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Qu’est-ce que le Shî’isme ?, par M. A. Amir-Moezzi et C. Jambet

Qu’est-ce que le Shî’ismeest un livre incontournable pour l’étude de cette spiritualité, écrit par les deux plus grands spécialistes de cette religion, Messieurs Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet.

Le Shî’isme, une religion méconnue

Dans la région cruciale de l’Asie du sud-ouest, les Chiites demeurent une communauté méconnue en Occident. De même, leur spiritualité et leur philosophie demeurent bien souvent absentes des manuels d’islamologie, en dépit du travail salutaire d’Henry Corbin.

Qu'est-ce que le Shî'isme ? Mohammad Ali Amir-Moezzi Christian Jambet.

Connu comme la religion de l’Iran, le Chiisme est pourtant également présent en Irak, en Syrie, au Liban, en Azerbaïdjan et, dans une moindre mesure, en Afghanistan, au Pakistan et à Bahreïn.

Souvent amalgamés avec les intégristes sunnites, voire avec les partisans du wahhabisme militant (pourtant leurs opposants les plus farouches), les Chiites subissent les conséquences dévastatrices des stéréotypes véhiculés par certains courants les dépeignant comme des oppresseurs des femmes, intolérants sur le plan religieux, obscurantistes et totalitaires. La réalité est totalement différentes et nous pouvons même dire qu’elle s’avère l’exact inverse.

Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet présentent le Shî’isme

Cet ouvrage se destine à un public désireux de savoir autant qu’érudit. Il a pour vocation de rassembler et de présenter les connaissances essentielles sur le Chiisme. Il propose également une analyse des processus ayant amené une religion essentiellement ésotérique et mystique à se transformer en une théologie politique.

En refermant ce livre, le lecteur connaîtra les fondements doctrinaux du Chiisme, la lignée de ses maîtres (à commencer par le Ier Imâm Ali, le gendre du prophète Mohammad), ses sources (le Coran et les hadîth), son évolution historique et enfin sa philosophie.

Rédigé avec une finesse et une érudition avérée, cet ouvrage vise à lever le voile sur une tradition religieuse souvent mal comprise. Il offre ainsi une perspective nuancée et approfondie sur les Chiites et leur héritage théologique qui enrichira l’âme de ses lecteurs.

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HistoireSociété

Le drapeau de l’Iran : histoire et significations

Le drapeau de la République islamique d’Iran fut officiellement adopté le 29 juillet 1980 pour devenir le nouvel étendard du pays après la révolution qui vit changer ses institutions politiques.

drapeau République islamique d'Iran
Drapeau de la République islamique d’Iran (depuis 1980)

Force est de constater que le drapeau iranien regorge de symboles et de significations importantes, représentant la foi, l’histoire et le patriotisme du peuple iranien. Cette symbolique du drapeau iranien demeure totalement inconnue des Occidentaux.

Le drapeau avec le lion et le soleil, symboles de l’Iran

Le Lion et le Soleil sont des symboles nationaux de l’Iran depuis fort longtemps. Ceux-ci représenteraient un mélange des anciennes cultures de la Mésopotamie et de la Perse. Ce symbole sera utilisé sur les drapeaux iraniens à partir du XVème siècle sans interruption jusqu’en 1979.

Le soleil est un symbole profondément enraciné dans les croyances des anciens Iraniens. Durant l’époque préislamique, il symbolisait Mithra. Les Parthe arboraient également l’image du soleil, tandis que celui-ci ornait le sommet de la couronne des rois sassanides.

Drapeau de l’État impérial d’Iran (1964-1979)

Le lion est pour sa part étroitement lié à la monarchie en Iran. Les trônes et les habits des rois achéménides étaient notamment ornés de rangées de lions, de même que la couronne d’Antiochos Ier, roi de Commagène d’origine iranienne, et l’armure portée par Ardashir Ier lors de la cérémonie de l’effusion de Rostam.

Chaque dynastie iranienne interpréta ce symbole de manière différente. Il s’agissait à l’origine d’un simple signe astrologique et non d’un symbole gouvernemental. Sous la dynastie safavide, ce symbole fut interprété de manière à la fois chiite et iranienne. À partir du règne d’Agha Mohammad Khân Zâdeh Qadjar, en parallèle avec les changements intellectuels et sociaux de cette période, l’interprétation chiite de ce symbole perdit progressivement de son importance.

Les couleurs du drapeau iranien

Le drapeau iranien se compose de trois bandes horizontales. La bande supérieure est de couleur verte, symbolisant l’Islam. La bande du milieu est blanche, représentant la paix. Enfin, la bande inférieure est rouge, symbolisant le courage.

drapeau Iran Gouvernement provisoire 1979-1980
Drapeau du Gouvernement provisoire d’Iran (1979-1980)

Ces couleurs seront celles du Gouvernement provisoire en fonction de février 1979 jusqu’à l’élection du premier président de la République islamique d’Iran en février 1980.

La République islamique va conserver ce modèle pour son drapeau, en lui ajoutant toutefois certaines modifications. Notamment l’inscription الله اکبر (« Dieu est le plus grand »), écrite en coufique onze fois sur chaque bande. Cette répétition symbolise la date du 22 bahman, soit le 11 février, jour de la victoire de la Révolution iranienne.

La tulipe, symbole de l’Iran

Au centre du drapeau se trouve un emblème créé par Hamid Nadimi (حمید ندیمی) et approuvé par l’ayatollah Khomeyni le 9 mai 1980.

tulipe République islamique d'Iran

Il représente au premier abord le mot الله (« Dieu »), stylisé sous la forme d’une tulipe rouge. Dans la mythologie iranienne, cette fleur pousse sur la tombe des combattant morts en défendant l’Iran et symbolise ainsi le martyre.

Toutefois, cette tulipe s’avère une composition artistiquement stylisée comprenant plusieurs symboles. Elle représente également l’expression islamique لا اله الا الله (« Il n’y a de dieu que Dieu »), dénommée توحید (tawhid) et affirmant le caractère monothéiste de l’Islam.

tulipe symbole République islamique Iran

Les quatre croissants sont lus de droite à gauche, chacun représentant une lettre. Le premier croissant est la lettre alif, le deuxième le premier lam et les troisième et quatrième croissants forment ensemble le heh. Une ligne verticale indique le second lam mais représente aussi une épée. Au-dessus de celle-ci, un tashdid est présent (cette marque diacritique ressemblant à un w indique une gémination).

Les quatre croissants et l’épée présents dans l’emblème font référence aux cinq principes de la religion chiite. L’épée, pilier central de ce symbole, représente également la résilience et l’endurance. La symétrie parfaite de cette forme symbolise aussi l’existence d’un équilibre dans l’univers.

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Le guide touristique idéal pour découvrir l’Iran

Iran – De la Perse ancienne à l’Etat moderne est un guide touristique idéal pour découvrir l’Iran. Helen Loveday et Frédéric Garouste signent un livre richement illustré par les photographies de Jacqueline Mirsadeghi. Preuve de son succès, ce livre publié en 2019 par l’éditeur suisse Olizane en est déjà à sa dixième édition !

Iran - De la Perse ancienne à l'Etat moderne un guide touristique pour découvrir l'Iran
Couverture de la 10ème édition

Au carrefour entre l’Asie et l’Europe méditerranéenne se situe l’Iran, un pays doté d’un riche héritage archéologique et culturel. Sur une période de plus de cinq millénaires, l’Iran fut le théâtre de rencontres entre diverses civilisations et cultures. Devenu le centre du premier grand empire mondial sous Cyrus, la Perse sera successivement envahie par les Grecs, les Arabes, les Mongols et les Turcs. Malgré ces influences étrangères, l’Iran a su préserver sa langue, son identité et son originalité. Les Iraniens surent assimiler à chaque fois les envahisseurs tout en leur apportant une richesse philosophique, artistique, scientifique et religieuse d’une qualité inégalée.

Cependant, l’Iran ne se limite pas à son passé glorieux. Après une révolution et une décennie de guerre, cette république islamique chiite est désormais considérée comme l’une des grandes puissances régionales. Ce guide touristique sur l’Iran offre aux voyageurs une approche des complexités culturelles et historiques de l’Iran. Mais également une meilleure compréhension de ses développements récents. En plus des informations pratiques pour la préparation du voyage et des multiples plans de sites et de villes, les lecteurs pourront découvrir des extraits littéraires et des textes approfondis sur des sujets spécifiques comme l’architecture, la calligraphie islamique ou la poésie iranienne.

Découvrir l’Iran, sa culture et sa beauté, à l’occasion d’un voyage touristique

Ne manquez pas l’occasion de découvrir la beauté de l’Iran, sa population accueillante et ses espaces naturels fascinants. Le pays dispose d’une histoire glorieuse de plus de 7000 ans. Pas moins de 17 sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO en attestent de manière spectaculaire. Cependant, au-delà de la majesté de ses paysages grandioses et de la richesse de son patrimoine architectural, artistique et culturel, vous découvrirez facilement la chaleur et l’hospitalité de ses habitants. Les portes et les cœurs de ces derniers s’ouvriront sans difficulté à vous.

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Iran le mensonge, par Gilles Lanneau

Iran, le mensonge, écrit par Monsieur Gilles Lanneau, est un livre rare. Paru en avril 2010 chez Diffusion international Édition, dans sa collection Vérité, ce livre est censuré en France. Et l’on comprend très rapidement pourquoi son travail salutaire dérange tant : sa recherche factuelle et scientifique brise la propagande et la manipulation contre l’Iran.

Iran, le mensonge - Gilles Lanneau

Qui plus est, ce livre s’accompagne d’un cédérom sur lequel figure un film documentaire. Car Monsieur Lanneau, honnête et professionnel, joint les preuves vidéographiques à ses écrits. Ce film documentaire fut à plusieurs reprises censuré par la plateforme YouTube.

Iran, le mensonge

« J’ai écrit ce livre dans l’urgence. Quelques minutes avant l’irréparable. En ce temps où notre monde bascule à toute allure dans un gouffre de non-sens, d’absurdité, où le mal se prend pour le bien et fait porter à celui-ci ses propres tares, j’ose élever une petite voix à contresens. Au tribunal de ce monde aux valeurs inversées, je plaide la cause de l’Axe du Mal, et accuse l’Axe du Bien.

Un pavé dans la mare bien pensante des médias.

Salutaire ! Qu’il s’agisse du nucléaire, de la condition féminine, du sort des minorités, de l’économie… A chaque fois nous sautent au visage le mensonge et l’injustice. Tous les moyens sont bons pour qu’apparaisse un Iran néfaste et diabolique contre lequel une guerre serait la seule issue possible. Le point d’orgue étant le commentaire honteux des dernières élections et de la tentative de coup d’état qui s’en suivit. Le lecteur jugera d’après les contre-enquêtes, les témoignages et les chiffres apportés dans ce livre. Il constatera ce qu’il en est réellement de la politique iranienne. De sa vision socialisante et participative. De son engagement auprès d’autres pays non-alignés afin de faire de l’homme un but, et non une machine à produire.

Puisse ce livre apporter quelques lumières de vérité dans un procès truqué d’avance. Et servir la cause de la Paix. »

Quatrième de couverture

C’est d’ailleurs « à la Vérité » que Monsieur Gilles Lanneau dédie son livre. La liste des remerciements énumère de nombreuses Iraniennes et de nombreux Iraniens. On saisit immédiatement que Monsieur Lanneau n’est pas un touriste mais bien un voyageur en quête de sens et d’humanité, assoiffé de vérité et de réalité. C’est un homme de terrain, objectif et engagé dans la défense de la vérité. Un homme qui refuse les mensonges et le prêt-à-penser. Son livre est une nécessité, autant que le témoignage qu’il existe encore des chercheurs impartiaux et justes, motivés par le savoir et la connaissance.

« Je livre dans cet ouvrage le fruit de mes rencontres, de mes contacts, mes ressentis dans ce pays haï des Grands. De ceux qui se croient grands. »

Avant-propos, p. 11.

Nous sommes heureux de pouvoir partager avec nos lecteurs ce film documentaire.

Gilles Lanneau, auteur de Iran, le mensonge

Gilles Lanneau est né le 2 février 1949 à Reims. Il exerce la profession de paysagiste, puis crée une structure d’accueil axée sur le bio et l’éthique de vie. En parallèle, il voyage en Iran, en Inde et au Pakistan dans le cadre de recherches sur la naissance des grands mythes fondateurs de la culture indo-européenne et sur la survivance dans ces régions reculées de traditions s’y rapportant.

Gilles Lanneau

Il est également l’auteur de Trente oiseaux face au soleil (Les 3 Orangers, 2005), Racine, un voyage vers l’Infini (Les 3 Orangers, 2009) et Mehr. Ce Dieu qui ressemblait au Christ (Les Deux Océans, 2017).

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Histoire

Le vol Iran Air 655, un avion civil iranien abattu par les États-Unis

Le 3 juillet 1988, le bâtiment de la marine étasunienne USS Vincennes abattait le vol civil Iran Air 655 dans le golfe Persique. Les 290 personnes présentes à bord, dont 66 enfants, furent tuées.

vol Iran Air 655 timbre commémoration
Timbre iranien émis le 11 août 1988.

Le vol Iran Air 655 du 3 juillet 1988

Alors que l’Iran fait face à huit années de guerre consécutives imposées par l’Irak, les États-Unis ne manquent pas de mener des hostilités contre l’Iran (cf. Comprendre les Gardiens de la Révolution islamique pour la liste détaillée).

