région et, à long terme, porte des coups sécuritaires au nord-ouest de l’Iran. »[5]

Les enjeux du Caucase dépassent l’Arménie, l’Iran et l’Azerbaïdjan

L’embrasement du Caucase serait dévastateur quant à ses conséquences, autant pour la région elle-même que pour la Turquie, l’Iran et la Russie. Les exercices militaires menés en décembre 2022 à proximité de la frontière iranienne par l’armée de Bakou avec la participation de la Turquie – une « réponse à l’Iran » selon les mots du député azerbaïdjanais Azar Bayramov – n’augure rien de bon ; celle-ci a d’ailleurs envoyé des chasseurs F-16 semblablement à ses agissements de 2020 quelques semaines avant l’offensive azérie sur le Haut-Karabagh.

Hulusi Akar, ministre turc de la Défense, n’hésite pas à déclarer : « Personne ne devrait oublier que la Turquie est toujours aux côtés de l’Azerbaïdjan. Si nécessaire, nous savons être une seule armée, une seule puissance et un seul poing avec l’Azerbaïdjan. Nous considérons que les menaces ou les provocations contre la Turquie ou l’Azerbaïdjan visent les deux. »[6] La sécurité nationale iranienne est étroitement liée à celle de l’Arménie, ces deux pays étant menacé par le projets pan-turquistes d’Erdogan et d’Aliyev.

Le conflit du Caucase peut-il dès lors être interprété comme une prolongation de l’affrontement irano-israélien dans le conflit syrien dans le sens où l’affrontement oppose via des acteurs projetés le camps de l’OTAN et de ses alliés (la Turquie, membre de l’organisation atlantiste, et Israël soutenant militairement l’Azerbaïdjan) contre l’Iran (soutenant son allié historique arménien) ?

L’Azerbaïdjan revêt pour Israël un intérêt stratégique majeur en raison de son accolement à l’Iran, lui permettant de se projeter plus efficacement et plus facilement dans l’espace iranien, notamment dans le cadre de frappes ciblées par son aviation et ses drones, ses chasseurs-bombardiers israéliens F-15I et F-16I  disposant conséquemment de bases alliées plus proches pour une projection sans nécessité contrainte par un ravitaillement et pour un retour de missions désarmé moins longtemps exposé à la défense iranienne. En effet, le trajet d’Israël à l’Iran faisant 3550 kilomètres[7], même équipés de réservoirs supplémentaires, les réserves de carburant des avions atteindraient leurs limites ; un atterrissage en Azerbaïdjan leur permettrait donc une économie de 1300 kilomètres[8].

L’International Institute for Strategic Studies rappelle dans son rapport intitulé Military Balance 2011 la présence de quatre aérodromes soviétiques abandonnés pouvant être réhabilités :

« Les responsables du renseignement et de la diplomatie américaine m’ont dit qu’ils croyaient qu’Israël avait obtenu l’accès à ces bases aériennes grâce à une série d’accords militaires et politiques discrets. « Je doute qu’il y ait quoi que ce soit d’écrit », a ajouté un ancien diplomate qui avait effectué sa carrière dans la région. « Mais je pense qu’il n’y aucun doute, si des avions israéliens souhaitent atterrir en Azerbaïdjan après une attaque, qu’ils seront autorisés à le faire. Israël est très bien implanté en Azerbaïdjan depuis deux décennies.,» »[9] Cette vision stratégique n’est cependant pas nouvelle, le général israélien Oded Tira ayant déjà évoqué la nécessité pour Israël de se projeter plus en avant contre l’Iran : « Nous devrions également coordonner avec l’Azerbaïdjan l’utilisation de bases aériennes sur son territoire et obtenir le soutien de la minorité azérie en Iran. »[10]

De plus, l’utilisation de bases aériennes en Azerbaïdjan permettrait à Israël de déployer des unités héliportées de recherche et d’assistance dans les jours précédant une frappe, ces unités étant destinées à porter secours à des pilotes dont l’aéronef aurait été abattu par la défense anti-aérienne adverse. L’armée israélienne a d’ailleurs mené conjointement avec son homologue roumain des manœuvres en Roumanie[11], dont le terrain montagneux sont similaires aux sites nucléaires israéliens enterrés sous des massifs montagneux. L’aérodrome de Sitalcay – qui accueillait un escadron de Sukhoi Su-25 –, situé à 65 kilomètres au nord-ouest de Bakou et 550 kilomètres de l’Iran semble tout disposé pour une telle éventualité, ses deux tarmacs étant disposés pour accueillir des avions de chasse et des bombardiers.

