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Anthologie de la poésie persane, de Zabihollah Safâ

Anthologie de la poésie persane (XIème – XXème siècle), de Zabihollah Safâ, est certainement le livre qui nous révèle le mieux ce qu’est véritablement la poésie persane : le Génie et la Beauté.

Anthologie de la poésie persane (XIème – XXème siècle) Z. Safâ

L’Iran, après son invasion par les Arabes au VIIème siècle, trouve refuge dans l’expression poétique qui est devenue le moyen d’expression le plus approprié à son génie. Originaire du Khorassan, province orientale de l’Iran, la poésie iranienne a prospéré sans interruption depuis plus de mille ans. Dès le XIème siècle, elle transcende les frontières du plateau iranien, influençant les Indes et atteignant même les confins de la Chine, ainsi que l’Asie Mineure. Fusionnant les traditions littéraires préislamiques avec la culture musulmane, elle est devenue l’art le plus accompli de l’Iran islamique.

Cette poésie, d’une diversité épique, lyrique, didactique et narrative, se manifeste à travers de multiples formes. Qu’elle soit légère ou grave, qu’elle narre de grandes histoires ou révèle des confidences intimes, elle révèle, avec une remarquable constance, une certaine manière de percevoir le monde, qui est l’esprit d’un peuple. Présente dans tous les aspects de la vie, elle est également le véhicule de la méditation philosophique. C’est par le langage poétique que les Iraniens ont exprimé leurs idées les plus intérieures.

Anthologie de la poésie persane de Zabihollah Safâ, un ouvrage indispensable

Pendant des siècles, cette poésie a enchanté les cours des princes tout en enflammant les foules mystiques. Chaque Iranien, s’il n’est pas poète lui-même, sait apprécier les vers. Un paradoxe saisissant réside dans le fait que les poètes iraniens les plus raffinés sont également les plus populaires. De nombreux extraits traduits présents dans cet ouvrage sont sur toutes les lèvres et touchent les cœurs. Cette anthologie, classée par ordre chronologique, s’étend sur plus d’un millénaire et présente les poètes iraniens les plus renommés.

La poésie persane demeure donc un trésor inestimable, nourrissant l’âme iranienne depuis des siècles. Elle témoigne de l’essence même du peuple et transcende les barrières temporelles et géographiques.

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Être transsexuel en Iran : l’histoire de Maryam Malek Arâ

par Morgan Lotz

Tous droits réservés

L’histoire de Maryam Malek Arâ nous dévoile une facette méconnue de l’Iran sur un sujet surprenant pour le lecteur occidental : être transsexuel en Iran.

être transsexuel en Iran

Le transsexualisme se définit comme le « sentiment éprouvé par le transsexuel d’appartenir au sexe opposé à celui de sa morphologie et de sa physiologie, le menant au désir de changer de sexe. »[1] Juridiquement, il est un « trouble de l’identité sexuelle, caractérisé par une opposition entre d’une part le sexe anatomique, chromosomique et hormonal, et d’autre part, le sexe psychologique et psycho-social. Plus précisément, ce syndrome a été défini par le professeur Küss comme « le sentiment profond inébranlable d’appartenir au sexe opposé », révélant une discordance indépassable entre la dimension subjective du sexe et sa réalité objective. »[2]

Contrairement à ce qui peut être imaginé en Occident, la pratique de la chirurgie de changement de sexe est parfaitement légale en Iran, celle-ci ayant été autorisée par une fatwa de l’ayatollah Khomeyni émise en 1986 et répondant comme remède à ce qui est considéré comme une maladie mentale. Cette fatwa est avant tout une émouvante histoire qui mérite d’être raconté, bien évidemment par nécessité du sérieux scientifique qui encadre la recherche, mais également par son aspect méconnu qui éclaire la figure de l’ayatollah Khomeyni qui demeure encore trop souvent occultée et calomniée.

Maryam Malek Arâ, le premier transsexuel en Iran

Feridoun Malek Arâ naquit à Abkenâr, un village situé près de Bandar Anzali, en 1950. Il devient journaliste à la Radio-télévision nationale iranienne (RTNI) en 1974 et porte déjà à cette époque du maquillage et des vêtements féminins. Il expliquera plus tard :

« J’étais très heureux, mais j’avais une errance mentale et intellectuelle. Parce que j’avais des racines religieuses, je voulais connaître religieusement les conditions et les enjeux de ce travail. [ …] Grâce à mes amis et connaissances de l’IRIB, j’ai pu aller voir la Shahbânou Farah Pahlavi. Elle m’a proposé de rassembler un certain nombre de transsexuels iraniens afin qu’on leur accorde des droits spéciaux, ce que je n’ai malheureusement pas fait. »[3] En réalité, une telle opération fut empêchée par les autorités monarchiques.[4]

Étant une personne religieuse, Malek Arâ souhaite obtenir l’avis d’un clerc qualifié sur la question, il décide alors de rencontrer l’ayatollâh Behbahâni qui effectue une prière dite de l’« istikhâreh », une cérémonie religieuse traditionnelle en Iran qui consiste à ouvrir le Qorân au hasard et interpréter le texte ainsi découvert. Le livre saint s’ouvre sur la 19ème sourate intitulée Maryam, celle-ci contant l’histoire de la Vierge Marie, mère de Jésus-Christ.[5] Pour l’ayatollâh, c’est le présage que la vie de Feridoun sera une vie semblable à celle de la Vierge, c’est-à-dire une vie de lutte et d’épreuves.

Sur les conseils de l’ayatollah Behbahâni, Feridoun écrit donc à l’ayatollah Khomeyni alors exilé en Irak une lettre en 1975, à propos de laquelle il déclare :

« Je lui ai dit que j’avais toujours eu le sentiment d’être une femme. J’avais écrit que ma mère m’avait dit que même à l’âge de deux ans, elle m’avait trouvé devant le miroir en train de me mettre de la craie sur le visage de la même manière qu’une femme se maquille. Il m’a répondu en disant que je devais suivre les obligations islamiques d’une femme. »[6]

Cette réponse ne le convainc guère, expliquant plus tard : « Mon impression était que la fatwa appartenait à 47 chromosomes (qui ont à l’heure de leur naissance deux sexes). »[7] Il faut comprendre par cette expression les hermaphrodites.