Parti de Téhéran, le vol commercial Irân Air 655 assurait ce dimanche 3 juillet 1988 la liaison avec Dubaï via une escale à Bandar Abbas. Alors qu’il survole le détroit d’Hormuz, la frégate américaine USS Vincennes tire plusieurs missiles sur l’aéronef.

Source : 36e anniversaire de l’attaque meurtrière des États-Unis contre un avion de ligne iranien (presstv.ir) Mise à jour du 3 juillet 2024.

Au total, 290 personnes trouvent la mort. 254 Iraniens (dont 16 membres d’équipage), 13 Émiratis, 10 Hindous, 6 Pakistanais, 6 Yougoslaves et 1 Italien. Parmi les victimes figurent 66 enfants.

La récupération des corps et des débris nécessitera 80 plongeurs, quatre navires et quatre hélicoptères travaillant sans interruption pendant 52 jours. Cette opération s’avéra particulièrement compliquée en raison des températures avoisinant les 50°C. La récupération des corps fut elle aussi une opération fort complexe. En effet, du fait de leur immersion prolongée, les morceaux devenus enflés ne rentraient guère dans les cercueils et les plongeurs furent alors contraints d’utiliser des civières en filet pour les remonter. Seuls 178 corps sur les 290 purent finalement être retrouvés.

Une enquête édifiante démontre la responsabilité des États-Unis

Le rapport d’enquête publié par la marine étasunienne s’avère incomplet. En effet, celui-ci ne présente aucune carte renseignant la position de l’USS Vincennes. De plus, le vol étant civil, celui-ci n’avait aucun accès aux fréquences d’urgences militaires qu’utiliseront sept fois les Américains pour le contacter.

Enfin, ce rapport ne mentionne aucunement le code transpondeur et le couloir aérien emprunté qui aurait permis l’identification de l’appareil. En dépit d’un retard de 27 minutes sur son horaire prévu de décollage, l’Airbus A300B2 iranien figurait sur la liste des vols civils remise à l’US Navy.

En 1990, le lieutenant-colonel Roger Charles parvient à récupérer auprès de l’OIAC (Organisation Internationale de l’Aviation Civile) une copie complète du rapport d’enquête. Il s’avère que le commandant de la frégate a désobéi à un ordre direct de sa hiérarchie en poursuivant des vedettes iraniennes. Il viola ainsi délibérément l’espace aérien iranien en s’enfonçant de presque cinq kilomètres dans les eaux territoriales iraniennes, plaçant ainsi son bâtiment sur la trajectoire de l’avion.

Le déni américain

Bien entendu, les États-Unis nièrent leur responsabilité dans cette attaque volontaire à l’encontre de la population iranienne. Le président Ronald Reagan exprima ses « regrets » lorsque son vice-président George Bush déclare le 2 août 1988 lors d’un discours de campagne :

« Je ne présenterai jamais d’excuses au nom des États-Unis — Que m’importe les faits… Je ne suis pas de ces gens qui présentent des excuses au nom des États-Unis. »

Plus consternant encore, les États-Unis vont même récompenser les meurtriers. Le commandant reçut la Legion of Merit en 1990 pour son commandement de l’USS Vincennes. La « Légion du Mérite » récompense une « conduite exceptionnelle en période de guerre ». L’éloge du commandant ne mentionnera pas la destruction de l’avion civil iranien.

Le coordinateur de guerre aérienne, responsable du tir en affirmant que l’avion piquait sur le croiseur alors qu’il était en montée, reçut la Commendation Medal. La « Médaille de mention élogieuse » est décernée pour « actes d’héroïsme et services méritoires rendus ».

Enfin, l’ensemble de l’équipage recevra pour sa part la Combat Action Ribbon au nom de leur mission en zone de combat. Le « Ruban d’action au combat » récompense les marins de l’US Navypour leur « participation active à un combat en zone hostile en présence du feu ennemi ».

Des documents déclassifiés publiés en juillet 2022 révèlent comment le Royaume-Uni offrit son soutien immédiat aux États-Unis et les aida à dissimuler les faits :

« Washington a prétendu que la marine américaine avait agi en état de légitime défense, mais ce n’était pas vrai. L’avion n’avait pas, comme l’a affirmé le Pentagone, « quitté la route aérienne commerciale prescrite », ni « descendu » vers l’USS Vincennes à « grande vitesse ». […]

En particulier, Powell a rappelé qu’après que les États-Unis eurent abattu le vol 655, le secrétaire privé de Thatcher pour les affaires étrangères, Charles Powell, « avait immédiatement appelé de Downing Street pour demander ce que les Américains voulaient que le gouvernement britannique dise ». »

John McEvoy, Britan ‘immediately’ supported U.S. over shooting down of Iranian Airliner (« La Grande-Bretagne à « immédiatement » soutenu les États-Unis pour avoir abattu un avion de ligne iranien »), Declassified UK, 20 juillet 2022 (https://www.declassifieduk.org/britain-immediately-supported-us-over-shooting-down-of-iranian-airliner/).

La difficile justice pour les victimes du vol Iran Air 655

Les journalistes français Serge Halimi et Pierre Rimbert notent l’attitude de la presse américaine devant cette catastrophe. D’ordinaires si prompts à se martyriser, les États-Unis ne présentent aucune compassion et aucun respect lorsqu’il s’agit de peuples étrangers :

« Au cours des deux semaines suivant l’accident, la destruction du vol KAL 007 fait l’objet d’une couverture deux à trois fois plus importante que celle du vol Iran Air : 51 pages dans Time et Newsweek dans un cas, 20 dans l’autre ; 286 articles, contre 102, dans le New York Times. Après l’attaque soviétique, les couvertures des magazines américains rivalisent d’indignation : « Meurtre aérien. Un guet-apens impitoyable » (Newsweek, 13 septembre 1983) ; « Tirer pour tuer. Atrocité dans le ciel. Les Soviétiques descendent un avion civil » (Time, 13 septembre 1983) ; « Pourquoi Moscou l’a fait » (Newsweek, 19 septembre 1983). Mais, sitôt que le missile fatal porte la bannière étoilée, changement de ton : il n’est plus question d’atrocités et encore moins d’intentionnalité. Le registre bascule de l’actif au passif, comme si le massacre n’avait pas d’auteur : « Pourquoi c’est arrivé », titre Newsweek (18 juillet 1988). Time préfère même réserver sa couverture aux voyages spatiaux sur Mars et reléguer le drame aérien en pages intérieures, avec le titre : « Ce qui a mal tourné dans le Golfe ». Les qualificatifs les plus courants dans les articles du Washington Post et du New York Timessont, dans un cas, « brutal », « barbare », « délibéré », « criminel » et, dans l’autre, « par erreur », « tragique », « fatal », « compréhensible », « justifié ». Même le regard porté sur les victimes s’embue ou se durcit en fonction de l’identité de leur meurtrier. Doit-on préciser à ce stade à qui les journalistes américains réservent les termes « êtres humains innocents », « histoires personnelles poignantes », « personnes aimées » et ceux, plus sobres, de « passagers », « voyageurs » ou « personnes qui sont mortes » ? »

Serge Halimi et Pierre Rimbert, Si tu veux la guerre, prépare la guerre, Le Monde diplomatique, août 2019 (https://www.monde-diplomatique.fr/2019/08/HALIMI/60159).
Couvertures des 13 septembre 1983 et 18 juillet 1988 du magazine Newsweek.

L’Iran portera l’affaire devant la Cour internationale de justice en 1996 et les États-Unis accepteront de verser 131,8 millions de dollars de dédommagement. Cependant, les États-Unis n’ont jamais présenté d’excuses et continuent de nier leurs responsabilités.

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Histoire

L’Empire des Safavides ou la Renaissance en Iran

L’Empire des Safavides naît en 1501 lorsque Chah Ismaïl choisit Tabriz comme sa capitale. Il y sera couronné premier chah de la dynastie safavide.

drapeau empire safavide Iran
Drapeau des Safavides avec l’emblème du lion et du soleil

L’empire des Safavides aura la particularité de déclarer le Chiisme duodécimain comme religion d’État. Cela peut sembler surprenant, étant donné que la nouvelle dynastie est issue de confréries soufies turques d’Asie centrale, appartenant donc au monde sunnite. Plusieurs hypothèses furent proposées pour expliquer cet événement. Certains y voient une tentative d’établir un équilibre religieux face au sunnisme qui prévaut alors dans le monde islamique et dont les Ottomans font la promotion. D’autres ont supposé que les nouveaux dirigeants, grâce au Chiisme, cherchaient à unifier religieusement l’empire qu’ils venaient de fonder pour renforcer sa cohésion et contribuer ainsi à son unité.

carte empire des Safavides Iran

En Iran, bien que les Chiites fussent nombreux depuis longtemps, une grande partie de la population restait sunnite. Les Safavides n’hésitèrent guère à faire appel à des missionnaires venus des anciennes terres chiites d’Irak ou de Bahrein. En dépit de ces efforts, des minorités sunnites turkmène, kurde, baloutche ou arabe se maintinrent en périphérie de l’empire. Bien que la conversion au Chiisme ne fût totale, l’adhésion de la majorité de la population initia un processus d’identification entre le Chiisme et l’iranité qui s’était développé sous différentes formes depuis deux millénaires.

Chronologie de l’Empire safavide

1503 :Ismaïl, devenu le dirigeant des Safavides, remporte une victoire décisive contre Murad des Akkonyulu, lui assurant ainsi le contrôle de l’Iran central et méridional.

1508 : Chah Ismaïl conquiert Bagdad et s’empare du Fars. Après avoir remporté une victoire contre les Ouzbeks en 1510, il annexe le Khorassan et devient le souverain de tout l’Iran.

1510 : Chah Ismaïl s’empare de la ville afghane d’Hérat et introduit le Chiisme dans l’ouest de l’Afghanistan.

1512 : Chah Ismaïl conclut une trêve pour mettre fin aux hostilités des Ouzbeks vainqueurs à Mashhad.

1514 : L’armée des Ottomans dirigée par le sultan Sélim Ier remporte la bataille de Tchaldiran contre les Iraniens sous Chah Ismaïl, les privant ainsi de leur contrôle sur la Mésopotamie. Les Ottomans occupent ensuite Tabriz, puis le Kurdistan. En conséquence, l’Iran chiite se retrouve pris en étau entre les menaces sunnites ottomane à l’ouest et ouzbèke à l’est.

1517 : Le sultan ottoman Sélim Ier entre en vainqueur au Caire après avoir vaincu les Mamelouks.

La succession de Chah Ismaïl

1524 : Après la mort de Chah Ismaïl, son fils Tahmasp lui succède, bien qu’il ne soit âgé que de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 1533 qu’il exerce réellement le pouvoir. Cette période de dix ans est caractérisée par les luttes qui se déroulent entre les différents clans Kizilbash (« Têtes rouges »).

1526 : Babûr crée l’Empire moghol, qui englobe Kaboul et l’est de l’Afghanistan. En parallèle, les Iraniens contrôlent Hérat et le Sistan, tout en rivalisant avec les Moghols pour le contrôle de Kandahar. De leur côté, les Ouzbeks occupent le nord de l’Afghanistan, situé au-delà de la chaîne montagneuse de l’Hindou Kouch.

1534 : Les Ottomans conquièrent l’Irak et s’emparent de Bagdad. Thamasp déplace sa capitale de Tabriz à Ghazvin et réprime les rébellions fomentées par ses frères.

De 1548 à 1549 : Les Ottomans lancent une campagne militaire contre l’Iran, aboutissant à l’occupation de l’Azerbaïdjan et à la prise de Van.

1555 : Un traité de paix appelé « paix d’Amasya » est signé entre les Ottomans et les Safavides. Elle restera en vigueur pendant près d’un quart de siècle.

1558 :Tahmasp prend le contrôle de Kandahar, qui reste sous le contrôle de l’Iran pendant environ quarante ans. La ville sera ensuite disputée entre les Moghols jusqu’en 1637, lorsque le Grand Moghol Chah Djahan la reprend. Cependant, en 1648, le Safavide Abbas II s’en empare de nouveau.

Milieu du XVIème siècle : Les arts iraniens, tels que la peinture, l’enluminure, la céramique, les textiles et les tapis, connaissent une renaissance. Dans les décennies suivantes, la culture iranienne exercera une influence considérable sur la civilisation moghole en Inde. C’est également la période d’excellence de la pensée spirituelle avec l’École d’Ispahan.

1576 : Mort de Thamasp.

De 1578 à 1588 : Règne de Mohammad Chah.

Guerre d’empire entre les Ottomans et les Safavides

1578 :Expédition ottomane contre l’Iran et prise de Tiflis.

1585 : Les Ottomans occupent Tabriz et annexent l’Azerbaïdjan.

1587 : Mort du célèbre poète Muhtacham de. Il est connu pour ses œuvres qui honorent Ali et les martyrs du Chiisme.

De 1588 à 1629 : Règne de Chah Abbas Ier, correspondant à l’apogée de la dynastie safavide. Sur le plan économique, l’Iran profite des richesses provenant du grand commerce caravanier reliant l’Inde et la Chine à l’Orient arabe et turc.

1589 :Création d’une armée permanente. De nombreuses terres deviennent propriétés de la Couronne.

1590 :Une nouvelle paix est instaurée entre l’Empire ottoman et l’Iran. Cependant, celle-ci s’avère plus favorable aux Turcs.

1598 : Les Iraniens remportent une victoire contre les Ouzbeks et reprennent le contrôle de Hérat. En conséquence, la capitale iranienne est déplacée de Qazvin à Ispahan, où un vaste programme de travaux publics est lancé.

L’empire des Safavides au XVIIème siècle

1603 :Les Iraniens et les Ottomans reprennent leur conflit. Les Safavides parviennent à prendre le contrôle de Tabriz. La même année marque également le début de la construction à Ispahan de la mosquée du Sheikh Lotfollah.