De son côté, le président azerbaïdjanais Aliyev compare les relations entre son pays et l’État hébreux à un iceberg :

« Les contacts israéliens nous disent que le Président Aliyev a eu raison de décrire la relation bilatérale comme un iceberg ; les neuf dixièmes de celui-ci se trouvent sous la surface au cours de la visite du ministre de l’Agriculture Shalom Simhon. »[12]

Donald Lu note à propos de cette coopération :

« Les relations d’Israël avec l’Azerbaïdjan sont fortement fondées sur le pragmatisme et une appréciation aiguë des priorités. L’objectif principal d’Israël est de préserver l’Azerbaïdjan en tant qu’allié contre l’Iran, une plate-forme de reconnaissance de ce pays et en tant que marché pour le matériel militaire. Afin d’assurer ces objectifs, les Israéliens se sont parfaitement adaptés à ces objectifs. Les besoins du GOAJ en tant que membre de l’OCI et en tant qu’État ) comme Israël ) coincé entre large voisins puissants et hostiles. Ils renoncent à la possibilité de faire pression sur le GOAJ sur le secondaire problèmes pour sécuriser les principaux. Il nous apparaît clairement que pour l’instant, les deux parties sont bien satisfaites de l’état des lieux. »[13]

L’alliance de toujours Arménie-Iran menacée par Israël et l’Azerbaïdjan

Le pays caucasien présente d’autres atouts pour les Israéliens : les services de renseignement israéliens disposent de stations d’écoute le long de la frontière[14] et l’ambassade d’Iran dans le pays – celle-ci ne comptant pas moins de 200 employés en 2000[15] – est une cible de premier choix pour la surveillance. Bien évidemment, l’Iran déploie de son côté ses services compétents pour se prémunir de cette menace au nord-ouest de son territoire. Mark Perry, analyste principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft basé à Washington, précise que « quatre diplomates et officiers de renseignement de haut rang disent que les États-Unis estiment désormais qu’Israël a récemment obtenu l’accès à des bases militaires à la frontière nord de l’Iran. »[16], ces derniers témoignant d’une inquiétude croissante de l’expansion militaire israélienne qui compliquent selon eux les démarches américaines de réduction des tensions entre l’Iran et Israël.

De plus, l’éventualité d’un conflit n’est donc plus contenue au golfe Persique mais peut s’étendre au Caucase, menaçant par là les frontières russes. Les États-Unis s’inquiètent d’une telle éventualité, en témoigne les propos rapportés par Mark Perry : « « Nous observons attentivement ce que fait l’Iran », a confirmé une des sources américaines, un officier du renseignement chargé d’évaluer les ramifications d’une potentielle attaque israélienne. « Mais nous observons maintenant ce que fait Israël en Azerbaïdjan. Et nous n’en sommes pas satisfaits. ». ».

Israël peut profiter des relations détériorées entre Bakou et Téhéran :

« l’Iran a présenté le mois dernier à l’ambassadeur azerbaïdjanais une note affirmant que Bakou a soutenu des équipes d’assassinat ciblé formées par Israël et visant des savants iraniens, une accusation que le gouvernement azerbaïdjanais a désignée comme « un mensonge ». »[17]

L’Iran a pour sa part de quoi s’inquiéter : outre un contrat d’armement de 1,6 milliards de dollars conclu en février 2012 entre Israël et son voisin du nord portant sur la livraison de système antimissiles et de drones, l’Azerbaïdjan joue sur les minorités ethniques et les tensions régionales. Ainsi plusieurs députés demandent-t-ils en février 2012 de renommer leur pays en « Azerbaïdjan du Nord », sous-entendant de la sorte que la région iranienne serait séparée de son pays originel et occupée par l’Iran.[18]

En mars suivant, 22 personnes sont arrêtées par les autorités de Bakou sous l’accusation de prévoir « des actes terroristes contre les ambassades des États-Unis, d’Israël et d’autres États occidentaux et les employés des ambassades »[19] – aucun pays étranger ne remettra en cause ces accusations ; qu’en aurait-il été si c’était l’Iran qui avait énoncé cela sinon des accusations d’arrestations « arbitraires » ? Le 29 novembre 2022 est d’ailleurs créée en Suisse l’Organisation pour la protection des droits des Azerbaïdjanais du Sud, celle-ci annonçant la soumission de « documents » et d’« informations aux organisations internationales, y compris l’ONU » traitant des « droits des personnes dans la province azerbaïdjanaise d’Iran ».[20]