Feridoun se rend à Paris en 1978 dans l’espoir de rencontrer l’ayatollâh Khomeyni alors en exil en France ; il n’y parviendra guère et rentre alors en Iran où, après s’être fait licencié de son emploi, il suivra des traitements hormonaux prodigués par des psychiatres qui tentent alors de le faire revenir à une psychologie d’homme. Cela n’empêche pourtant pas Feridoun de s’acquitter de ses obligations civiques et nationales en participant à l’effort de guerre à partir de 1980 lorsque l’Irak attaque l’Iran. À ce propos, il déclare :

« Quand la guerre a commencé, j’ai fait du bénévolat en soins infirmiers près de la ligne de front. Quand je bandais des hommes blessés, ils avaient parfois l’impression qu’une femme le faisait parce que j’étais plus doux et je les entendais se demander quel genre de personne j’étais. Certains des patients blessés chimiquement avaient des plaies qui devaient être pansées près de leurs aines, et parfois ils laissaient entendre qu’ils avaient des sentiments sexuels pour moi. »[8]

Son dévouement sera remarqué, lui permettant de rencontrer des personnalités susceptibles de l’aider, notamment ‘Ali Akbar Hâshemi Rafsandjâni, à cette époque président de l’Assemblée consultative islamique qui deviendra président de la République islamique d’Iran de 1989 à 1997.

Maryam Malek Arâ et l’ayatollah Khomeyni, une rencontre bouleversante

L’histoire de la rencontre entre Malek Arâ et Khomeyni s’avère un évènement fort méconnu mais pourtant révélateur de la sagesse et de la bonté qu’éprouvait l’ayatollâh pour les gens. Alors que Feridoun écrit en 1984 une nouvelle lettre au guide de la révolution, soutenu par Ahmad Djanati (né en 1927) qui est à cette époque membre du Conseil des Gardiens de la Constitution, la réponse est la même que la précédente formulée en 1975. Feridoun décide donc de rencontrer directement l’ayatollâh Khomeyni afin de lui expliquer son cas.

Un soir durant l’année 1986, vêtu d’un costume d’homme et porteur d’une barbe et d’un Qorân enveloppé dans un drapeau iranien[9], il s’approche de Djamârân, un quartier résidentiel du nord de Téhéran où vit l’ayatollah Khomeyni sous la protection des gardiens de la révolution islamique. Détail qui a son importance, Feridoun porte ses chaussures nouées ensemble par les lacets autour de son cou, rappelant Hour ibn Yazid Riâhi, un compagnon de l’Imâm Hossein présent à Karbalâ’, qui cherchait un abri. Il est naturellement contrôlé par les gardes et c’est Seyed Morteza Shadandideh[10], qui n’est autre que le frère aîné de l’ayatollah Khomeyni, qui l’accompagne à l’intérieur du domicile.

Cependant, le service de sécurité l’attrape et le violente, suspectant que le volume de sa poitrine ne dissimule des explosifs destinés à assassiner le guide de la révolution alors que la guerre imposée par l’Irak à l’Iran dure depuis plusieurs années et que des tentatives d’assassinats contre sa personne ont déjà été déjouées. Il s’avère en fait que ce volume n’est autre qu’un soutien-gorge soutenant une poitrine féminine ; les femmes présentes dans la pièce lui donnent alors un tchador pour se couvrir. C’est alors qu’Ahmad Khomeyni, le fils de l’ayatollah, arrive et dialogue avec Feridoun, dont l’histoire l’émeut. Il décide alors de lui apporter son aide et l’emmène voir son père, devant qui Feridoun s’évanouit sous la pression dû à sa nervosité.

Témoignage de Maryam Malek Arâ, premier transsexuel en Iran. Cette vidéo fut censurée par YouTube.

Feridoun, devenu ce soir-là Maryam, déclare à propos de cet évènement :

« C’était le paradis, l’espace, le moment et tout était le paradis pour moi. J’étais dans le couloir et j’ai entendu l’imâm Khomeyni en colère contre ceux qui l’entouraient et crier pourquoi vous traitiez quelqu’un qui s’était réfugié chez nous de cette manière et lui causiez du mal. L’imâm Khomeyni a dit : « C’est le serviteur de Dieu. » L’imâm a consulté trois de ses médecins de confiance et lui a posé des questions sur la différence entre les transsexuels et les problèmes neutres. Après cela, tout a changé pour moi. »[11]

L’ayatollâh Khâmenei, alors président de la République islamique d’Iran, est également présent ce soir-là d’après le témoignage de Maryam :

« Depuis lors, je suis entrée dans le hijab féminin, et le jour où il a émis la fatwa, l’ayatollah Khamenei (alors président) m’a taillé un tchador et m’a fait entrer dans le hijab islamique avec la salutation au Prophète et toutes les félicitations. »[12]

Fatwade l’ayatollah Khomeyni

En quittant la maison de Djamârân, Maryam emporte avec elle une lettre de Khomeyni adressée au procureur en chef, cette fatwa lui indiquant l’autorisation religieuse de pouvoir procéder à la chirurgie de changement de sexe par ces mots qui la libérèrent :

« Au nom de Dieu. La chirurgie de changement de sexe n’est pas interdite dans la charia si des médecins fiables le recommandent. Si Dieu le veut (inshallâh), vous serez en sécurité et j’espère que les personnes que vous avez mentionnées pourront s’occuper de votre situation. »

Nous passons volontairement sous silence quelques informations concernant sa vie privée. Maryam Malek Arâ fonde en 1997 un organisme de bienfaisance, le Comité national de protection des malades du trouble de l’identité et des transgenres d’Iran (komiteh-yé keshvari-yé hemâyat âz bimârân-é ekhtelâl-é hoviyati va trâdjensi-yé irân), lui permettant notamment de faire financer son opération par l’État[13] via le Comité de secours de l’Imâm Khomeyni (komiteh-yé emdâd emâm Khomeyni), une organisation religieuse étatique fondée par l’ayatollâh afin de subvenir aux besoins des nécessiteux. Elle fera une seconde opération chirurgicale en Thaïlande en 2001.

Son organisme devient en 2007 la Société deprotection des malades souffrant du troubles de l’identité de genre en Iran(andjoman hemâyat âz bimârân mobtalâ bé ekhtelâlât-é hoviyat-é djensi-é irân)avec l’aide notamment de Zahrâ Shodjâ’i, vice-présidente iranienne des affaires féminines, et ‘Ali Râzini, chef du Tribunal spécial du Clergé.

Tombe de Maryam Malek Arâ

Maryam Khâtoun Malek Arâ est emporté par un accident vasculaire cérébral le 25 mars 2012. Elle repose dans son village natal d’Abkenâr.