1607 : Ispahan voit l’arrivée des ambassadeurs espagnol, portugais et anglais. En parallèle, des ordres religieux européens fondent des couvents dans la ville.

1612 : Une nouvelle période de paix est établie entre les Ottomans et les Iraniens.

Iran safavide par rapport aux frontières actuelles
Comparatif de l’étendue de l’Iran safavide par rapport aux frontières actuelles

1612 :Début de la construction de la mosquée royale d’Ispahan.

De 1615 à 1618 : Une nouvelle guerre éclate au cours de laquelle la ville d’Erevan résiste aux Ottomans.

1620 : Construction du Grand Bazar d’Ispahan.

1624 : Les Iraniens occupent l’Irak et s’emparent de Bagdad. Ils perdront ces territoires en 1638.

De 1629 à 1642 :Règne de Safi Ier.

1639 : La paix de Qasr-é Shirin est signée entre les Turcs et les Iraniens. Selon les termes de l’accord, l’Irak et Tabriz restent sous la domination du sultan ottoman, tandis qu’Erevan et une partie du Caucase reviennent aux Iraniens.

De 1642 à 1666 : Règne de Chah Abbas II.

Entre 1666 et 1694 : Règne de Shah Soleyman. La corruption affecte l’État et les intrigues du harem influence le gouvernement, tandis que l’armée perd en puissance.

L’empire des Safavides au XVIIIème siècle

De 1694 à 1722 : Règne de Sultan Hossein.

1706 : La madrasa Madar-é Shah et le caravansérail adjacent sont construits à Ispahan.

L’invasion afghane de l’Iran

1709 : Les Afghans de la tribu Ghalzay s’emparent de Kandahar, une ville détenue par les Safavides depuis 1648, tandis que les Afghans de la tribu Abdâli ravagent le Khorassan.

1716 : Les Afghans de la tribu Abdâli s’emparent de la ville de Hérat et de ses environs, conséquemment séparés de l’Iran.

1719 :Mahmoud, un Afghan de la tribu Ghalzay, prend le contrôle de la région de Kerman.

Entre 1722 et 1729 : Les Afghans occupe Ispahan.

1723 : Chah Tahmasp II se proclame souverain à Qazvin.

De 1723 à 1727 : Une nouvelle guerre éclate entre les Turcs et les Iraniens, lancée par les premiers. Le traité de paix de Hamadan consacre la victoire des Ottomans, entraînant pour les Iraniens la perte de territoires en Iran occidental et dans le Caucase méridional. Le souverain afghan Achraf est contraint de reconnaître la domination ottomane sur l’ouest et le nord de l’Iran.

Les Safavides rétablissent leur empire

1729 : Nadir Khan, un chef afchâr, expulse les Afghans d’Ispahan et rétablit la monarchie safavide avec Tahmasp II.

De 1731 à 1737 : Une guerre entre la Turquie et l’Iran aboutit à l’établissement de la rivière Araxe en tant que frontière entre les deux États dans le sud du Caucase.

1732 : Tahmasp II est déposé de son trône et Abbas II accède au pouvoir, avec Nadir Khan comme régent.

1733 : Victoire iranienne sur les Ottomans.

1736 : Après la déposition de Abbas II, Nâder Khân devient le nouveau roi et change son nom en Nâder Shâh, fondant ainsi la dynastie des Afchâr. Sous son règne, qui dure de 1736 à 1747, l’Iran connaît une restauration de sa puissance et de son prestige. Cependant, cette progression s’accompagne d’une forte pression fiscale, d’un appauvrissement du pays et d’une décadence de l’administration.

1738 : Les Iraniens prennent Kandahar, Ghazni et Peshawar.

1739 : La capitale iranienne est déplacée d’Ispahan à Machhad. La même année, Nâder Shâh remporte une victoire contre l’armée moghole, pénètre à Delhi et annexe tous les territoires à l’ouest de l’Indus. Ensuite, il envahit le Turkestan et le Khwarezm, mais échoue dans sa campagne de 1741 au Daghestan.

1746 : Nouvelle paix entre les Ottomans et les Safavides, marquée par le retour aux frontières de 1639.

La fin des Safavides

Deuxième quart du XVIIIème siècle : À Ispahan, une nouvelle école poétique émerge, marquée par un retour aux formes littéraires traditionnelles, avec des figures telles que Muchtâk. À Chiraz, c’est Chu’la (mort en 1747) qui représente cette tendance. En 1766 disparaît Ali Hazîn, l’auteur du Tadkhirat al-Ahwâl, une description de l’Iran au début du XVIIIème siècle.

1747 : Après l’assassinat de Nâder Shâh par des officiers, le pays sombre dans l’anarchie et la guerre civile. Les Zand prennent le contrôle de la partie sud du pays. Les Afghans Abdâli proclament Ahmed Durani souverain d’Afghanistan, avec Kandahar comme capitale, et étendent leur autorité sur Ghazni, Kaboul et Peshawar.

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L’Iran au Moyen-Âge

Le Moyen-Âge en Iran correspond à la période comprise entre l’islamisation du pays et l’avènement de l’Empire safavide, marquant par là son passage dans la Renaissance. Désormais, l’histoire de l’Iran médiéval sera pour plusieurs siècles étroitement liée à celle du monde islamique.

Iran médiéval Moyen-Âge
L’Iran au Moyen-Âge

Le début du Moyen-Âge en Iran : le califat omeyade

660 : Suite à l’arbitrage d’Adhroh, l’omeyade Mo’awiya devient calife. Il est reconnu en Syrie, en Palestine, en Égypte et au Hedjaz, tandis qu’Ali, le gendre du Prophète, est reconnu en Irak et en Iran.

661 :Ali est assassiné à Kufa par un kharidjite s’opposant à son désir de compromis avec les Omeyyades après la bataille indécise de Siffin survenue en 657. Cette tragédie divise la communauté musulmane en sunnites, favorables à Mo’awiya, chiites, partisans d’Ali et de sa descendance, et kharidjites, qui rejettent les deux autres factions. Au début, Hassan et Hossein, les fils d’Ali, acceptent de reconnaître Mo’awiya. Celui-ci se garde bien de revendiquer une autorité religieuse et gouverne en tant que chef tribal soutenu par l’armée de Syrie. Cependant, dès 671, Ali est publiquement maudit et ses partisans exécutés. En 678, Mo’awiya insiste pour que son fils aîné Yazid lui succède, ravivant ainsi les tensions entre les Omeyyades et les Chiites menés par Hossein.

665 : Ziyad ben Abou Sufyan devient gouverneur de Bassorah et des régions iraniennes. Cinquante mille familles arabes colonisent la province du Khorassan, à l’est de l’Iran.

10 octobre 680 :Martyre du IIIème Imâm chiite Hossein à Karbala, en Irak.

Début du VIIIème siècle : Émergence au sein des communautés musulmanes, en particulier chez les chiites, d’une eschatologie basée sur les notions de ghayba (« occultation ») et de radj’a (« retour ») du Mahdi.

Sous la domination arabe

Entre 706 et 715 : À partir de l’oasis de Merv, Qutayba ben Muslim conquiert la Transoxiane. Samarcande et le Khwarezm tombent sous son contrôle en 712, suivis par le Ferghana en 714.

710 : L’expansion arabo-musulmane s’étend jusqu’au delta de l’Indus à l’est.

716 : Le mouvement abbasside (da’wa) est créé pour soutenir les descendants de la famille du Prophète.

716 : Les Parsis (zoroastriens) émigrent de l’Iran vers le Gudjurat, une région située au nord de l’Inde.

733 : La révolte des Arabes du Khorassan est encouragée par la limitation du nombre de soldats pensionnés imposée par le califat.

736 : La da’wa s’établit dans la région du Khorassan, à l’est du plateau iranien, sous laquelle les chiites se rapprochent des Abbassides et les soutiennent dans leur lutte contre le califat omeyyade.

745 : Abou Muslim prend le commandement militaire de la dissidence formée au Khorassan.

747 : Ibrahim, dont le nom est associé à la propagation de la da’wa, est arrêté et meurt dans les geôles omeyyades. Le 9 juin, la révolte éclate au Khorassan au nom de « l’imam attendu ».

La naissance du califat abbasside

749 : La ville de Kufa est prise et Abdul Abbas est proclamé calife.

750 : Lors de la Bataille du Grand Zab, les Omeyyades subissent une défaite qui entraîne la mort de Marwan II. Cela mène au massacre de la lignée omeyyade.

751 : Les musulmans remportent une victoire sur les Chinois lors de la bataille de Talas, au cœur de l’Asie centrale.

755 : Abou Muslim est exécuté, rompant de fait l’alliance entre Abbassides et chiites. Les anciens partisans des Omeyyades reçoivent le pardon et un régime similaire à celui des Marwanides est réinstauré. En réaction, une révolte éclate au Khorassan au nom d’Abou Muslim, considéré comme « occulté ».

762 : Fondation de la ville de Bagdad. Elle devient le nouveau centre d’importance du monde musulman. Sous la dynastie abbasside, l’appareil d’État sassanide, en particulier sur le plan fiscal, va se reconstituer. Bien que les musulmans aient pris le dessus, cela ne signifie pas pour autant la disparition de l’identité iranienne proprement dite, ni le maintien d’un sentiment nationaliste qui se traduit également par un sentiment de supériorité envers les Arabes qualifiés de « mangeurs de lézards ». Une phrase attribuée à un noble iranien synthétise ce sentiment après la conquête arabo-musulmane : « Si vous cherchez le gouverneur qui a richesses, serviteurs, suite, majesté, gloire et belle vie, c’est l’Arabe Duwaï, dans la ville d’Amol. Mais si vous cherchez celui qui, jour et nuit, est avec ses faucons, ses guépards et ses chiens, alors c’est moi. ».

L’affirmation de l’identité iranienne

Un processus d’iranisation se développe rapidement parmi les conquérants sémites venus de l’ouest. Les Abbassides recrutent une grande partie de leurs forces en Iran, plus précisément dans le nord-est, au Khorassan. C’est également de cette région que provient leur personnel administratif et que la civilisation musulmane connaîtra certains de ses plus grands succès. Les anciennes élites iraniennes choisissent naturellement de s’intégrer à cette nouvelle civilisation en formation tout en conservant leur identité distincte. La proximité de Bagdad, considérée comme l’héritière de Ctésiphon, facilite cette fusion. Ainsi, ce sont les Tahirides du Khorassan, qui transfèrent leur capitale de Merv à Nichapour, qui dirigent les troupes du calife abbasside de Bagdad.

Il est également remarquable que les émirs locaux s’imposant à Sistan et à Boukhara, avec les dynasties saffaride et samanide, inventent une généalogie sassanide pour justifier leur pouvoir. Finalement, les émirs bouyides qui prennent le contrôle du calife de Bagdad revendiquent le titre de « roi des rois », renouant ainsi avec le passé sassanide.

L’Iran au Moyen-Âge : les VIIIème et IXème siècles

De 786 à 809 : Califat d’Haroun al-Rachid à Bagdad.

Début du IXème siècle : Montée en puissance du mouvement littéraire appelé « chu’ûbiyya » parmi les intellectuels d’origine iranienne.

De 809 à 813 : Le gouverneur du Khorassan, Ma’mûn, se révolte.

Entre 839 et 840 :Révolte du prince iranien Mazyar.

844 : En Iran, le calife abbasside ne détient plus qu’une autorité symbolique. C’est désormais les Tahirides qui exercent le pouvoir dans la région après avoir reçu ce territoire de la part du calife abbasside à partir de 820.

836 : Fondation de Samarra, la nouvelle capitale abbasside.

864 : Un premier émirat chiite se forme sur la côte de la mer Caspienne.

873 : Yakub al-Saffar renverse le gouvernement des Tahirides et prend le contrôle de Nichapour. À partir de 876, l’Iran est confié à son frère Amr, placé sous l’autorité des Saffarides, qui dirigent un émirat dissident affirmant l’identité iranienne. Cependant, le calife al Mu’tadid réussira à vaincre les Saffarides en 892.

Cette même année, la disparition du XIIème Imam chiite marque le début de la « petite occultation ». Après la mort de l’Imam Dja’far al-Sadiq en 765, la dissidence chiite a donné naissance à une division entre l’ismaélisme, le zaydisme et l’imamisme. Ainsi, les chiites sont maintenant divisés en septimains (ismaéliens), qui restent fidèles à la mémoire du septième Imam, et en duodécimains, qui attendent le retour du XIIème Imam.

Vers 885 :Les Samanides commencent à établir leur indépendance à Nichapour.

892 : Les Abbassides sont de retour à Bagdad. Il connaîtront alors leur apogée.

L’Iran au Moyen-Âge : le Xème siècle

Au cours du Xème siècle, l’État abbasside traverse une crise. Pendant la seconde moitié de ce siècle, il tombe sous l’influence des Bouyides, qui détiennent réellement le pouvoir.

Entre 904 et 954 : Nichapour, la capitale des Samanides, atteint son apogée.

Au cours de la première moitié de ce siècle, la langue néo-persane atteint son apogée en intégrant une forte composante lexicographique arabe et en soumettant la poésie à la prosodie arabe.

De 930 à 935 : La révolte de Mardâwidj en Iran conduit au rétablissement du trône d’or et du titre de « roi des rois ».

940 :À la mort du quatrième représentant de l’Imâm caché des Chiites duodécimains, aucun successeur n’est désigné. Ainsi débute la « Grande Occultation ».