Les désaccords entre l’Iran et l’Azerbaïdjan concerne également les ressources énergétiques en mer Caspienne, cette dernière regorgeant de pétrole et de gaz. En effet, Téhéran refuse de reconnaître les droits de Bakou sur la base d’une division égale des eaux territoriales entre les cinq États riverains (à savoir l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Kazakhstan, la Russie et le Turkménistan) en raison des traités irano-soviétiques signés 1921 et 1941 qui divisent la mer entre les deux pays riverains à l’époque (l’URSS et l’Iran) et confèrent à l’Iran des droits exclusifs sur plus de la moitié de la mer Caspienne, ceux-ci persistant aux dépens des autres États riverains issus de l’éclatement de l’URSS.

Les relations avec Israël sont également intéressantes pour l’Azerbaïdjân au point de vue économique : l’État hébreux est le deuxième client importateur de pétrole azerbaïdjanais[21], transporté via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan inauguré en mai 2005, en échange de matériaux et d’équipements militaires utiles à l’Azerbaïdjân, commerce s’avérant bien utile pour ce dernier sanctionné par un embargo de l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE) depuis février 1992 et faisant suite au premier conflit dans le Haut-Karabagh. De plus, l’Azerbaïdjan renforce sa dissuasion vis-à-vis de ses voisins.

Cette coopération s’est accélérée après le différend entre Israël et la Turquie consécutif à l’affaire de la flottille turque survenue le 31 mai 2010 alors qu’elle se rendait à Gaza – neuf citoyens turcs périrent lors de l’assaut israélien, plusieurs corps présentant des impacts de balles tirées à bout portant dans la tempe, le visage ou dans le dos et à l’arrière de la tête.[22] Israël refusa de présenter des excuses réclamées par le gouvernement turc et annula 150 millions de dollars de contrats de développement et de fabrication de drones turcs pour se tourner vers l’Azerbaïdjan.

Les relations officielles furent établies dès le mois d’avril 1992 – moins d’un an après l’indépendance de l’ex-pays de l’URSS proclamée le 18 octobre 1991 – et le développement des relations économiques entre l’Azerbaïdjan et Israël débuta en 1994 après que la société israélienne de télécommunication Bezeq acheta une importante part de la société nationale de téléphonie azerbaïdjanaise.

Le marché s’ouvre alors pour les Israéliens et d’importants responsables politiques ne tardent pas à se rendre en visite officielle dans le pays bordant la mer Caspienne (Ephraïm Sneh, alors ministre de la Santé, en mars 1996 ; Benjamin Netanyahou en 1997 ; une délégation parlementaire en 1998 ; Avigdor Lieberman, vice-Premier ministre, et Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, en 2007 ; le président israélien Shimon Peres en 2009, accompagné par Avi Leumi, un ancien responsable du Mossad qui avait préparé la voie pour l’accord sur les drones et devenu le PDG d’Israel Aeronautics Defense Systems, ; Liebermann, devenu ministre des Affaires étrangères, en février 2012).

Les États-Unis en embuscade

Les États-Unis s’intéressent de plus près à cette coopération au cours de l’année 2001, alors que se renforce les échanges militaro-industriels stratégiques, notamment lorsque l’entreprise d’armement israélienne Elbit Systems s’allie à son homologue géorgien Tbilissi Aerospace Manufacturing, développant notamment l’ avion d’appui aérien rapproché soviétique SU-25 Scorpion dont l’un des premiers client ne sera autre que l’Azerbaïdjan. Suivra une collaboration entre cette entreprise israélienne pour la mise au point du système de reconnaissance satellite TecSar et du véhicule d’infanterie Namer.[23] Des entreprises de sécurité israéliennes surveillent également les infrastructures pétrolières azerbaïdjanaises et assurent la protection du président Aliyev lors de ses déplacements à l’étranger[24]. Ilya Bourtman ancien chercheur au Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques à Ramat Gan, en Israël, voit la naissance de la coopération azerbaïdjanaise avec l’État hébreux motivé par un « manque d’alternative » :

« En 1991, l’Azerbaïdjan était économiquement fragile, politiquement instable et militairement faible. Ayant désespérément besoin d’une aide extérieure, Bakou s’est tourné vers Israël pour fournir un levier contre un Iran beaucoup plus fort et une Arménie militairement supérieure. Israël a promis d’améliorer la faiblesse de l’économie de l’Azerbaïdjan en développant des liens commerciaux. Il a acheté du pétrole et du gaz azerbaïdjanais et a envoyé des experts médicaux, technologiques et agricoles. Plus important encore pour l’Azerbaïdjan, le ministère israélien des Affaires étrangères a promis de prêter le poids de son lobby à Washington pour améliorer les relations américano-azéries, fournissant un contrepoids à l’influent lobby arménien. »[25]