Les droits des transsexuels en Iran

Dans son ouvrage de jurisprudence islamique Tahrir al-vasileh paru en 1964, l’ayatollâh Khomeyni aborde pour la première fois dans la théologie shî’ite la question de la chirurgie de changement de sexe pour confirmer qu’il n’existe aucune restriction religieuse à son encontre :

« Il semble que la chirurgie de changement de sexe pour homme à femme ne soit pas interdite (haram) [dans l’Islam] et vice versa, et il n’est pas non plus interdit à un khuntha (hermaphrodite/intersexué) qui la subit d’être attaché à l’un des sexes [féminin ou masculin]. Et [si l’on demande] une femme/un homme est-il obligé de subir la chirurgie de changement de sexe si la femme trouve en elle-même des désirs [sensuels] similaires aux désirs des hommes ou une preuve de masculinité en elle-même – ou un homme trouve en lui-même des désirs [sensuels] similaires au sexe opposé ou une preuve de féminité en lui-même ? Il semble que [dans un tel cas] si une personne appartient vraiment [physiquement] à un sexe [déterminé], une chirurgie de changement de sexe n’est pas obligatoire (wajib), mais la personne est toujours éligible pour changer son sexe dans le sexe opposé. »[14]

Le changement n’est pas interdit car il ne modifie pas la personne en son essence mais seulement l’apparence physique. L’hodjatoleslâm Mohammad Mehdi Kariminiâ, qui rédigea sa thèse de doctorat sur ce sujet, déclare : « Je veux suggérer que le droit des transsexuels de changer de genre est un droit humain. J’essaie de présenter les transsexuels aux gens à travers mon travail et, en fait, d’éliminer la stigmatisation ou les insultes qui s’attachent parfois à ces personnes. »[15] De plus, M. Alipour souligne la maxime juridique islamique appelée « principe de dominante » (isalt al-taslit), qui édicte le droit et le contrôle de son corps et de ses biens par chacun. Il précise :

« […] il est important de savoir que ce droit dans l’Islam est limité à toutes les possessions qui sont considérées comme rationnelles chez les êtres humains. En effet, changer le corps par la chirurgie est généralement considéré comme rationnel. Sur la base de cette règle, tout le monde peut exercer son droit et, par conséquent, peut changer son corps par la chirurgie (Kharrazi, 1999, p. 24). »[16]

La législation sur les transsexuels en Iran, l’héritage de Maryam Malek Arâ

La loi de protection de la famille de 2012 précise que la demande de changement de sexe est à adressée au tribunal chargé des affaires familial (chapitre 1, paragraphe 18, article 4). La Cour suprême a rendu pour sa part un avis affirmant la compétence des tribunaux pour la modification de l’état civil. Ainsi, les personnes accomplissant une chirurgie de changement de sexe, sous réserve d’une approbation médicale, obtiennent consécutivement la modification de leurs certificat de naissance, papiers d’identité et permis de conduire.

Le Comité de secours de l’Imâm Khomeyni fourni des prêts équivalents à 1200 dollars afin de financer des opérations de changement de sexe, qui sont fréquentes en Iran et attirent même des transsexuels des pays arabes où cela est bien souvent interdit. À noter que le Guide de la Révolution ‘Ali Khâmenei, qui succéda à Rouhollâh Khomeyni en 1989, confirma cette fatwa. L’Iran est d’ailleurs le deuxième pays au monde en matière d’opérations de changement de sexe, après la Thaïlande.[17]


[1] Définition de Transsexualisme, Centre national de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL).

[2]Point sur le transsexualisme, Dalloz Actu Étudiant, 13 septembre 2012 (https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/point-sur-le-transsexualisme/h/a6ee22e2f253c4aff48071683da16fac.html).

[3] Behzâd Bolour, تغيير جنسيت در ايران (« Changement de genre en Iran »), BBC Persian, 19 mai 2006 (https://www.bbc.com/persian/arts/story/2006/05/060519_7thday_bs_transexual).

[4]Société deprotection des malades souffrant du troubles de l’identité de genre en Iran page d’accueil de son site internet (https://web.archive.org/web/20120210163053/http:/www.gid.org.ir/Default.aspx?PageID=52&RelatedID=IMaM).

[5] Angus McDowall et Stephen Khan, The Ayatollah and the transsexual (« L’ayatollah et le transsexuel »), Independent, 25 novembre 2004 (https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/the-ayatollah-and-the-transsexual-21867.html).

[6]دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند (« Une rencontre bisexuelle avec l’imâm Khomeyni + photos et documents »), Tasnim, 13 décembre 2013 (دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند- اخبار رسانه ها تسنیم | Tasnim (tasnimnews.com)).

[7] Behzâd Bolour, op. cit.

[8] Angus McDowall et Stephen Khan, op. cit.

[9] دیدار تاریخی یک دوجنس با امام خمینی(ره) + عکس و سند, op. cit.

[10] L’ayatollâh Khomeyni (24 septembre 1902 – 3 juin 1989), avait trois sœurs (Mouloudeh Aghâ Khânom, Fâtemeh Khânom et Aqâzâdeh Khânom) et deux frères : Seyed Morteza Shadandideh (1er avril 1896 – 12 novembre 1996), lui aussi religieux, et Seyed Nourâldin Hindi (19 février 1898 – 21 juillet 1976) qui fut avocat. Ce dernier avait été contraint de quitter son poste de président du palais de justice de Khomeyn sur ordre de Rezâ Shâh qui l’avait fait arrêter en 1924. Après la réforme du kafsh-é hedjâb en 1936 qui interdit les vêtements iraniens et impose par la force les habits occidentaux (Cf. notre livre Les Iraniennes, L’Harmattan, 2022) il sera contraint de porter un costume occidental et une cravate jusqu’à la fin de sa vie, en dépit de ses demandes répétées de pouvoir porter le turban et le ‘aba qui lui furent refusé en raison de son statut de laïc.

Leur différence de nom de famille provient du fait que la loi sur l’état civil, promulguées en 1918 et modifiée par Rezâ Shâh par décret du 10 juin 1928, n’autorisait pas la duplication de noms de famille identiques dans une ville. Mostafavi fut choisi en référence à leur père Seyed Mostafa Mousavi (1861 – assassiné en février 1903) et Hindi en référence à leur grand-père paternel, Seyed Ahmad Hindi, originaire d’Inde.

[11]Ibid.

[12] Nazila Fathi, As Repression Eases, More Iranians Change Their Sex (« Alors que la répression s’atténue, de plus en plus d’Iraniens changent de sexe »), The New York Times, 2 août 2004 (https://www.nytimes.com/2004/08/02/world/as-repression-eases-more-iranians-change-their-sex.html?pagewanted=all&src=pm).