963 :Les Bouyides introduisent les festivités chiite d’Achoura et soutiennent par la suite régulièrement la communauté chiite.

Une période de changements

Fin du Xème siècle : La poésie iranienne commence à retrouver son éclat, notamment avec l’émergence de Daqîqî à la cour des Samanides.

De 977 à 997 : Sous le règne des Samanides, Sabüktekin gouverne Ghazni en Afghanistan et mène régulièrement des raids contre l’Inde. Ainsi débute l’histoire de la dynastie ghaznévide qui perdurera de 962 à 1186.

980 : Adud al-Dawla, de la dynastie Bouyide, entreprend la restauration des formes sassanides du pouvoir, incluant le titre de « roi des rois », le port du diadème traditionnel et l’utilisation des inscriptions pehlvies. Cela confère à la royauté une apparence iranienne, tandis que la dimension prophétique et religieuse reste du ressort du calife.

Entre 980 et 1037 : le médecin originaire du Khorassan Abou Ali Hossein ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne, écrit le Qânûn, une vaste encyclopédie médicale.

992 : Des émirs turcs islamisés occupent Boukhara, ce qui entraîne le remplacement des Samanides par les Qarakhanides en Asie centrale. Au cours du Xème siècle, les Samanides maintinrent des relations commerciales étroites avec la Chine et l’Inde, ainsi qu’avec les Scandinaves qui leur fournissaient des fourrures et des esclaves. En témoigne l’abondance des dirhams samanides découverts dans les trésors monétaires du cours supérieur de la Volga et des côtes baltiques.

999 :Le calife de Bagdad accorde sa reconnaissance aux conquêtes de Mahmûd de Ghazni, puis lui accorde son indépendance. Mahmûd fait ériger une magnifique capitale et mène de nombreux raids contre le Nord de l’Inde, qui subit régulièrement des pillages.

1004 : Le légendaire poète iranien Firdousi dédie à Mahmûd de Ghazni son œuvre légendaire intitulée Shâhnâmeh (« Le Livre des Rois »). Cette œuvre retraçant dans une langue persane minutieusement travaillée toute l’histoire de l’Iran et décrit son Imaginaire constitue l’un des chef-d’œuvre de la culture iranienne.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIème siècle

Au début du XIème siècle, des grands centres de pèlerinage s’établissent en Irak et en Iran, notamment aux tombeaux des imâms chiites, tels que Karbala, Mashhad ou Qom.

1034 : Les Turcs Oghuz, sous le commandement de Seldjouk, pénètrent en Iran après avoir traversé l’Oxus (l’Amou Daria) dès 1025.

1040 : Lors de la bataille de Dandâniqân, les Seldjoukides repoussent les Ghaznévides qui perdent le contrôle du Khorassan, se retrouvant ainsi en dehors de l’Iran.

1050 : Le calife abbasside honore le chef seldjoukide Tughril beg avec les titres de « pilier de la foi » et de sultan. En 1055, il entre victorieusement à Bagdad, éliminant les Bouyides, avant d’épouser la fille du calife en 1062. Cela marque le début du sultanat seldjoukide en association avec le califat. Sous les règnes d’Alp Arslan puis de Malik Châh, les Seldjoukides s’imposent en Asie du sud-est en remportant des victoires contre les Fatimides chiites d’Égypte et en battant les Byzantins à Mantzikert en 1071.

1060 : Le décès de Nâsir-é Khosro, célèbre poète et philosophe iranien, marque la fin de son parcours en tant que figure de l’ismaélisme septimain.

L’apparition des Seldjoukides

1078 : La création du sultanat seldjoukide de Rûm en Asie Mineure. Son nom rappelle que ces territoires firent autrefois partie de l’Empire romain.

1088 : Construction de la Grande Mosquée d’Ispahan, sous le règne de Malik Shâh.

1090 : Hasan al-Sabbah lance une révolte et s’empare de la forteresse d’Alamut dans le nord de l’Iran. En 1092, les « assassins » de la secte chiite des Nizarites, appartenant à sa faction, assassinent le grand vizir Nizam al-Molk. Ces membres seront responsables de multiples actes de terreur dans l’Orient musulman et les royaumes des Croisés, durant les XIIème et XIIIème siècles, jusqu’à ce que leur repaire soit détruit par les Mongols. Durant le XIXème siècle, ils étaient communément appelés « hashshashins ». Cette étymologie est aujourd’hui remise en question malgré sa signification supposée, liée à l’usage de la drogue pour l’exécution de leurs attentats.

De 1098 à 1099 : Les croisés occidentaux se lancent dans une incursion en Orient. Ils conquièrent successivement Édesse, Antioche et Jérusalem, où Baudouin est couronné roi en 1100.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIIème siècle

1126 : Décès d’Omar Khayyam de Nichapour. Ce disciple d’Avicenne est célèbre pour ses talents de mathématicien, de réformateur du calendrier iranien et de poète.

1153 : Le sultan seldjoukide Sandjar subit une défaite face aux Ouïghours, ce qui conduit au pillage du Khorassan.

1171 : Le fondateur de la dynastie kurde des Ayyubides, Saladin, abolit le califat fatimide en Égypte.

1187 : Saladin remporte la bataille de Hattîn contre les Croisés. Il capture ensuite Jérusalem, ce qui conduit à la troisième croisade.

1190 : Les Ghurides afghans s’emparent du Khorassan. Cette même année décède al-Anwari, poète et astrologue de la cour de Sandjar originaire du Khorassan.

1193 : À son tour, Ala al-Dîn, chef de la dynastie khwarezmienne, conquiert le Khorassan. Il expulse les Seldjoukides d’Iran l’année suivante. Les Turcs du Khwarezm envahissent le plateau iranien.

1203 : Mort du poète iranien Nizâmî (né en 1140).

Le XIIIème siècle et l’invasion mongole

1206 : Le Mongol Temudjin adopte le titre de Gengis Khan et soumet le Turkestan en 1208.

1220 :Les Mongols conquièrent Balkh et Nichapour et s’emparent de Kaboul l’année suivante.

Entre 1235 et 1239 :Les Mongols achèvent la conquête de l’Iran.

De 1242 à 1258 :Règne d’al-Musta’sim, le dernier calife abbasside de Bagdad.

1243 : Les Seljoukides de Rûm, à l’apogée de leur puissance au début du siècle, subissent une défaite écrasante face aux Mongols à Köse Dagh. Ils seront une nouvelle fois vaincus en 1256 à Aksaray.

1244 :Chams al-Dîn Tabrîzî, un mystique iranien, arrive à Konya en Anatolie. Il exercera une influence considérable sur Djalâl al-Dîn Rûmi, qui deviendra le fondateur de l’ordre des derviches mevlevis.

Sous la domination des Mongols

1256 :Hulagu établit la dynastie mongole en Iran et conquiert la forteresse d’Alamut.

1257 : Le poète Sa’di de Chiraz rédige le Bustân (« Le Jardin »), puis écrit le Golestân (« La Roseraie ») l’année suivante.

1258 : Les Mongols capturent et détruisent Bagdad. Le dernier calife abbasside de al-Musta’sim sera étranglé.

1260 : Les Mamelouks d’Égypte battent les Mongols à Ayn Djalut.

1277 : Nouvelle victoire des Mamelouks d’Égypte, commandés par Baybars, sur les Mongols à Elbistan.

1291 : L’ilkhân Arghoun et le roi de France Philippe le Bel entretiennent une correspondance concernant un projet d’attaque conjointe contre les Mamelouks égyptiens.

1294 : Marco Polo traverse l’Iran au retour de son voyage en Chine.

1295 : Ghazan Khân, fils d’Arghoun, devient ilkhân et choisit Tabriz comme capitale. Après avoir embrassé l’islam, il met en place un gouvernement basé sur les principes de cette religion. En 1299, il remporte une victoire contre les Mamelouks d’Égypte à Hims.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIVème siècle

1304 : Uldjaytu Khudâbanda (un autre fils d’Arghoun) devenu ilkhân d’Iran essaie d’officialiser le chiisme duodécimain.

1313 : Les Mongols inaugurent Sultâniyeh, leur nouvelle capitale iranienne.

De 1317 à 1335 : Règne d’Abou Saïd. Il est le premier souverain ilkhanide à porter un nom musulman.

1324 : Un résident vénitien s’installe à Tabriz.

1362 : Les Ottomans prennent la ville d’Andrinople.

1365 : Les conquêtes de Tamerlan (un turco-mongol) commencent. Il conquiert le Khorassan en 1369, puis le Khwarezm en 1378.

1380 :Tamerlan occupe Hérat. Il atteindra les rivages de la mer Caspienne en 1383.

De 1386 à 1387 : Tamerlan prend le contrôle d’Ispahan, de Chiraz et de Bagdad, puis occupe le Fars, le Louristan et l’Azerbaïdjan.

1390 : Décès du poète iranien Hâfez.

Le XVème siècle, la fin du Moyen-Âge en Iran

Entre 1400 et 1401 : Tamerlan met à sac Alep, Hama et Damas.

1402 :Tamerlan vainc et capture le sultan ottoman Bayezid Ier à Angora (anciennement Ancyre, actuellement Ankara).

1404 :Tamerlan, de retour à Samarcande, accueille le voyageur espagnol Ruy Gonzalez de Clavijo.

1405 : À la mort de Tamerlan, la tribu turcomane des Qaraqoyunlu (« Moutons noirs ») conquiert l’Azerbaïdjan aux Timourides. Au commencement du XVème siècle, la ville azérie d’Ardabil voit l’émergence d’un ordre mystique sunnite fondé par le cheikh Safi al-Dîn, qui sera connu sous le nom de Safavi. Ce mouvement spirituel rencontre un vif succès parmi les tribus turcomanes, avant de se tourner vers le chiisme. C’est en revendiquant cette identité religieuse distinctive que les tribus turcomanes réunies sous le nom de Kizilbach (« Têtes rouges ») entament une lutte qui les conduira, au XVIème siècle, à la tête de l’Iran.

1449 : Mort d’Ulugh Beg, petit-fils de Tamerlan. Son décès marque la fin de l’Empire timouride.

1453 : Prise de Constantinople par le sultan ottoman Mehmed II.

Milieu du XVème siècle : Construction de la Mosquée bleue de Tabriz.

Troisième quart du XVème siècle : La dynastie des Aqqoyunlu (« Moutons Blancs »), d’origine turcomane, connaît son apogée en gouvernant une partie de l’Iran.

1478 : Chah Ismaïl Safavi se révolte contre les Aqqoyunlu.

En 1499, Chah Ismaïl fonde la dynastie safavide en tant que guide spirituel et chef temporel des Qizil-bach (les « Têtes rouges », ainsi nommés d’après la couleur de leur turban caractéristique). Désormais, l’Iran va connaître sa Renaissance…

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L’Empire des Sassanides

Les Sassanides vont marquer l’Histoire de l’Iran par la fondation d’un vaste empire. Successeurs des Arsacides dans le monde iranien, ils sont, tout comme les Achéménides, des Perses originaires du Fars. La lignée trouve son ancêtre éponyme en la personne de Sassan, prêtre du temple d’Anahita à Istakhr, la capitale religieuse de la Perside, héritière de l’ancienne Persépolis.

Drapeau des Sassanides

En 208, Pâbhagh, fils de Sassan, règne sur une partie du Fars, plus précisément sur l’actuelle région de Chiraz. Son fils cadet, Artakhchatr (Ardachîr), prend le contrôle de plusieurs autres villes du Fars. Il soumet la Susiane et le petit royaume de Mésène établi par des Arabes à l’embouchure du Tigre. Pendant ce temps, son père accroît sa puissance au point de revendiquer l’autorité sur les régions contrôlées par le roi parthe Artaban V, ainsi que le droit de les transmettre à son fils aîné, Chapour. Face au refus d’Artaban V, Pâbhagh se voit traité en rebelle.

À la mort de celui-ci, Châhpour lui succède. Toutefois, son frère Ardachir se rebelle contre lui et profite bientôt de la mort accidentelle de son aîné. Après avoir éliminé ses autres frères, Ardachir vainc et tue Artaban de sa propre main en 224, en Susiane, dans la plaine d’Hormizdaghan.

En prenant le pouvoir à Ctésiphon et en épousant une parente d’Artaban, Ardachir établit un nouvel État, mettant en œuvre une réaction nationale iranienne qui rejettera de nombreux éléments de la civilisation hellénistique. Cette réaction s’accompagne d’une nouvelle politique religieuse fondée sur l’adoption du mazdéisme comme religion d’État et la rupture avec la traditionnelle tolérance montrée jusqu’alors par les Perses ou les Parthes envers les diverses autres croyances.

Les Sassanides à la tête d’un empire parmi les plus puissants de l’Antiquité

L’empire des Sassanides, qui perdura pendant plus de quatre siècles, prospéra grâce à sa position stratégique le long des routes commerciales terrestres telles que la célèbre route de la soie, et maritimes avec le commerce de la mer Érythrée, dans l’océan Indien. Cela lui permettait d’importer des produits d’Asie de l’est vers le bassin méditerranéen. Cependant, cette position privilégiée fut menacée par les Romains qui cherchaient à ouvrir des voies commerciales directes vers l’est au-delà de Palmyre et de l’Euphrate.

empire des Sassanides 621 après Jésus-Christ
L’empire des Sassanides à son apogée en 621.

En dépit de leur victoire éphémère contre l’empire indo-scythe des Kouchans, les Sassanides durent par la suite faire face aux peuples nomades d’Asie centrale, tels que les Alains et les Saces, qu’ils réussirent toutefois à contenir. Cependant, au début du VIIème siècle, ils furent brièvement vainqueurs de l’Empire romain d’Orient avant de devoir finalement abandonner leurs conquêtes face à l’expansion de l’islam, qui se propageait depuis le sud-ouest de leur empire de manière imprévisible.