Concernant les relations entre les États-Unis et l’Azerbaïdjan, le Congrès adopta en 1992 le Freedom Support Act destiné à soutenir toutes les anciennes républiques soviétiques à l’exception de l’Azerbaïdjan, l’article 907 de cette loi ne prévoyant d’aide à ce pays qu’à la condition de la résolution du conflit dans le Haut-Karabagh[26]. Aucune aide économique ne lui sera attribuée dans les années 1990, contrairement à l’Arménie qui perçut plus d’un milliard de dollars. Cela n’empêche guère les États-Unis d’associer l’Azerbaïdjan à l’OTAN qui rejoint en 1992 le Conseil de coopération nord-atlantique et adhére en 1994 au Partenariat pour la paix (PPP), « un programme de coopération pratique bilatérale entre l’OTAN et des partenaires euro-atlantiques »[27], semblablement à ses voisins arméniens et géorgiens qui suivirent le même parcours.

Il est également intéressant de noter que l’ambassade des États-Unis en Arménie n’accueille pas moins de 2500 personnes, un nombre de diplomates plus que disproportionné pour un petit pays – il est aisé de comprendre au vue de la situation géographique de ce pays que la plupart des membres du personnel ne sont pas des « diplomates »…


[1] André Malraux, Les Noyers de l’Altenburg, Gallimard, 1948, pp. 70-71.

[2]L’avènement et la chute de la « République de Goycha-Zangezur » de l’Azerbaïdjan, Le Courrier d’Erevan, 29 septembre 2022 (https://www.courrier.am/fr/region/lavenement-et-la-chute-de-la-republique-de-goycha-zangezur-de-lazerbaidjan, consulté le 29 janvier 2023).

[3] Virginie Pironon, Arménie-Azerbaïdjan : l’enclave arménienne du Haut-Karabakh coupée du monde, Radio France, 28 janvier 2023 (https://www.radiofrance.fr/franceculture/armenie-azerbaidjan-l-enclave-armenienne-du-haut-karabakh-coupee-du-monde-8762161, consulté le 29 janvier 2023).

[4] Gunay Hajiyeva, Illegal Entry of Iranians into Azerbaijan’s Karabakh Region Raises Suspicions (« L’entrée illégale d’Iraniens dans la région azerbaïdjanaise du Karabakh suscite des soupçons »), Caspian News, 1er décembre 2022 (https://caspiannews.com/news-detail/illegal-entry-of-iranians-into-azerbaijans-karabakh-region-raises-suspicions-2022-12-1-0/, consulté le 29 janvier 2023).

[5] قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است (« Le Haut-Karabakh, la région qui est la ligne rouge de l’intégrité territoriale de l’Iran »), Eghtesaad24, 17 décembre 2022 (قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است | اقتصاد24 (eghtesaad24.ir), consulté le 29 janvier 2023).

[6] Zulfugar Agayev, Turkish, Azeri Armies Hold Drills Near Iran Border Amid Tension (« Les armées turque et azérie organisent des exercices près de la frontière iranienne dans un contexte de tension »), Bloomberg, 6 décembre 2022 (https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-12-06/turkish-azeri-armies-hold-drills-near-iran-border-amid-tension, consulté le 29 janvier 2023).

[7] Propos de David Isenberg, analyste des questions de défense, rapporté par Mark Perry in L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, Slate, traduit par Felix de Montety, 30 mars 2012 (https://www.slate.fr/story/52415/ww.meforum.org/987/israel-and-azerbaijans-furtive-embrace, consulté le 22 janvier 2023).

[8] Propos du général Joe Hoar, ancien commandant du Centcom, rapporté par Mark Perry, ibid.

[9] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[10] Oded Tira, What to do with Iran? (« Que faire de l’Iran ? »), Ynetnews, 30 décembre 2006 (https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3346275,00.html, consulté le 22 janvier 2023).