[13] Angus McDowall et Stephen Khan, op. cit.

[14] Rouhollâh Mostafavi Khomeyni, Tahrir al-vasileh, 1964, vol. 2, p. 626. Cité par M. Alipour (2017) Islamic shari’a law, neotraditionalist Muslim scholars and transgender sex-reassignment surgery: A case study of Ayatollah Khomeini’s and Sheikh al-Tantawi’s fatwas, International Journal of Transgenderism, 18:1, 91-103, DOI: 10.1080/15532739.2016.1250239 (https://www.tandfonline.com/doi/citedby/10.1080/15532739.2016.1250239?scroll=top&needAccess=true&role=tab).

[15] Frances Harrison, Iran’s sex-change operations (« Les opérations iraniennes de changement de sexe »), BBC, 5 janvier 2005 (http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/newsnight/4115535.stm).

[16] M. Alipour, op. cit.

[17] Vanessa Barford, Iran’s ‘diagnosed transsexuals’ (« Les « transsexuels diagnostiqués » en Iran »), BBC, 25 février 2008 (http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/7259057.stm).

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Géopolitique et DiplomatieHistoire

L’Iran face au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

par Morgan Lotz

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Le 13 septembre 2022, les combats reprennent entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce dernier poursuivant l’offensive entamée en septembre 2020 et avançant sur 7 kilomètres à l’intérieur des terres arméniennes selon les dires du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. L’Arménie n’est dès lors reliée à l’Iran que par son étroit corridor terrestre large de de 35 à 40 kilomètres, dénommé le « corridor de Zangezur », censé relier l’Azerbaïdjan à sa région du Nakhitchevan frontalière avec la Turquie. L’annexion de ce corridor permettrait de réunir les deux morceaux de l’Azerbaïdjan et en même temps l’Azerbaïdjan à la Turquie, de même qu’il séparerait l’Arménie de l’Iran.

Arménie et Azerbaïdjan

De son côté, le gouvernement turc annonce que 45 000 militaires appartenant à ses corps de réserve sont déployés le long de la frontière turque avec l’Arménie en vue de soutenir l’Azerbaïdjan. Conséquemment, les forces armées iraniennes renforcent leur dispositifs militaires à leur frontière commune avec les deux pays et des responsables iraniens déclarent officiellement que leur pays n’acceptera aucune modification des frontières existantes, autant pour l’Iran que pour l’Arménie. 

De plus, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian inaugure le 21 octobre 2022 un consulat dans la ville arménienne de Kapan, constituant de la sorte le signe d’un soutien à l’Arménie puisque l’Iran est désormais le premier pays à établir une mission diplomatique dans la province recherchée par Bakou et Ankara.

Iran-Arménie-Azerbaïdjan, une situation complexe à étudier au prisme de l’histoire

Le narratif d’une Arménie chrétienne assaillie par le monde islamique s’effondre de lui-même devant la réalité : l’Iran, premier partenaire commercial de l’Arménie dont furent d’ailleurs originaires les plus grands généraux de Shâh ‘Abâs (1571-1629), n’est guère en phase avec le régime azerbaïdjanais et son président Aliyev soutenu par la Turquie et Israël qui lui fournit du matériel, notamment des drones, et déploie ses forces dans quatre bases du Mossad dans ce pays pourtant shî’ite mais dont Aliyev combat l’influence au profit d’une vision nationaliste pan-turquiste. Or, ce grand pays turque englobe l’actuelle Turquie et l’Azerbaïdjan qui comprend selon cette vision l’Arménie et la région du nord-ouest de l’Iran qui se nomme l’Azerbaïdjan iranien, peuplée d’Azéris appartenant ethniquement à la famille des peuples turcs. Nous comprendrons par la suite en quoi cette précision est importante.

Le 16, des affrontements armés éclatent le long de la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan. L’Azerbaïdjan et le Tadjikistan partagent le point commun d’être des peuples turcs et d’entretenir des relations avec le président turc Erdogan qui rêve de ressusciter le Touran, ce grand pays des Turcs qui affrontèrent les Iraniens dans les temps mythiques, conquêtes et empires qu’ont si bien conté Ferdousi dans le Livre des Rois et André Malraux dans Les Noyers de l’Altenburg, sans toutefois tombé pour ce dernier dans l’illusion de sa résurrection, en témoigne ce passage où le personnage Vincent Berger est délivré de ses illusions par l’humiliation qu’il subit dans le bazar de Ghazni, en Afghanistan.[1]

L’idéologie pan-turquiste de l’Azerbaïdjan menace autant l’Iran que l’Arménie

Le 19, à Ankara, un groupe de réflexion azerbaïdjanais publie un compte rendu de ses travaux énonçant la nécessité de créer une « République turque Goycha-Zangezur » pour « parvenir à une paix juste et à la stabilité dans la région », correspondant aux actuelles provinces arméniennes de Gegharkunik-Sevan et Syunik, dont les noms en azerbaïdjanais sont respectivement Goycha et Zangezur.[2] Le « corridor de Zangezur » est une menace grave pour l’Arménie puisque sa constitution la séparerait du Haut-Karabagh qui lui est relié par le corridor de Latchine, celui-ci constituant le dernier lien entre l’Arménie et le Haut-Karabagh où vivent 120 000 Arméniens.

Le 12 décembre, l’Azerbaïdjan franchit un pas supplémentaire dans sa politique de blocus en bloquant le corridor de Latchine (en arménien Berdzor) au prétexte d’une manifestation de militants écologistes opposés à l’exploitation des mines d’or, de cuivre et d’argent. Les conséquences ne sont guère négligeables : les Arméniens du Haut-Karabagh sont coupés de l’Arménie, de même que les 2000 soldats de la paix russes qui y sont stationnés jusqu’en 2025.[3] Les conséquences sont désastreuses puisque les ravitaillements de nourriture et de médicaments sont impossibles en raison du blocus azerbaïdjanais. Le média azerbaïdjanais Caspian Newsaccuse d’ailleurs les Arméniens d’inviter des conseillers militaires iraniens pour les forces d’autodéfense du Haut-Karabagh et les accuse d’être passés par le corridor de Latchine pour gagner la région disputée.[4]

La chute du Haut-Karabagh serait aussi dérangeant pour l’Iran que pour l’Arménie :

«  En cas de chute de Stepanachardt (centre du Haut-Karabakh), des scénarios désagréables sont imaginables face à la région du Caucase du Sud et aux zones environnantes, y compris l’Iran. L’élimination d’une barrière telle que le Haut-Karabakh ouvre la voie à l’occupation territoriale de l’Arménie et modifie la carte de la région et, à long terme, porte des coups sécuritaires au nord-ouest de l’Iran. »[5]

Les enjeux du Caucase dépassent l’Arménie, l’Iran et l’Azerbaïdjan

L’embrasement du Caucase serait dévastateur quant à ses conséquences, autant pour la région elle-même que pour la Turquie, l’Iran et la Russie. Les exercices militaires menés en décembre 2022 à proximité de la frontière iranienne par l’armée de Bakou avec la participation de la Turquie – une « réponse à l’Iran » selon les mots du député azerbaïdjanais Azar Bayramov – n’augure rien de bon ; celle-ci a d’ailleurs envoyé des chasseurs F-16 semblablement à ses agissements de 2020 quelques semaines avant l’offensive azérie sur le Haut-Karabagh.