La société sassanide

Le pouvoir de l’État sassanide repose sur un système de castes hérité de la tradition indo-iranienne. Au sommet de la hiérarchie sociale se trouve le chah, ou « roi des rois », résidant dans ses palais de Bishapour ou de Ctésiphon. Les dimensions de ces palais témoignent de la puissance du souverain sassanide. De même les grands reliefs rupestres commémorant ses victoires sur les Romains ou ses exploits de chasse.

Un grand mage, deuxième personnage le plus important de l’État après le roi, dirige la classe cléricale. Les mages mazdéens ou zoroastriens constituent une véritable institution religieuse nationale, regroupée en communautés dans des temples dotés de vastes ressources. Leur rôle consiste à entretenir le feu sacré, à pratiquer les rituels et à dispenser l’enseignement. La deuxième classe est celle des nobles, qui sont les propriétaires terriens, également en charge de superviser l’armée. La centralisation croissante du pouvoir les priva de l’autonomie considérable dont ils bénéficiaient à l’époque parthe.

L’empire des Sassanides, entre conquêtes et développement

La classe paysanne constitue la majorité de la population de l’empire des Sassanides. Toutefois, la royauté sassanide encourage le développement d’une importante bureaucratie de scribes dirigée par un « Grand Commandeur », qui servira de modèle ultérieur du vizir musulman, assisté de secrétaires d’État responsables de conseils spécialisés qui deviendront les diwans de l’époque abbasside. La fiscalité est rigoureusement organisée, avec la capitation (gezit) et l’impôt foncier (kharag) qui seront plus tard prélevés par les califes musulmans.

L’économie sassanide repose sur de grands monopoles d’État qui contrôlent l’extraction minière, la fabrication d’armes et la production de produits de luxe tels que la soie. Une administration conséquente organise l’entretien des routes et le bon fonctionnement d’un service postal similaire à celui existant sous les Achéménides.

Le Zoroastrisme comme religion d’État

Fondée par Zarathoustra au VIème siècle avant Jésus-Christ, le zoroastrisme devient la religion officielle et exclusive de l’Empire sassanide. C’est cette religion qui confère sa légitimité au souverain, désigné pour exercer le pouvoir selon la volonté du dieu suprême Ahura Mazda.

Parallèlement, la religion désormais nationale ne tolère plus la pratique des autres cultes existants sous les Arsacides. Les persécutions, parfois violentes, touchent les Juifs, les bouddhistes, les chrétiens et les manichéens à différents moments. Par exemple, Manés, le fondateur du manichéisme, initialement bien accueilli par Chahpour Ier, finit par être exécuté.

Chronologie de l’Empire sassanide

226 :Ardachîr devient « roi des rois » à Ctésiphon. Située non loin de l’emplacement de la future Bagdad, il choisit cette ville comme capitale et règne jusqu’à sa mort en 241.

Entre 230 et 232 :Les Iraniens lancent leur première attaque en Mésopotamie, près de Nisibe et de Carrhes. Cependant, l’armée romaine parvient à rétablir la situation. Sévère Alexandre remporte la victoire et reçoit le titre de Persicus Maximus.

Le règne de Shapour Ier

241 :Shapour Ier accède au trône et est couronné à Ctésiphon le 20 mars 242. La même année, le nouvel empereur rencontre Mani, le fondateur du manichéisme, né en 216.

De 243 à 244 :Lors de sa première campagne contre les Romains, Chapour remporte une victoire à Misiché, sur la rive gauche de l’Euphrate. L’empereur Gordien IV y perd la vie et son successeur Philippe l’Arabe accepte de verser un tribut au vainqueur. Cette défaite marque probablement la fin de la domination romaine sur l’Arménie.

De 251 à 254 :Shapour intervient en Arménie. Le jeune arsacide Tiridate se réfugie en territoire romain.

253 :Shapour mène une seconde campagne sur l’Euphrate contre les Romains, qu’il bat à Barbalissos. Les Iraniens parviennent alors à occuper temporairement une partie de la Syrie, de la Cappadoce et de la Cilicie. Ils capturent Antioche en 253, puis Dura en 256. Toutefois, ils se heurtent à une résistance robuste des Romains à Émèse (actuelle Homs, en Syrie).

259 ou 260 : Lors de sa troisième campagne contre les Romains en Haute Mésopotamie, Shapour remporte une victoire écrasante à Edesse et capture l’empereur Valérien.

Des succès temporaires

De 261 à 267 : Le chef palmyrénien Odheinat reprend les régions frontalières perdues par Rome et se voit décerner par l’empereur Gallien le titre de Corrector Orientis. Il perd la vie en 267, un an avant la mort de Gallien.

De 268 à 271 :Claude II le Gothique succède à Gallien, avant d’être remplacé par Aurélien. Pendant ce temps, Palmyre voit son pouvoir grandir sous l’autorité de Zénobie, la veuve d’Odheinat, et de son fils Wahballat, qui revendiquent les titres royaux en 270.

270 :Zabdas, un général au service de Zénobie, conquiert Alexandrie et l’Égypte, provoquant une rupture entre Rome et le royaume de Palmyre.

De 272 à 273 : Aurélien mène une campagne contre Palmyre, prenant la ville en 272, puis la détruisant après une révolte.

272 :Mort de Chapour Ier.

Les successions incertaines menacent l’empire des Sassanides

274 : Aurélien remporte une victoire à Rome, où il érige le temple du dieu Sol Invictus et y installe la statue du dieu Bêl de Palmyre.

De 272 à 273 : Règne d’Hormizd Ier, fils de Châhpûhr.

De 273 à 276 : Règne de Vahram Ier, frère du précédent.

276 : Les persécutions dirigées contre le manichéisme par le clergé mazdéen conduisent à l’incarcération et à l’exécution de Mani en février 277.

De 276 à 293 :Sous le règne de Vahram II, Kartir, devenu grand prêtre mazdéen, ordonne l’expulsion des missionnaires des religions étrangères hors d’Iran.

283 : L’empereur romain Carus décède pendant la campagne qui conduisit à la capture de Ctésiphon.

L’Arménie et le christianisme au cœur des évènements

287 : Après un accord entre Vahram II et l’empereur romain Dioclétien, Tiridate est placé en tant que roi d’Arménie. Il demeure toutefois sous la suzeraineté romaine. Les Sassanides abandonnent la Mésopotamie.

293 :Règne durant quatre mois de Vahram III, sous le titre de Saghanchah, « Roi des Saces ».

De 293 à 302 :Narseh, fils de Châhpûhr et grand-oncle du jeune Vahram III, règne après avoir pris le trône à ce dernier.

De 296 à 297 :Une rupture se produit avec Rome. Narseh est finalement vaincu par Galère, le César de Dioclétien, et sa compagne Arsane est capturée. Suite au traité de Nisibe, le dirigeant sassanide se voit contraint de céder à Rome cinq districts de Petite Arménie.

297 : Dioclétien publie un édit à Alexandrie interdisant la diffusion de la propagande manichéenne dans l’Empire romain.

De 301 à 302 : Tiridate III et le peuple arménien se convertissent au christianisme sous l’influence de Grégoire l’Illuminateur. La même année, l’édit de Nicomédie initie une vague de persécution des chrétiens dans l’Empire romain.

De 303 à 309 : Hormizd II, fils de Narseh, règne et tente sans succès de reprendre le combat contre Rome. Pour contrer les menaces à l’est de son royaume, il contracte un mariage avec une princesse kouchane.

Le règne de Shapour II

De 309 à 379 : Règne de Chapour II qui accède au trône alors qu’il n’est encore qu’un enfant.

De 309 à 335 : Une longue période de régence s’achève par la conclusion d’une trêve avec l’Empire romain et le début de la persécution des chrétiens dans l’empire des Sassanides. La persécution des manichéens reprend également de plus belle. En 312, la conversion de l’empereur romain Constantin au christianisme et la proclamation de l’édit de Milan autorise la pratique de cette nouvelle religion, encourageant les chrétiens iraniens persécutés à rejoindre les territoires romains.

Sassanides et Romains s’affrontent pour l’Arménie

De 343 à 350 : Une période de tensions renouvelées émerge entre les Romains et les Iraniens, aboutissant à la reconquête de l’Arménie par ces derniers.

343 : Constance II envahit l’Adiabène.

346 :Shapour II échoue devant Nisibe et conclut un armistice.

348 : Bataille de Singara.

350 : Chapour II subit un nouveau revers face à Nisibe. Les Sassanides doivent également faire face à la menace des Huns le long de leur frontière orientale.

Entre 355 et 356 : Shapour II intervient en Arménie et en Mésopotamie, tandis que son frère Hormizd, vivant en exil auprès des Romains, accompagne Constance II lors de sa visite à Rome en 357.

356 : L’ambassade envoyée par Musonianus échoue. Chapour II persiste dans ses revendications territoriales sur l’Arménie et la Mésopotamie.

359 : Une nouvelle guerre éclate entre les Iraniens et les Romains, au cours de laquelle Shapour assiège et conquiert la forteresse d’Amida, située sur le cours supérieur du Tigre, à Diyarbakir dans la région kurde actuelle de Turquie.

Entre 362 et 363 :Une fois devenu empereur, Julien l’Apostat reprend l’offensive contre les Iraniens après la mort de Constance. Cependant, il trouve la mort en 363 en combattant sur le front de l’Euphrate, sans avoir réussi à capturer Ctésiphon. Son successeur, Jovien, décide de renoncer et conclut un traité avec Shapour, prévoyant la restitution des villes de Nisibe et de Singara, ainsi que des territoires situés au-delà du Tigre.

363 :Les Sassanides soumettent les tribus arabes du Sud-Ouest et établissent des alliances avec les Arabes Lakhmides de Hira, situés actuellement au sud de l’Irak.

De 371 à 377 : Les Iraniens lancent une nouvelle campagne contre l’Arménie, en réalité partagée les Romains.

La succession de Shapour II

De 379 à 383 :Règne d’Ardachîr II, frère présumé de Shapour II.

De 383 à 388 : Règne de Shapour III, fils de Shapour II.

De 388 à 399 :Règne de Vahram IV, un autre fils de Shapour II.

De 399 à 421 :Règne de Yazdgard Ier.

Le christianisme en Iran

410 : Lors du concile de Séleucie, les chrétiens d’Iran établissent une Église autocéphale et adoptent le Credo promulgué lors du concile de Nicée en 325.

Établie au-delà des frontières orientales de l’Empire romain, l’Église d’Iran devient une rivale de la chrétienté romaine en raison de l’hostilité entre les souverains romains et sassanides. À partir du Vème siècle, elle accueillera des dissidents de la chrétienté romaine, tels que les nestoriens et les monophysites.

Le christianisme ne devient solidement établi en Iran qu’aux IIIème et IVème siècles. Cependant, ses premières apparitions dans l’espace iranien remontent au premier siècle, notamment au sein de la communauté juive du royaume d’Adiabène, au nord-est de la Mésopotamie, et dans la région d’Édesse en Oshroène. Des sièges épiscopaux auraient été établis à Arbèles et dans la capitale de Séleucie-Ctésiphon à cette époque. Cependant, les informations sur cette période lointaine demeurent incertaines. Alors qu’ils étaient déjà présents en Iran avant la dynastie sassanide, les chrétiens deviennent bien plus nombreux au cours du IIIème siècle, période au cours de laquelle ils sont persécutés sur l’initiative du Grand Mage mazdéen Kartir.

La présence chrétienne dans l’empire des Sassanides

L’augmentation de la communauté chrétienne en Iran, en particulier en Susiane, est en partie due au transfert de nombreux prisonniers capturés dans la région d’Antioche et dans les provinces frontalières de l’Empire romain. Les persécutions se déroulent principalement sous les règnes de Bahram II et Chapour II. Quelquefois aussi par intermittence au cours des siècles suivants, généralement pendant les périodes de guerre contre les Byzantins. Ces périodes de persécution sont entrecoupées de longues périodes de paix, décrites par les sources chrétiennes décrivent, au cours desquelles les disciples du Christ prêtent allégeance au souverain sassanide.

Cependant, même en conservant sa langue et ses traditions syriaques, cette Église n’adopta pas pleinement la culture iranienne et ne s’assimila guère à la société sassanide. Le concile de Séleucie en 410 établit la hiérarchie des différents évêchés, plaçant ces derniers sous l’autorité de l’évêque de la capitale, le « grand métropolitain et chef de tous les évêques ». Le concile reconnaît également au roi des pouvoirs étendus sur l’Église iranienne. Il lui permet notamment de décider de la tenue des conciles, de les faire diriger par des fonctionnaires séculiers et d’assurer que les décisions conciliaires aient force de loi.

L’empire des Sassanides au Vème siècle

De 421 à 439 :Durant le règne de Vahram V, fils de Yazdgard. Il accéda au pouvoir avec l’aide militaire du prince arabe de Hira et adopta une attitude de tolérance en matière religieuse.

422 :Après une brève guerre, un traité de paix est conclu avec Byzance. Il garantit la liberté de culte aux chrétiens vivant dans l’Empire sassanide.

427 :Les Huns Hephtalites pénètrent dans l’est de l’Iran et deviennent désormais une menace permanente.

De 439 à 457 :Règne de Yazdgard II, très attaché au zoroastrisme.

442 :En guerre avec l’Empire romain d’Orient (plus tard désigné sous le nom d’« Empire byzantin » en référence à la cité grecque qui avait précédé Constantinople), les Sassanides doivent également faire face aux tribus hunniques des Kidarites dans le nord-est.