[11] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit. Les premiers entrainements de l’armée de l’air israélienne ont débuté dans le ciel roumain en 2004 et un accord militaire fut signé en 2006 entre Israël et la Roumanie permettant à Israël d’y déployer des avions de combat (Herb Keinon, Analysis : Disaster shines light on Romania ties (« Analyse : Une catastrophe met en lumière les liens avec la Roumanie »), The Jerusalem Post, 27 juillet 2010 (https://www.jpost.com/International/Analysis-Disaster-shines-light-on-Romania-ties, consulté le 22 janvier 2023)).

[12]Azerbaijan’s discreet symbiosis with Israel (« La symbiose discrète de l’Azerbaïdjan avec Israël »), Canonical ID:09BAKU20_a, câble de Donald Lu, assistant chef de mission de l’ambassade américaine à Bakou, envoyé au quartier général du département d’État à Foggy Bottom, 13 janvier 2009, publié par Wikileaks (https://wikileaks.org/plusd/cables/09BAKU20_a.html, consulté le 22 janvier 2023).

[13]Ibid. « Israel,s relations with Azerbaijan are based strongly on pragmatism and a keen appreciation of priorities. Israel,s main goal is to preserve Azerbaijan as an ally against Iran, a platform for reconnaissance of that country and as a market for military hardware. In order to ensure those goals, the Israelis have keenly attuned themselves to the GOAJ,s needs as an OIC member and a state ) like Israel ) wedged between large, powerful and unfriendly neighbors. They forgo the option of pressuring the GOAJ on secondary issues to secure the primary ones. It is apparent to us that for now both sides are well satisfied with the bilateral state of affairs. »

[14] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ? (« Bonnes relations entre l’Azerbaïdjan et Israël : un modèle pour les autres États musulmans d’Eurasie ? »), Washington Institute for Near East Policy, 30 mars 2005 (https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/good-relations-between-azerbaijan-and-israel-model-other-muslim-states-eurasia, consulté le 27 janvier 2023).

[15] Avi Machlis, Azerbaijan Courts Jews, Israel to Win Favor with U.S. (« L’Azerbaïdjan courtise les Juifs et Israël pour tenter de gagner les faveurs des États-Unis »), Jewish Telegraphic Agency news service (New York), 2 février 2000 (https://www.jta.org/archive/azerbaijan-courts-jews-israel-to-try-and-win-favor-with-the-u-s, consulté le 27 janvier 2023).

[16] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[17]Ibid.

[18]Azerbaijani MPs propose to change country’s name (« Les députés azerbaïdjanais proposent de changer le nom du pays »), Trend News Agency, 1er février 2012 (https://en.trend.az/azerbaijan/politics/1986820.html, consulté le 23 janvier 2023).

[19]Azerbaijan arrests 22 suspects in alleged Iran spy plot (« L’Azerbaïdjan arrête 22 suspects dans un complot d’espionnage présumé avec l’Iran »), BBC, 14 mars 2012 (https://www.bbc.com/news/world-europe-17368576, consulté le 23 janvier 2023).

[20] Yeghia Tashjian, South Caucasus : A battle of wills and corridors (« Caucase du Sud : une bataille de volontés et de couloirs »), The Craddle, 30 décembre 2022 (https://thecradle.co/article-view/19895, consulté le 29 janvier 2023).

[21] Israël devient le plus grand importateur de pétrole de l’Azerbaïdjan après l’Italie en 2002. Il est également à noter qu’entre 2000 et 2005 Israël est passé du dixième partenaire commercial de l’Azerbaïdjan à son cinquième (« Annuaire statistique de l’Azerbaïdjan, 2005 », Comité national de statistique de la République d’Azerbaïdjan, Bakou). Les statistiques de l’ONU montrent quant à elle que les exportations de l’Azerbaïdjan vers Israël sont passées de 2 millions de dollars à 323 millions de dollars entre 1997 et 2004.

[22] Robert Booth, Harriet Sherwood, Justin Vela, Gaza flotilla attack : Autopsies reveal intensity of Israeli military force(« Attaque de la flottille de Gaza : Les autopsies révèlent l’intensité de la force militaire israélienne »), The Guardian, 4 juin 2010 (https://www.theguardian.com/world/2010/jun/04/gaza-flotilla-attack-autopsy-results, consulté le 23 janvier 2023).

[23] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit

[24] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ?, op. cit.

[25] Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace, op. cit. Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace (« L’étreinte furtive d’Israël et de l’Azerbaïdjan »), Middle East Quarterly, été 2006, pp. 47-57.

[26]The Freedom Support Act (« Loi sur le soutien à la liberté »), Public Law 102-511, article 907, 24 octobre 1992.

[27]Le Partenariat pour la paix, site internet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50349.htm, consulté le 29 janvier 2023).