Hulusi Akar, ministre turc de la Défense, n’hésite pas à déclarer : « Personne ne devrait oublier que la Turquie est toujours aux côtés de l’Azerbaïdjan. Si nécessaire, nous savons être une seule armée, une seule puissance et un seul poing avec l’Azerbaïdjan. Nous considérons que les menaces ou les provocations contre la Turquie ou l’Azerbaïdjan visent les deux. »[6] La sécurité nationale iranienne est étroitement liée à celle de l’Arménie, ces deux pays étant menacé par le projets pan-turquistes d’Erdogan et d’Aliyev.

Le conflit du Caucase peut-il dès lors être interprété comme une prolongation de l’affrontement irano-israélien dans le conflit syrien dans le sens où l’affrontement oppose via des acteurs projetés le camps de l’OTAN et de ses alliés (la Turquie, membre de l’organisation atlantiste, et Israël soutenant militairement l’Azerbaïdjan) contre l’Iran (soutenant son allié historique arménien) ?

L’Azerbaïdjan revêt pour Israël un intérêt stratégique majeur en raison de son accolement à l’Iran, lui permettant de se projeter plus efficacement et plus facilement dans l’espace iranien, notamment dans le cadre de frappes ciblées par son aviation et ses drones, ses chasseurs-bombardiers israéliens F-15I et F-16I  disposant conséquemment de bases alliées plus proches pour une projection sans nécessité contrainte par un ravitaillement et pour un retour de missions désarmé moins longtemps exposé à la défense iranienne. En effet, le trajet d’Israël à l’Iran faisant 3550 kilomètres[7], même équipés de réservoirs supplémentaires, les réserves de carburant des avions atteindraient leurs limites ; un atterrissage en Azerbaïdjan leur permettrait donc une économie de 1300 kilomètres[8].

L’International Institute for Strategic Studies rappelle dans son rapport intitulé Military Balance 2011 la présence de quatre aérodromes soviétiques abandonnés pouvant être réhabilités :

« Les responsables du renseignement et de la diplomatie américaine m’ont dit qu’ils croyaient qu’Israël avait obtenu l’accès à ces bases aériennes grâce à une série d’accords militaires et politiques discrets. « Je doute qu’il y ait quoi que ce soit d’écrit », a ajouté un ancien diplomate qui avait effectué sa carrière dans la région. « Mais je pense qu’il n’y aucun doute, si des avions israéliens souhaitent atterrir en Azerbaïdjan après une attaque, qu’ils seront autorisés à le faire. Israël est très bien implanté en Azerbaïdjan depuis deux décennies.,» »[9] Cette vision stratégique n’est cependant pas nouvelle, le général israélien Oded Tira ayant déjà évoqué la nécessité pour Israël de se projeter plus en avant contre l’Iran : « Nous devrions également coordonner avec l’Azerbaïdjan l’utilisation de bases aériennes sur son territoire et obtenir le soutien de la minorité azérie en Iran. »[10]

De plus, l’utilisation de bases aériennes en Azerbaïdjan permettrait à Israël de déployer des unités héliportées de recherche et d’assistance dans les jours précédant une frappe, ces unités étant destinées à porter secours à des pilotes dont l’aéronef aurait été abattu par la défense anti-aérienne adverse. L’armée israélienne a d’ailleurs mené conjointement avec son homologue roumain des manœuvres en Roumanie[11], dont le terrain montagneux sont similaires aux sites nucléaires israéliens enterrés sous des massifs montagneux. L’aérodrome de Sitalcay – qui accueillait un escadron de Sukhoi Su-25 –, situé à 65 kilomètres au nord-ouest de Bakou et 550 kilomètres de l’Iran semble tout disposé pour une telle éventualité, ses deux tarmacs étant disposés pour accueillir des avions de chasse et des bombardiers.

De son côté, le président azerbaïdjanais Aliyev compare les relations entre son pays et l’État hébreux à un iceberg :

« Les contacts israéliens nous disent que le Président Aliyev a eu raison de décrire la relation bilatérale comme un iceberg ; les neuf dixièmes de celui-ci se trouvent sous la surface au cours de la visite du ministre de l’Agriculture Shalom Simhon. »[12]

Donald Lu note à propos de cette coopération :

« Les relations d’Israël avec l’Azerbaïdjan sont fortement fondées sur le pragmatisme et une appréciation aiguë des priorités. L’objectif principal d’Israël est de préserver l’Azerbaïdjan en tant qu’allié contre l’Iran, une plate-forme de reconnaissance de ce pays et en tant que marché pour le matériel militaire. Afin d’assurer ces objectifs, les Israéliens se sont parfaitement adaptés à ces objectifs. Les besoins du GOAJ en tant que membre de l’OCI et en tant qu’État ) comme Israël ) coincé entre large voisins puissants et hostiles. Ils renoncent à la possibilité de faire pression sur le GOAJ sur le secondaire problèmes pour sécuriser les principaux. Il nous apparaît clairement que pour l’instant, les deux parties sont bien satisfaites de l’état des lieux. »[13]

L’alliance de toujours Arménie-Iran menacée par Israël et l’Azerbaïdjan

Le pays caucasien présente d’autres atouts pour les Israéliens : les services de renseignement israéliens disposent de stations d’écoute le long de la frontière[14] et l’ambassade d’Iran dans le pays – celle-ci ne comptant pas moins de 200 employés en 2000[15] – est une cible de premier choix pour la surveillance. Bien évidemment, l’Iran déploie de son côté ses services compétents pour se prémunir de cette menace au nord-ouest de son territoire. Mark Perry, analyste principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft basé à Washington, précise que « quatre diplomates et officiers de renseignement de haut rang disent que les États-Unis estiment désormais qu’Israël a récemment obtenu l’accès à des bases militaires à la frontière nord de l’Iran. »[16], ces derniers témoignant d’une inquiétude croissante de l’expansion militaire israélienne qui compliquent selon eux les démarches américaines de réduction des tensions entre l’Iran et Israël.