De 457 à 459 : Règne d’Hormizd III.

De 459 à 484 :Péroz Ier, frère d’Hormizd, se révolte contre lui pendant son règne et prend le pouvoir. Il persécute les juifs tandis que les chrétiens d’Iran se divisent entre nestoriens et monophysites. Il enverra notamment une délégation en Chine.

La menace des Huns

465 : Les Huns Hephtalites (aussi appelés les « Huns blancs ») remportent une victoire contre Péroz.

484 :Péroz trouve la mort au cours d’une campagne militaire contre les Huns Hephtalites.

De 484 à 488 :Règne de Valash.

De 488 à 531 :Règne de Kavadh, fils de Péroz. Il met en œuvre une partie du programme révolutionnaire de la secte mazdakite, suscitant ainsi l’opposition de la noblesse. Une rébellion populaire se rallie à Mazdak, qui réclame une répartition plus équitable des biens. Dans un premier temps, le roi soutient cette insurrection. Cependant, en 496, il est destitué et remplacé par son frère Zamasp. Kavadh revient au pouvoir en 499, soutenu par les Hephtalites. Il se retourne ensuite contre les insurgés et réprime violemment la révolte avec l’aide de son fils, le futur Khosro Ier.

500 : Le nestorianisme devient la seule Église chrétienne acceptée en Iran.

La reprise des guerres entre les empires byzantins et sassanides

De 503 à 505 : La paix avec l’Empire romain d’Orient est rompue. Bien que les deux empires aient conclu une première paix en 505, l’Empire romain doit faire face à l’est aux invasions des Huns Hephtalites.

518 :L’Iran envoie une première ambassade en Chine. Deux autres suivront en 528 et 531.

De 527 à 528 : Un nouveau conflit éclate avec l’Empire romain concernant le statut des chrétiens d’Iran.

De 531 à 579 : Règne de Khosro Ier, fils de Kavadh. L’accord établi par son père avec les mazdakites est rompu. Il met en place de nombreuses réformes économiques et militaires qui requièrent une plus grande centralisation.

532 : La première guerre menée par Khosro contre l’Empire romain se solde par une « paix éternelle » conclue avec Justinien.

De 540 à 557 : La guerre reprend contre l’empereur Justinien, cette fois-ci concernant l’Arménie et le contrôle du pays des Lazes, situé sur la côte est de la mer Noire. En 540, Khosro Ier s’empare d’Antioche en Syrie, la détruit et déporte ses habitants. Trois ans plus tard, il remporte une victoire contre les troupes de l’empereur en Arménie.

Les Sassanides confrontés à la menace des Huns

De 558 à 562 : Avec le soutien des Turcs occidentaux, Khosro réussit à éradiquer le royaume des Huns Hephtalites.

562 : Une « paix de cinquante ans » est conclue avec l’Empire romain. Celle-ci implique premièrement le paiement des tributs aux Sassanides et assure secondement la liberté de culte pour les chrétiens en Iran et pour les mazdéens dans l’Empire romain d’Orient.

571 : Les Sassanides conquièrent l’Arabie du Sud et chassent ensuite les Ethiopiens axoumites, alliés de l’Empire romain.

De 572 à 579 : Une nouvelle guerre éclate avec l’Empire romain. Khosro subit une importante défaite à Mélitène en 575.

578 :Une nouvelle ambassade iranienne est envoyée en Chine. La même année, une expédition maritime iranienne atteint Ceylan.

De 579 à 590 : Règne d’Hormizd IV, fils de Khosro Ier. Il poursuit la guerre avec l’Empire romain jusqu’en 582. En 581, l’empereur Maurice s’approche dangereusement de Ctésiphon, la capitale sassanide, alors menacée.

588 : L’émergence des Turcs en Asie centrale constitue une nouvelle menace pour les Sassanides.

L’empire des Sassanides et les Byzantins, entre alliances et conflits

De 591 à 628 :Règne de Khosro II. L’empereur de Constantinople le soutenant, il lui cède une partie de l’Arménie jusqu’alors contrôlée par les Iraniens. La frontière se rapproche ainsi du lac de Van. L’Empire romain a permis à Khosro II de se débarrasser d’un prétendant, Vahram VI Tchobin.

602 : Après la chute de son allié Maurice, renversé par Phocas, Khosro II reprend la lutte contre l’Empire romain.

De 604 à 609 : Les Iraniens remportent plusieurs victoires successives qui les conduisent d’Édesse jusqu’à Chalcédoine. Ils menacent ainsi Constantinople également confrontée aux attaques des Avars. Parallèlement, une nouvelle ambassade iranienne part en Chine en 605.

610 : Une révolution éclate à Constantinople, entraînant le couronnement d’Héraclius. Sous son règne, l’Empire romain d’Orient redouble d’efforts dans la guerre contre l’Iran. Motivé à la fois par des raisons politiques, territoriales et religieuses, il l’est également par la défense des chrétiens d’Iran.

614 :Khosro II conquiert Jérusalem. Le souverain sassanide emmène les reliques de la Sainte Croix à Ctésiphon. Cet événement sera immortalisé par les fresques réalisées à Arezzo par Piero della Francesca.

616 : Une nouvelle ambassade iranienne se rend en Chine.

619 : Khosro II conquiert l’Égypte et achève ainsi de restaurer l’ancien territoire achéménide.

De 622 à 626 : Héraclius mène plusieurs campagnes victorieuses jusqu’en Médie. Les Iraniens contre-attaquent et se retrouvent en 626 près de Constantinople. Héraclius reprend l’initiative et regagne tous les territoires perdus précédemment. Lors d’une révolte nobiliaire en 628, Khosro est renversé et assassiné par son fils Siroy.

La fin de l’Empire sassanide et la conquête des arabo-musulmans

Entre 628 et 632, l’Empire sassanide sombre dans l’anarchie. Des usurpateurs non-sassanides alternent le pouvoir avec des princes légitimes trop faibles pour établir une autorité stable. On voit ainsi Kavadh II Shéroé (628), Ardachîr III, un enfant tué après un règne d’un an et demi placé sous la tutelle d’un échanson, Khosro III, la reine Bourân de 629 à 630, Hormizd V et, enfin, Khosro IV (631-632) se succéder. La noblesse, dirigée par Rostam, installe Yazdgard III sur le trône. Depuis la mort de Khosro II, une douzaine de souverains éphémères se sont succédé.

De 632 à 651 :Règne de Yazdgard III, le dernier souverain sassanide. Bien qu’il semble destiné à restaurer l’autorité royale, il doit faire face à la menace arabo-musulmane. Lorsque l’Iran tombera sous leur contrôle, l’avènement de Yazdgard III sera considéré comme le début d’une ère nouvelle pour les sectes zoroastriennes.

635 :Les arabo-musulmans battent les Sassanides à Buwayb.

Novembre 636 :Bataille d’al-Qadisiyya (ou Cadésie) et défaite iranienne.

637 :Ctésiphon est prise en août. Par la suite, Ahwaz et le Khûzistân sont occupés en 639.

642 :Les troupes sassanides subissent des défaites à Djalula et à Nehavend face à l’armée arabe envoyée par le calife Omar, deuxième successeur du Prophète. Les musulmans prennent le contrôle de la Mésopotamie et de l’Iran occidental. Yazdgard III s’enfuit vers l’est et se réfugie à Merv, anciennement Alexandrie de Margiane, où il périt assassiné en 651. Son fils, Peroz, trouve quant à lui refuge à la cour chinoise où il décédera en 672. À ce stade, l’Iran fait désormais partie califat omeyyade établi à Damas.

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Histoire

Séleucides, Parthes et Arsacides

Les empires des Séleucides, des Parthes et des Arsacides marquèrent de manière significative l’histoire de l’Iran durant l’Antiquité.

Séleucides, Parthes et Arsacides

Les Séleucides, héritiers du puissant empire d’Alexandre le Grand, favorisèrent l’hellénisme avec la diffusion de la culture grecque en Iran. Les Parthes leur succédèrent pour établir leur propre empire dans la région. Connus pour leur stratégie militaire habile, en particulier leur cavalerie redoutable, ils surent préserver leur identité culturelle iranienne tout en s’adaptant aux influences hellénistiques. L’empire des Arsacides, pour sa part, résista avec succès à l’expansion romaine et devint un acteur majeur dans la région.

Les Séleucides règnent sur l’Iran

-312 : Après sa conquête de Babylone, Séleucos IerNikator, qui fut auparavant le compagnon d’Alexandre et le satrape de Babylone, choisit de s’y installer et apporte avec lui les influences culturelles de la Grèce antique en Iran. C’est à cette époque qu’il épouse Apamée, une noble iranienne, héritant ainsi des terres des Achéménides, dont sont toutefois exclus l’Égypte, la Palestine, le sud de la Syrie et une partie de l’Asie Mineure.

-311 : Séleucos mène une campagne militaire contre le souverain indien Chandragupta, fondateur de la dynastie des Mauryas. La guerre se conclut par un traité de paix en -304,  Séleucos cédant l’actuel Afghanistan.

-301 : La bataille d’Ipsos marque un tournant décisif dans l’histoire de l’empire d’Alexandre le Grand et entraîne son partage en trois grandes régions. Les Antigonides obtiennent la Grèce et la Macédoine, les Ptolémées (ou Lagides) dominent en Égypte et les Séleucides règnent sur la Syrie et l’Iran. À l’est, Séleucos doit céder au roi indien Chandragupta des territoires pris aux provinces de Gédrosie et d’Arachosie. Pour gouverner son royaume, Séleucos fonde deux capitales : Séleucie, située sur le Tigre et qui englobe l’ancienne Babylone, et Antioche, établie sur l’Oronte. Ce royaume séleucide comprend donc deux ensembles de territoires distincts, dont le premier sera conquis un siècle et demi plus tard par les Parthes et les Arsacides, tandis que le second, la Syrie, sera rapidement absorbé par Rome.

De -281 à -262 : Pendant le règne d’Antiochos Ier Sôter, la Perside, devenue le centre territorial de la dynastie, commence progressivement à s’émanciper de la Syrie en raison de la distance qui les sépare.

L’émergence des Parthes et des Arsacides face aux Séleucides

Entre -260 et -246 : Au cours du règne d’Antiochos II, la Bactriane, la Parthie et l’Hyrcanie se détachent de l’autorité du souverain vers -250. Diodote fonde un royaume gréco-bactrien indépendant qui perdurera jusqu’à la fin du IIème siècle avant Jésus-Christ. Au même moment, le satrape de Parthie, Andragoras, se rebelle contre le souverain séleucide. Il est toutefois vaincu en -239 par l’invasion des Parnes dirigés par Arsace. Ces Iraniens semi-nomades, installés au nord du Kopet Dag, conquièrent alors l’Hyrcanie. Ils s’assimilent rapidement aux populations locales, adoptant leur langue et leur nom pour devenir les Parthes. Désormais, les Séleucides vont devoir compter avec les Parthes et les Arsacides.

De -246 à -227 : Pendant son règne, Séleucos II Kallinikos doit faire face à la menace parthe à l’est et perd l’Asie Mineure à l’ouest.

Entre Rome et les Parthes

De -227 à -223 : Règne de Séleucos III Sôter.

Entre -223 et -187 : Sous le règne d’Antiochos III le Grand, la dynastie séleucide parvient à rétablir temporairement sa position. Le satrape rebelle de Médie, Molon, connaît une défaite près d’Apollonia, en Babylonie, en -220. Les Parthes sont quant à eux maintenus sous contrôle. Au cours d’une longue campagne qui dure huit ans, le souverain contraint le roi d’Arménie à reconnaître son autorité et parcourt l’Iran, de Suse à Ecbatane, pour restaurer son pouvoir. Le Parthe Arsace II (Artaban) est contraint de se soumettre.

Antiochos III pénètre également en Bactriane, où la dynastie grecque fondée par Diodote fut remplacée par une autre lignée royale apparue avec Euthydème, qui sera lui aussi contraint de se soumettre. Le mariage de Démétrios, fils d’Euthydème, avec la fille d’Antiochos marque le retour des Séleucides dans cette région. Franchissant l’Hindou Kouch, Antiochos III parvient traiter avec le souverain maurya qui contrôle alors toute l’Inde du Nord.

-205 : Antiochos III prend le titre de « Grand Roi » et reconquiert les régions occidentales de son empire en traversant l’Iran. Il visite également les pôles commerciaux du golfe Persique.

L’Empire séleucide fragilisé par les Parthes et les Arsacides

-190 : Entraîné dans les affaires de Rhodes et de Pergame, Antiochos III subit une défaite face aux Romains lors de la bataille de Magnésie.

-188 : Le traité de paix d’Apamée consacre la défaite du roi séleucide face à Rome, soutien du royaume attalide de Pergame. Il doit abandonner ses possessions en Asie Mineure et payer un lourd tribut. Désormais, la puissance séleucide est en position défensive et Antiochos meurt lors d’une révolte en Susiane l’année suivante. Le pouvoir des Séleucides se limite désormais à la Syrie et à la Cilicie.

De -187 à -176 : Règne de Séleucos IV Philopator.

De -175 à -164 : Règne d’Antiochos IV Épiphane, le dernier grand souverain séleucide. En dépit de ses efforts, il ne parvient guère à stopper la dislocation de son royaume. Les Parthes et les Arsacides prennent le contrôle de la Mésopotamie aux Séleucides peu après sa disparition et les satrapes des différentes provinces parviennent à obtenir une autonomie presque complète. L’État séleucide se réduit peu à peu à la seule Syrie.

Les Séleucides vont laisser la place aux Parthes et aux Arsacides

Pendant près de deux siècles et demi, les Séleucides établirent une administration régulière qui leur permit de bénéficier de ressources fiscales importantes, grâce à l’héritage laissé par les Achéménides. La langue officielle passe de l’araméen au grec. Sur le plan culturel, cette période témoigne d’une influence hellénistique incontestable en Orient. Cependant, les Grecs s’ouvrent également aux traditions iraniennes, adoptant par exemple la déification des souverains. L’économie, prospère au début de la période des Séleucides, se détériore avec les menaces croissantes venant de l’ouest avec l’expansion romaine et de l’est avec la présence des Parthes et des Arsacides.

De -163 à -125 :Règnes d’Antiochos V Eupator de -163 à -162, Démétrios Ier Sôter de -162 à -150, Alexandre Bala de -150 à -145 et Démétrios II Nicator de -145 à -125.

Séleucides et Arsacides à l’ombre de l’ascension des Parthes

Vers -145 : Les envahisseurs nomades venus du Nord détruisent Aï Khanoum, avant-poste de la civilisation hellénique au cœur de l’Asie centrale.

Les Parthes, nomades installés à l’est de l’Iran et apparentés aux populations scythiques, constituaient déjà une menace pour l’Empire achéménide sur sa frontière nord-orientale. Vers -250, ils occupaient la Parthie (aussi dénommée Parthiène) et fondèrent une dynastie dirigée par Arsace et puis par son frère Tiridate. Les Parthes conservent la structure territoriale héritée de l’époque achéménide et sept grandes familles nobles se partagent les meilleures terres, mettant en péril l’autorité royale. Ils firent face aux Romains sur l’Euphrate et en Arménie, ainsi qu’aux menaces venant des confins nord et est de leur empire. Des luttes de succession et des conflits internes dominèrent l’histoire de cette dynastie.

Les Parthes bâtissent un empire

La civilisation parthe fut marquée par l’hellénisme, en témoignent la numismatique et le surnom de « philhellène » des souverains. La fusion des éléments iraniens et grecs se manifesta dans des cités telles que Hatra ou Doura Europos. Sur le plan religieux, les Parthes adoptèrent les divinités et les croyances des régions qu’ils dominaient. C’est notamment durant cette période que le culte de Mithra connut un grand succès dans l’Empire romain. Le roi Vologèse fit construire Vologesocerta pour remplacer Séleucie et l’art parthe introduisit des innovations décisives en sculpture, notamment la représentation de face, ainsi que l’utilisation de l’iwan (un vaste vestibule) et de la voûte dans l’architecture.

De -248 à -214 : Sous le règne de Tiridate, les Parthes étendent leur influence sur toutes les régions s’étendant de la mer Caspienne à la mer d’Aral, incluant également l’Hyrcanie. Tiridate établit d’abord une capitale à Arsak, puis une seconde à Hécatompylos.

De -214 à -196 : Règne d’Artaban Ier. Battu par Antiochos III lors de la grande expédition que celui-ci conduit sur les marges orientales de son royaume, Artaban doit se soumettre. Toutefois, à la faveur des luttes opposant Séleucides et Romains, son fils Priapatios soumet la région de l’actuel Mazandaran.

De -196 à -180 : Règne de Phripatès.

De -180 à -174 : Règne de Phraate Ier.

Le déclin des Séleucides et l’avènements des Parthes et des Arsacides

De -174 à -136 : Profitant de la désintégration du Royaume séleucide en pleine crise, Mithridate Ier, surnommé « Philhellène », prend le titre de « Roi des rois ». Il annexe des territoires tels que la Médie, l’Elymaïde, la Perside, la Gédrosie et potentiellement une partie de l’Ariane. Les Parthes avancent alors vers l’ouest jusqu’à l’Euphrate mais échouent dans leur tentative de s’emparer de Séleucie sur le Tigre. Cependant, ils établissent une forteresse non loin de cette ville, sur la rive gauche du fleuve, appelée Ctésiphon, qui deviendra leur future capitale. Mithridate rencontre néanmoins une forte résistance et leur arrivée en Mésopotamie n’est guère perçue comme une libération par les populations locales. La résistance acharnée du prince séleucide Démétrios s’avère cependant vaine. Mithridate utilise sa finesse politique en le mariant à sa fille et en lui confiant le gouvernement de l’Hyrcanie.

Face aux Séleucides, Parthes et Arsacides s’organisent

De -136 à -127 : Phraate II succède à son père Mithridate Ier et règne sur un empire s’étendant de l’Euphrate à l’Ariane. Cependant, il doit faire face à une réaction de la part des Séleucides, car Antiochos VII Sidète tente de reconquérir les territoires perdus et de ramener son frère Démétrios. Antiochos parvient effectivement à reconquérir la Mésopotamie et bat plusieurs fois son adversaire avant de conclure un traité à Ecbatane. Phraate feint alors d’accepter sa défaite et de satisfaire les exigences du vainqueur. Cependant, il attaque Antiochos par surprise et lui inflige une défaite totale, entraînant la mort de ce dernier en -129.

Les Parthes ont ainsi récupéré tous les territoires perdus et menacent directement la Syrie. Cependant, Phraate doit faire face à une nouvelle menace : l’arrivée de populations scythiques venant d’Asie centrale qui envahissent tout l’est de son empire. Malheureusement pour Phraate, les batailles lui sont défavorables et il est tué, tout comme son oncle et successeur Artaban II.

De -127 à -124 :Règne d’Artaban II.

Alliances et guerres de territoires

De -124 à -91 :Pendant le règne de Mithridate II, la puissance des Parthes est contestée par de nombreuses révoltes à l’ouest et est de plus en plus menacée par les peuples nomades qui envahissent régulièrement les régions orientales. Ces invasions entraînent la destruction du Royaume gréco-bactrien par ces nouveaux venus. Mithridate parvient à contenir l’avancée de ces peuples nomades et à reprendre le contrôle de la Margiane, de l’Ariane et de la Gédrosie. Cependant, la menace persiste le long du cours de l’Oxus (Amou Daria). Cette menace provient des Scythes Sacarauques et des Tokhariens (Yué Tché), qui établiront diverses principautés ou royaumes dans le nord-ouest de l’Inde, liés aux Parthes mais restant indépendants de manière durable.

L’empire parthe, Atlas historique de l’Iran, Université de Téhéran.

-115 :Mithridate II signe un traité avec Wu-ti, l’empereur Han de Chine, dans le but de favoriser le commerce le long de la célèbre Route de la Soie qui doit se développer à travers l’Asie centrale.

-113 :Mithridate II capture Doura sur l’Euphrate et ordonne la construction d’une nouvelle capitale à Nisa.

-112 : Mithridate Eupator fonde le royaume du Pont en Asie Mineure, devenant un adversaire redoutable pour les Romains de -89 à -63 lors de leur conquête de la région. Il forme une alliance avec Tigrane d’Arménie, en conflit avec son suzerain parthe, ce qui le mène à conquérir Ecbatane et à revendiquer le titre de « Roi des rois » en -83.

-96 :Rencontre l’envoyé parthe Orobazès et Sylla, le propréteur romain en Cilicie.

De -91 à -37 : Règnes de Gotarzès de 91 à -80, Orodès Ier de -80 à -76, Sinetrocès de -76 à -69, Phraate III de -69 à -60, Mithridate III de -60 à -56 et Orodès II de -56 à -37.

Les Parthes contre Rome

De -88 à -64 : En dépit des tensions internes, les Parthes maintiennent une position neutre pendant toute la durée du conflit entre les Romains et le roi du Pont, Mithridate.

Entre -69 et -66 : Les Parthes concluent des traités avec Lucullus et Pompée, qui établissent la frontière entre les domaines parthe et romain le long de l’Euphrate.

-53 : Lors de la bataille de Carrhae (Harran), les légions romaines commandées par Crassus sont défaites par les Parthes sous le commandement de Surena. Par la suite, le roi Orodès II fait exécuter Surena, le jugeant devenu une menace pour son autorité.

-40 : Orodès et son fils Pacorus envahissent d’abord la Syrie, puis étendent leur avantage en Asie Mineure et en Syrie, entraînant la perte d’une grande partie de l’Est romain. La réponse rapide des Romains, menée par C. Ventidius Bassus, conduit à la défaite des Parthes. Pacorus est tué à Gindarus en -39 et Orodès est assassiné par ses autres fils.

-37 : Phraate IV accède au pouvoir et règne jusqu’en 2 avant Jésus-Christ. Il doit faire face à un rival, Tiridate II, finalement rallié à Rome.

De -36 à -34 : Antoine pénètre dans le Caucase et soumet l’Arménie à la suzeraineté de Rome. Cependant, il avance trop loin en Médie Atropatène (actuel Azerbaïdjan) et est contraint de se retirer. L’année suivante, le rétablissement de l’alliance entre les Arméniens et les Parthes rend toute nouvelle tentative impossible.

-20 : Sous le règne d’Auguste, un traité de paix est conclu avec Phraate IV, qui restitue les aigles capturées par Crassus. Désormais, l’Arménie joue le rôle d’un État-tampon. La frontière avec la puissance romaine est stabilisée le long de l’Euphrate.

De 2 avant Jésus-Christ à 5 après Jésus-Christ : Règne de Phraate V, qui empoisonna son père et rechercha l’alliance romaine.

L’Empire parthe connaît une période de troubles

De 5 à 7 :Règne d’ Orodès III.

De 8 à 11 : Règne de Vononès Ier. La noblesse parthe se révolte contre ce souverain, formé à Rome. Il est remplacé par Artaban III.

De 11 à 40 : Durant le règne d’Artaban III, la langue pehlevie s’impose. Par la suite, Tiridate III, Cinnamus, Vardanès Ier, Gotarzès II et Vononès II se disputeront le pouvoir jusqu’en 51.

37 : Artaban et Vitellius, le gouverneur romain de Syrie, trouvent un accord sur la question arménienne.

De 51 à 75 : Règne de Vologèse Ier. L’Avesta aurait été rédigé à cette époque. Pacorus II, Artaban IV et Vologèse II lui succèdent, tandis que l’Iran oriental est occupé par les Kouchans, qui établissent un empire indo-scythe.

Entre 63 et 66 : Le traité de Rhandeia maintient l’Arménie sous le contrôle des Arsacides, mais soumise à la domination romaine. Tiridate, frère de Vologèse Ier, reçoit de Néron à Rome, la couronne des rois d’Arménie.

Après 75 :Les invasions des Alains, la sécession de l’Hyrcanie et les querelles dynastiques fragilisent l’Empire parthe.

De 106 à 129 :Règne d’Osroès.

114 :Trajan conquiert l’Arménie.

117 : L’empereur romain Trajan décède en Cilicie. Il avait notamment conquis Ctésiphon et Séleucie du Tigre en 116 et progressé jusqu’au golfe Persique. Cependant, les nombreuses révoltes qui éclatèrent en Orient compromirent sa victoire sur les Parthes.

118 : Hadrien conclut un accord de paix avec Osroès. Ce traité fixe son retrait des territoires conquis par Trajan, à l’exception de l’Arménie.

Le royaume des Kouchan

125 : Kanishka accède au pouvoir du Royaume kûchân situé à l’est de l’Empire parthe. Le manque d’intérêt des Indiens pour l’histoire et la chronologie crée de nombreuses incertitudes quant aux dates de la dynastie (certains situent donc l’accession de Kanishka au pouvoir en 140, voire en 172).

Les Kouchân, une dynastie d’origine tokharienne, ont étendu leur autorité depuis l’époque de leur premier souverain, Kujuila Kadphisés, sur des territoires allant de la Margiane (région actuelle de Merv) à l’Indus. Son fils Wima-Kadphisés conquit ensuite, au détriment de l’Empire parthe, l’Ariane (région d’Hérat), l’Arachosie (région de Kandahar) et la Sakasthène (actuel Séistan, au sud-est de l’Iran).

Contrôlant temporairement la route de la soie, l’Empire kûchân s’est davantage tourné vers l’Inde que vers le plateau iranien, apparaissant ainsi comme un ennemi moins menaçant que l’Empire romain à l’ouest. Kanishka établit sa capitale à Purushapura (Peshawar) et sa capitale d’été à Begram (Kapici, près de Kaboul). L’empire s’étendait vers le nord jusqu’en Sogdiane et vers les oasis du Tarim tout en dominant l’Inde septentrionale jusqu’à Bénarès et jusqu’au cours de la Narbada dans le Deccan. Kanishka rassembla sur sa personne les titres de maharadjah (« grand roi ») indien, de chahenchah (« roi des rois ») parthe et iranien, ainsi que celui de « fils du Ciel » chinois, témoignant du caractère cosmopolite de son royaume.

Toutefois, ce royaume commence à décliner régulièrement à partir du milieu du IIIème siècle pour se limiter finalement à la région de Kaboul et à la vallée supérieure de l’Oxus. Il disparaît définitivement vers le milieu du Vème siècle. À cette époque, l’influence iranienne prédominait dans les régions d’Asie centrale, ainsi que sur une partie de l’Inde du Nord où avait prospéré le Royaume kouchan précédemment.

L’Empire parthe sur le déclin

De 129 à 147 : Règne de Mithridate V. Durant cette période, des conflits internes affaiblissent continuellement l’Empire parthe.

De 147 à 191 : Règne de Vologèse III.

162 :Les hostilités reprennent avec Rome. Les Parthes envahissent l’Arménie, la Cappadoce et la Syrie. Cependant les armées d’Antonin le Pieux remportent la bataille à Dour et poussent les vainqueurs au-delà du Tigre.