De plus, l’éventualité d’un conflit n’est donc plus contenue au golfe Persique mais peut s’étendre au Caucase, menaçant par là les frontières russes. Les États-Unis s’inquiètent d’une telle éventualité, en témoigne les propos rapportés par Mark Perry : « « Nous observons attentivement ce que fait l’Iran », a confirmé une des sources américaines, un officier du renseignement chargé d’évaluer les ramifications d’une potentielle attaque israélienne. « Mais nous observons maintenant ce que fait Israël en Azerbaïdjan. Et nous n’en sommes pas satisfaits. ». ».

Israël peut profiter des relations détériorées entre Bakou et Téhéran :

« l’Iran a présenté le mois dernier à l’ambassadeur azerbaïdjanais une note affirmant que Bakou a soutenu des équipes d’assassinat ciblé formées par Israël et visant des savants iraniens, une accusation que le gouvernement azerbaïdjanais a désignée comme « un mensonge ». »[17]

L’Iran a pour sa part de quoi s’inquiéter : outre un contrat d’armement de 1,6 milliards de dollars conclu en février 2012 entre Israël et son voisin du nord portant sur la livraison de système antimissiles et de drones, l’Azerbaïdjan joue sur les minorités ethniques et les tensions régionales. Ainsi plusieurs députés demandent-t-ils en février 2012 de renommer leur pays en « Azerbaïdjan du Nord », sous-entendant de la sorte que la région iranienne serait séparée de son pays originel et occupée par l’Iran.[18]

En mars suivant, 22 personnes sont arrêtées par les autorités de Bakou sous l’accusation de prévoir « des actes terroristes contre les ambassades des États-Unis, d’Israël et d’autres États occidentaux et les employés des ambassades »[19] – aucun pays étranger ne remettra en cause ces accusations ; qu’en aurait-il été si c’était l’Iran qui avait énoncé cela sinon des accusations d’arrestations « arbitraires » ? Le 29 novembre 2022 est d’ailleurs créée en Suisse l’Organisation pour la protection des droits des Azerbaïdjanais du Sud, celle-ci annonçant la soumission de « documents » et d’« informations aux organisations internationales, y compris l’ONU » traitant des « droits des personnes dans la province azerbaïdjanaise d’Iran ».[20]

Les désaccords entre l’Iran et l’Azerbaïdjan concerne également les ressources énergétiques en mer Caspienne, cette dernière regorgeant de pétrole et de gaz. En effet, Téhéran refuse de reconnaître les droits de Bakou sur la base d’une division égale des eaux territoriales entre les cinq États riverains (à savoir l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Kazakhstan, la Russie et le Turkménistan) en raison des traités irano-soviétiques signés 1921 et 1941 qui divisent la mer entre les deux pays riverains à l’époque (l’URSS et l’Iran) et confèrent à l’Iran des droits exclusifs sur plus de la moitié de la mer Caspienne, ceux-ci persistant aux dépens des autres États riverains issus de l’éclatement de l’URSS.

Les relations avec Israël sont également intéressantes pour l’Azerbaïdjân au point de vue économique : l’État hébreux est le deuxième client importateur de pétrole azerbaïdjanais[21], transporté via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan inauguré en mai 2005, en échange de matériaux et d’équipements militaires utiles à l’Azerbaïdjân, commerce s’avérant bien utile pour ce dernier sanctionné par un embargo de l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE) depuis février 1992 et faisant suite au premier conflit dans le Haut-Karabagh. De plus, l’Azerbaïdjan renforce sa dissuasion vis-à-vis de ses voisins.

Cette coopération s’est accélérée après le différend entre Israël et la Turquie consécutif à l’affaire de la flottille turque survenue le 31 mai 2010 alors qu’elle se rendait à Gaza – neuf citoyens turcs périrent lors de l’assaut israélien, plusieurs corps présentant des impacts de balles tirées à bout portant dans la tempe, le visage ou dans le dos et à l’arrière de la tête.[22] Israël refusa de présenter des excuses réclamées par le gouvernement turc et annula 150 millions de dollars de contrats de développement et de fabrication de drones turcs pour se tourner vers l’Azerbaïdjan.

Les relations officielles furent établies dès le mois d’avril 1992 – moins d’un an après l’indépendance de l’ex-pays de l’URSS proclamée le 18 octobre 1991 – et le développement des relations économiques entre l’Azerbaïdjan et Israël débuta en 1994 après que la société israélienne de télécommunication Bezeq acheta une importante part de la société nationale de téléphonie azerbaïdjanaise.

Le marché s’ouvre alors pour les Israéliens et d’importants responsables politiques ne tardent pas à se rendre en visite officielle dans le pays bordant la mer Caspienne (Ephraïm Sneh, alors ministre de la Santé, en mars 1996 ; Benjamin Netanyahou en 1997 ; une délégation parlementaire en 1998 ; Avigdor Lieberman, vice-Premier ministre, et Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, en 2007 ; le président israélien Shimon Peres en 2009, accompagné par Avi Leumi, un ancien responsable du Mossad qui avait préparé la voie pour l’accord sur les drones et devenu le PDG d’Israel Aeronautics Defense Systems, ; Liebermann, devenu ministre des Affaires étrangères, en février 2012).