165 :Avidius Cassius capture et incendie Ctésiphon.

166 :Les Romains se retirent sous la contrainte de l’épidémie de peste. Par la suite, sous Marc-Aurèle, occupé par les Germains sur le Rhin et le Danube, les Parthes reprennent l’offensive et envahissent la Syrie et l’Arménie.

De 191 à 209 : Règne de Vologèse IV. Les Parthes parviennent à retrouver une puissance menaçante.

197 : Sous le règne de Septime Sévère, les Romains prennent et détruisent à nouveau Ctésiphon. La ville de Hatra réussit toutefois à résister.

216 : Vologèse V et Artaban V se battent pour le pouvoir en Mésopotamie. Plus tard, Artaban V bat à deux reprises l’empereur Macrin.

217 :Assassinat de Caracalla, qui avait déjà envahi la région.

La fin de l’Empire parthe

Le 28 avril 224, Artaban V est tué en Susiane, dans la plaine d’Hormizdaghan, par l’un de ses vassaux révoltés. Celui-ci fonde ensuite la dynastie sassanide.

Les siècles pendant lesquels l’histoire iranienne s’associe aux puissances séleucides, parthes et arsacides témoignent d’une certaine continuité. Ils relient l’Empire achéménide, premier grand empire universel de l’Histoire, à l’Empire sassanide qui incarna, pendant quatre siècles, la vitalité de la civilisation iranienne.

Les Parthes ne réussirent guère à étendre leur influence jusqu’aux côtes de la Méditerranée et de la mer Noire pour restaurer les anciennes frontières occidentales de l’Empire achéménide. À l’époque parthe, la langue dominante était le pehlevi arsacide. Utilisé initialement en Iran central, le pehlevi sassanide parlé dans le Fars, au sud-ouest du pays, le remplace au IIIème siècle. Les populations des régions orientales du monde parthe parlaient le sogdien, qui demeura longtemps une langue internationale importante pour toute l’Asie centrale (rôle qui sera par la suite attribué au persan). Le sace et le tokharien étaient quant à eux pratiqués au nord-est, dans les régions contrôlées par divers peuples scythes, ainsi que par les Tokhariens ou Yue-Tché.

Du point de vue religieux, la déesse Anahita et le très ancien dieu indo-iranien Mithra semblaient être les divinités les plus vénérées, avant que le zoroastrisme ne devienne la religion d’État officielle sous les Sassanides.

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Histoire

L’Iran sous Alexandre le Grand

La conquête de l’Iran par Alexandre le Grand, Iskandar en persan (اسکندر), est un événement marquant de l’Histoire. Après avoir soumis la Grèce et conquis l’Empire achéménide, Alexandre avance vers l’est pour conquérir de nouveaux territoires, notamment l’Iran.

empire Alexandre de Macédoine conquête Iran
L’Empire macédonien d’Alexandre le Grand à son apogée.

En 330 avant Jésus-Christ, Alexandre lance une offensive en Iran, dirigeant son armée vers des villes clés telles que Suse et Persépolis. Les Perses tentent de résister, mais ils sont finalement défaits par la puissance militaire et tactique d’Alexandre. La conquête se poursuivit à travers la région, avec des batailles et des sièges stratégiques, aboutissant à la soumission des différentes provinces iraniennes.

La conquête de l’Iran par Alexandre le Grand

La campagne d’Alexandre le Grand en Iran

-334 :L’armée d’Alexandre franchit le détroit des Dardanelles, marquant ainsi le début de sa campagne contre l’Iran achéménide. Le jeune roi macédonien remporte une première victoire contre les forces perses lors de la bataille du Granique. Il capture successivement Sardes, Milet et Halicarnasse, soumettant ainsi la Carie. De là, il traverse la Lycie, la Pamphylie et la Pisidie pour atteindre Gordion, la capitale de la Phrygie, où se déroule l’épisode célèbre de la rupture du fameux « nœud gordien ». Pendant ce temps, son lieutenant, Parménion, s’empare de la Phrygie hellespontique et de la Lydie. Au printemps de -333, le jeune roi macédonien devient ainsi le maître de toute l’Asie Mineure.

conquête Iran bataille Darius Alexandre
Miniature représentant la bataille entre Darius et Alexandre (1524).
Khamsé (خمسه) de Nizami également connu sous le nom de Pandj Gandj (پنج گنج, « les cinq joyaux »), dont le cinquième livre s’intitule Eskandarnameh (اسکندرنامه), le « livre d’Alexandre » (1198).

-333 :Alexandre remporte la victoire d’Issos, située au nord de la Syrie, contre les troupes de Darius. Ce dernier est contraint battre en retraite vers l’est en repassant l’Euphrate. Alexandre poursuit sa conquête en Phénicie et capture notamment Tyr après un siège de sept mois. Il refuse à deux reprises les offres de compromis de Darius, prêt à lui céder l’Asie Mineure et à payer une rançon élevée pour obtenir la libération de sa famille capturée à Issos. Le conquérant s’empare ensuite de Gaza après un siège de deux mois, puis entre en Égypte où il passe l’hiver -332/-331. C’est lors de cette période qu’il se rend jusqu’à l’oasis d’Amon dans le désert occidental.

-331 :Après avoir traversé l’Euphrate et le Tigre, Alexandre rejette une nouvelle offre de paix de Darius, désormais prêt à fixer la frontière occidentale de son empire sur l’Euphrate. Le souverain iranien subit une nouvelle défaite à la bataille de Gaugamèles. Il est contraint de fuir Arbèles en octobre, où son trésor tombe entre les mains du souverain macédonien. Alexandre entre sans combat dans Babylone, puis dans Suse. Le vainqueur s’empare ensuite de Persépolis, la capitale de l’empire achéménide, qui sera pillée par ses troupes. Il capture ensuite Pasargades avant de partir en direction d’Ecbatane.

L’incendie de Persépolis

En mai 330, Persépolis est ravagé par les flammes et complètement détruit. Bien que cela contredise la politique d’intégration locale que prône Alexandre, les historiens considèrent souvent cet incendie comme volontaire. Le conquérant macédonien aurait ainsi effectué un geste symbolique délibéré envers les Iraniens et les Grecs de la ligue de Corinthe, considéré comme une vengeance pour l’incendie d’Athènes par Xerxès Ier en -480. Il est également possible qu’Alexandre souhaita affirmer son pouvoir sur une population peu disposée à se rallier à lui.

Toutefois, une autre hypothèse suggère qu’Alexandre incendia Persépolis alors qu’il était dans un état d’ébriété et sous l’influence d’ une jeune courtisane athénienne nommée Thaïs. Bien que les troupes macédoniennes accomplissent cette destruction avec une immense joie, Alexandre regrettera ultérieurement cet acte inacceptable pour les Iraniens.

La fin de l’Empire achéménide

-330 :Bessos, le satrape de Bactriane, assassine Darius lors de sa fuite vers l’est de son empire. Son trépas marque la fin de la dynastie achéménide, qui avait fait de l’Iran le premier grand empire de l’Antiquité.

Hiver -330/-329 :Alexandre établit trois villes : Alexandrie d’Ariane (Hérat), Alexandrie de Margiane (Merv) et Alexandrie d’Arachosie (Kandahar).

Il s’installe toutefois à Alexandrie du Caucase, située au sud de l’Hindou-Kouch. Il traverse alors cette chaîne de montagnes pour atteindre l’Asie centrale, où il remporte des victoires contre les Sogdiens. Cela lui permet de prendre le contrôle des régions situées au nord de l’Oxus (Amou Daria) et de l’Iaxartes (Syr Daria).

Alexandre poursuit ses conquêtes vers l’est et réorganise l’empire

-327 :Alexandre épouse Roshanak (روشنک, transcrit Roxane en grec), fille du satrape vaincu Oxyartès. Les historiens grecs rapportent qu’Alexandre lui demanda de retirer son tchador pendant une danse et s’énamoura de sa beauté. Roxane n’avait jusqu’à présent jamais dévoilée en public ce vêtement traditionnel que les femmes iraniennes nobles portaient pour rester cachées aux yeux des autres. Cette même année, il attribue à son père la satrapie de Bactriane et fonde ensuite Alexandrie d’Iaxartes (Khodjend).

mariage Alexandre Roxane Iran
Pietro Antonio Rotari, Alexandre le Grand et Roxane, 1756,
huile sur toile, musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg).

-326 :Après avoir conquis le royaume de Taxila au Pakistan et vaincu le souverain indien Poros, Alexandre avance jusqu’au fleuve Hyphase (aujourd’hui la Setledj, un affluent de l’Indus). Au-delà de ce fleuve, son armée refuse de continuer à avancer. Par la suite, il descend l’Indus et ordonne la construction d’une flotte sous le commandement de Néarque, chargée de rejoindre le golfe Persique. Il divise ensuite son armée en deux : la première partie retournera en Mésopotamie en passant par l’Arachosie, tandis que la deuxième traversera la Gédrosie en longeant la côte, en liaison avec la flotte. Les deux armées se rejoindront finalement près de l’actuelle Bandar Abbas, poursuivant leur avancée en direction de Pasargades puis de Suse, où ils arrivent en -324.

Alexandre réorganise alors son empire en maintenant le système de satrapies et en conservant certains gouverneurs iraniens. Il adopte également les codes de la cour achéménide. Il scelle une alliance politique en épousant Stateira (استاتیرا, également connue sous le nom de Barsine بارسینه), la fille aînée de Darius III, ainsi que Parysatis (پروشات), la fille d’Artaxerxès III. Le jour-même, 10 000 mariages irano-macédoniens sont célébrés à Suse, faisant de cet événement un symbole de l’unification entre les deux cultures.

La mort d’Alexandre et l’ère des Diadoques

-323 :Alexandre meurt à Babylone le 11 juin. Son décès prématuré met en échec l’immense empire qu’il avait bâti.  Roxane, la première épouse d’Alexandre le Grand, s’associe à Perdiccas, l’un de ses généraux, pour tuer Stateira par strangulation. Il est en effet possible que Stateira eut été enceinte, représentant de la sorte un danger pour Roxane. Quant à Parysatis, aucun document écrit ne nous est parvenu, rendant ainsi son sort inconnu. Roxane sera quant à elle assassinée en -309 ou -308 avec son fils Alexandre IV, successeur légitime du conquérant macédonien. Les biographies de ces femmes iraniennes célèbres sont minutieusement étudiées dans notre livre intitulé Les Iraniennes.

Diadoques 323 avant Jésus-Christ accords de Babylone
Partage de l’Empire d’Alexandre résultant des accords de Babylone
en 323 avant Jésus-Christ.

Les dissensions entre les généraux d’Alexandre surviennent immédiatement, le défunt conquérant n’ayant pas désigné d’héritier. Certains auteurs de la Vulgate prétendent qu’Alexandre aurait confié son anneau royal à Perdiccas sur son lit de mort. Selon n’empêche pas Méléagre et la phalange de soutenir le demi-frère d’Alexandre, Philippe III Arrhidé. Perdiccas préconise pour sa part d’attendre la naissance de l’enfant d’Alexandre et Roxane.

Diadoques 321 avant Jésus-Christ accords de Triparadisos
Partage de l’Empire d’Alexandre résultant des accords de Triparadisos
en 321 avant Jésus-Christ.

Ces conflits vont permettre l’émergence des principales dynasties grecques de l’époque hellénistique. À savoir la dynastie Lagide fondée par Ptolémée, la dynastie Séleucide fondée par Séleucos et la dynastie Antigonide fondée par Antigone le Borgne.

Les guerres des Diadoques et le partage de l’Empire d’Alexandre

La succession d’Alexandre ne pouvant se passer dans des conditions idéales, s’ouvre alors l’ère des Diadoques. Pas moins de neuf généraux et compagnons d’Alexandre le Grand vont se battre les uns contre les autres pour accéder au titre royal et à la domination des territoires conquis.

Ces guerres des Diadoques se déroulent de 322 à 281 avant Jésus-Christ, de la coalition contre Perdiccas jusqu’à la bataille de Couroupédion. Elles sont généralement considérées comme le début de l’époque hellénistique.

L’Empire d’Alexandre en 303 avant Jésus-Christ.

Un compromis est alors trouvé lors de l’accord de Babylone en juin -323. Philippe III devient roi aux côtés du futur Alexandre IV, dans l’espoir qu’il soit un garçon. Perdiccas quant à lui devient chiliarque, c’est-à-dire régent de l’« empire » qui englobe les territoires asiatiques. Cependant, il fait exécuter Méléagre et tente de prendre le contrôle total des affaires politiques, suscitant ainsi l’hostilité de certains généraux.

Les guerres des Diadoques, caractérisées par de nombreux changements d’alliances, opposent les principaux généraux d’Alexandre le Grand afin de prendre la direction de son vaste empire ou de contrôler les territoires qui le composent.

En -311, lors d’un premier accord de paix, ils ne sont plus que cinq :

  • Cassandre en Macédoine
  • Lysimaque en Thrace
  • Antigone en Asie Mineure et en Syrie
  • Séleucos en Babylonie et en Iran
  • Ptolémée en Égypte
L’empire d’Alexandre après la bataille d’Ipsos survenue en 301 avant Jésus-Christ.

En -301, les deux vainqueurs de la bataille d’Ipsos, Séleucos et Lysimaque, se partagent l’empire après la défaite d’Antigone. La conséquence s’avère une période de stabilisation, à l’exception de la Macédoine qui connaît une succession de guerres pour le pouvoir ainsi que la menace des invasions celtes.

La défaite de Lysimaque en -281 marque la fin de l’ère des Diadoques. Seul Séleucos survit à cette date, et avec lui la dynastie des Séleucides.