Les États-Unis en embuscade

Les États-Unis s’intéressent de plus près à cette coopération au cours de l’année 2001, alors que se renforce les échanges militaro-industriels stratégiques, notamment lorsque l’entreprise d’armement israélienne Elbit Systems s’allie à son homologue géorgien Tbilissi Aerospace Manufacturing, développant notamment l’ avion d’appui aérien rapproché soviétique SU-25 Scorpion dont l’un des premiers client ne sera autre que l’Azerbaïdjan. Suivra une collaboration entre cette entreprise israélienne pour la mise au point du système de reconnaissance satellite TecSar et du véhicule d’infanterie Namer.[23] Des entreprises de sécurité israéliennes surveillent également les infrastructures pétrolières azerbaïdjanaises et assurent la protection du président Aliyev lors de ses déplacements à l’étranger[24]. Ilya Bourtman ancien chercheur au Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques à Ramat Gan, en Israël, voit la naissance de la coopération azerbaïdjanaise avec l’État hébreux motivé par un « manque d’alternative » :

« En 1991, l’Azerbaïdjan était économiquement fragile, politiquement instable et militairement faible. Ayant désespérément besoin d’une aide extérieure, Bakou s’est tourné vers Israël pour fournir un levier contre un Iran beaucoup plus fort et une Arménie militairement supérieure. Israël a promis d’améliorer la faiblesse de l’économie de l’Azerbaïdjan en développant des liens commerciaux. Il a acheté du pétrole et du gaz azerbaïdjanais et a envoyé des experts médicaux, technologiques et agricoles. Plus important encore pour l’Azerbaïdjan, le ministère israélien des Affaires étrangères a promis de prêter le poids de son lobby à Washington pour améliorer les relations américano-azéries, fournissant un contrepoids à l’influent lobby arménien. »[25]

Concernant les relations entre les États-Unis et l’Azerbaïdjan, le Congrès adopta en 1992 le Freedom Support Act destiné à soutenir toutes les anciennes républiques soviétiques à l’exception de l’Azerbaïdjan, l’article 907 de cette loi ne prévoyant d’aide à ce pays qu’à la condition de la résolution du conflit dans le Haut-Karabagh[26]. Aucune aide économique ne lui sera attribuée dans les années 1990, contrairement à l’Arménie qui perçut plus d’un milliard de dollars. Cela n’empêche guère les États-Unis d’associer l’Azerbaïdjan à l’OTAN qui rejoint en 1992 le Conseil de coopération nord-atlantique et adhére en 1994 au Partenariat pour la paix (PPP), « un programme de coopération pratique bilatérale entre l’OTAN et des partenaires euro-atlantiques »[27], semblablement à ses voisins arméniens et géorgiens qui suivirent le même parcours.

Il est également intéressant de noter que l’ambassade des États-Unis en Arménie n’accueille pas moins de 2500 personnes, un nombre de diplomates plus que disproportionné pour un petit pays – il est aisé de comprendre au vue de la situation géographique de ce pays que la plupart des membres du personnel ne sont pas des « diplomates »…


[1] André Malraux, Les Noyers de l’Altenburg, Gallimard, 1948, pp. 70-71.

[2]L’avènement et la chute de la « République de Goycha-Zangezur » de l’Azerbaïdjan, Le Courrier d’Erevan, 29 septembre 2022 (https://www.courrier.am/fr/region/lavenement-et-la-chute-de-la-republique-de-goycha-zangezur-de-lazerbaidjan, consulté le 29 janvier 2023).

[3] Virginie Pironon, Arménie-Azerbaïdjan : l’enclave arménienne du Haut-Karabakh coupée du monde, Radio France, 28 janvier 2023 (https://www.radiofrance.fr/franceculture/armenie-azerbaidjan-l-enclave-armenienne-du-haut-karabakh-coupee-du-monde-8762161, consulté le 29 janvier 2023).

[4] Gunay Hajiyeva, Illegal Entry of Iranians into Azerbaijan’s Karabakh Region Raises Suspicions (« L’entrée illégale d’Iraniens dans la région azerbaïdjanaise du Karabakh suscite des soupçons »), Caspian News, 1er décembre 2022 (https://caspiannews.com/news-detail/illegal-entry-of-iranians-into-azerbaijans-karabakh-region-raises-suspicions-2022-12-1-0/, consulté le 29 janvier 2023).

[5] قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است (« Le Haut-Karabakh, la région qui est la ligne rouge de l’intégrité territoriale de l’Iran »), Eghtesaad24, 17 décembre 2022 (قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است | اقتصاد24 (eghtesaad24.ir), consulté le 29 janvier 2023).

[6] Zulfugar Agayev, Turkish, Azeri Armies Hold Drills Near Iran Border Amid Tension (« Les armées turque et azérie organisent des exercices près de la frontière iranienne dans un contexte de tension »), Bloomberg, 6 décembre 2022 (https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-12-06/turkish-azeri-armies-hold-drills-near-iran-border-amid-tension, consulté le 29 janvier 2023).

[7] Propos de David Isenberg, analyste des questions de défense, rapporté par Mark Perry in L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, Slate, traduit par Felix de Montety, 30 mars 2012 (https://www.slate.fr/story/52415/ww.meforum.org/987/israel-and-azerbaijans-furtive-embrace, consulté le 22 janvier 2023).

[8] Propos du général Joe Hoar, ancien commandant du Centcom, rapporté par Mark Perry, ibid.

[9] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[10] Oded Tira, What to do with Iran? (« Que faire de l’Iran ? »), Ynetnews, 30 décembre 2006 (https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3346275,00.html, consulté le 22 janvier 2023).

[11] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit. Les premiers entrainements de l’armée de l’air israélienne ont débuté dans le ciel roumain en 2004 et un accord militaire fut signé en 2006 entre Israël et la Roumanie permettant à Israël d’y déployer des avions de combat (Herb Keinon, Analysis : Disaster shines light on Romania ties (« Analyse : Une catastrophe met en lumière les liens avec la Roumanie »), The Jerusalem Post, 27 juillet 2010 (https://www.jpost.com/International/Analysis-Disaster-shines-light-on-Romania-ties, consulté le 22 janvier 2023)).

[12]Azerbaijan’s discreet symbiosis with Israel (« La symbiose discrète de l’Azerbaïdjan avec Israël »), Canonical ID:09BAKU20_a, câble de Donald Lu, assistant chef de mission de l’ambassade américaine à Bakou, envoyé au quartier général du département d’État à Foggy Bottom, 13 janvier 2009, publié par Wikileaks (https://wikileaks.org/plusd/cables/09BAKU20_a.html, consulté le 22 janvier 2023).

[13]Ibid. « Israel,s relations with Azerbaijan are based strongly on pragmatism and a keen appreciation of priorities. Israel,s main goal is to preserve Azerbaijan as an ally against Iran, a platform for reconnaissance of that country and as a market for military hardware. In order to ensure those goals, the Israelis have keenly attuned themselves to the GOAJ,s needs as an OIC member and a state ) like Israel ) wedged between large, powerful and unfriendly neighbors. They forgo the option of pressuring the GOAJ on secondary issues to secure the primary ones. It is apparent to us that for now both sides are well satisfied with the bilateral state of affairs. »

[14] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ? (« Bonnes relations entre l’Azerbaïdjan et Israël : un modèle pour les autres États musulmans d’Eurasie ? »), Washington Institute for Near East Policy, 30 mars 2005 (https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/good-relations-between-azerbaijan-and-israel-model-other-muslim-states-eurasia, consulté le 27 janvier 2023).

[15] Avi Machlis, Azerbaijan Courts Jews, Israel to Win Favor with U.S. (« L’Azerbaïdjan courtise les Juifs et Israël pour tenter de gagner les faveurs des États-Unis »), Jewish Telegraphic Agency news service (New York), 2 février 2000 (https://www.jta.org/archive/azerbaijan-courts-jews-israel-to-try-and-win-favor-with-the-u-s, consulté le 27 janvier 2023).

[16] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[17]Ibid.

[18]Azerbaijani MPs propose to change country’s name (« Les députés azerbaïdjanais proposent de changer le nom du pays »), Trend News Agency, 1er février 2012 (https://en.trend.az/azerbaijan/politics/1986820.html, consulté le 23 janvier 2023).

[19]Azerbaijan arrests 22 suspects in alleged Iran spy plot (« L’Azerbaïdjan arrête 22 suspects dans un complot d’espionnage présumé avec l’Iran »), BBC, 14 mars 2012 (https://www.bbc.com/news/world-europe-17368576, consulté le 23 janvier 2023).

[20] Yeghia Tashjian, South Caucasus : A battle of wills and corridors (« Caucase du Sud : une bataille de volontés et de couloirs »), The Craddle, 30 décembre 2022 (https://thecradle.co/article-view/19895, consulté le 29 janvier 2023).

[21] Israël devient le plus grand importateur de pétrole de l’Azerbaïdjan après l’Italie en 2002. Il est également à noter qu’entre 2000 et 2005 Israël est passé du dixième partenaire commercial de l’Azerbaïdjan à son cinquième (« Annuaire statistique de l’Azerbaïdjan, 2005 », Comité national de statistique de la République d’Azerbaïdjan, Bakou). Les statistiques de l’ONU montrent quant à elle que les exportations de l’Azerbaïdjan vers Israël sont passées de 2 millions de dollars à 323 millions de dollars entre 1997 et 2004.

[22] Robert Booth, Harriet Sherwood, Justin Vela, Gaza flotilla attack : Autopsies reveal intensity of Israeli military force(« Attaque de la flottille de Gaza : Les autopsies révèlent l’intensité de la force militaire israélienne »), The Guardian, 4 juin 2010 (https://www.theguardian.com/world/2010/jun/04/gaza-flotilla-attack-autopsy-results, consulté le 23 janvier 2023).

[23] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit

[24] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ?, op. cit.

[25] Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace, op. cit. Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace (« L’étreinte furtive d’Israël et de l’Azerbaïdjan »), Middle East Quarterly, été 2006, pp. 47-57.

[26]The Freedom Support Act (« Loi sur le soutien à la liberté »), Public Law 102-511, article 907, 24 octobre 1992.

[27]Le Partenariat pour la paix, site internet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50349.htm, consulté le 29 janvier 2023).

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HistoireNature et Géographie

Le château de Falak al-Aflak

Le magnifique château de Falak al-Aflak (فلک الافلاک), signifiant littéralement en français « le ciel des cieux » trône majestueusement au sommet d’une imposante colline portant le même nom, dans la ville de Khoramabad, capitale provinciale du Lorestan, en Iran.

château Falak al-Aflak Lorestan Iran

Il est également connu sous le nom de « château de Shapour Khast » (دژ شاپورخواست). Cette impressionnante structure date de l’époque sassanide, entre 224 et 651.

château Falak al-Aflak Lorestan Iran

Ce château monumental offre une vue imprenable sur la région environnante et s’avère un symbole de la grandeur historique de l’Iran.

Le château de Falak al-Aflak, un témoignage de l’histoire de l’Iran

château iranien

Érigé sur un site naturellement stratégique, ce château impressionnant offre un panorama à couper le souffle sur la région environnante, témoignant de son rôle historique et de sa fonction défensive autrefois cruciale.

En explorant les ruines majestueuses de ce château millénaire, les visiteurs plongent dans une véritable odyssée à travers le temps. Ils découvrent les vestiges d’une époque révolue où les rois sassanides régnaient en maîtres sur ces terres fertiles et légendaires.

Les murs millénaires de Falak al-Aflak résonnent encore des échos du passé glorieux de l’Empire sassanide. Ils évoquent un âge d’or où l’art, l’architecture et la puissance politique rayonnaient de mille feux.

château Iran sassanide

Aujourd’hui, le château de Falak al-Aflak demeure un témoignage vivant de la grandeur et de la splendeur de l’Iran. Il invite les voyageurs du monde entier à plonger dans les méandres de l’histoire. Mais également à s’émerveiller devant la virtuosité des bâtisseurs et des artisans d’antan.

Falak al-Aflak château Iran

En tant que bijou architectural mondial et monument emblématique de l’Iran, le château de Falak al-Aflak incarne la richesse culturelle et patrimoniale de cette région envoûtante et mystérieuse. Il captive l’imagination et l’admiration de tous ceux qui ont la chance de le contempler.

Un magnifique album de photographies de Pardis Nouri à découvrir :

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Géopolitique et DiplomatieHistoire

L’Iran et l’Occident : 40 ans de relations complexes

L’Iran et l’Occident est un film documentaire captivant pour comprendre leurs relations. Réalisé en 2009, il offre une compréhension approfondie des événements survenus de 1979 à 2009 entre les dirigeants iraniens, irakiens et le monde occidental, principalement les États-Unis.

L'Iran et l'Occident documentaire sur leurs relations 1979 2009

L’Iran et l’Occident se divise en trois épisodes :

  • Épisode 1 : Khomeyni, l’homme qui a changé le monde (1978-1981)
  • Épisode 2 : Un État marginalisé (1982-2001)
  • Épisode 3 : Le défi nucléaire (2001-2008)

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Fruit de recherches minutieuses et de témoignages éclairés, L’Iran et l’Occident contribue à une meilleure compréhension des interactions complexes entre ces nations. Il constitue une ressource inestimable pour ceux qui s’intéressent à la géopolitique de la région.

L’influence de l’impérialisme occidental en Iran

L’Iran demeure encore aujourd’hui marqué par les séquelles de la domination exercée par les puissances européennes et les États-Unis sur le pays. L’impérialisme occidental a commencé à se faire sentir dès le XIXème siècle. Les Britanniques ont occupé l’Inde à partir de laquelle ils ont mené des incursions en Afghanistan. La première, survenue en 1842, se solda par un désastre majeur.

Dans les années 1860, c’est l’Empire russe qui s’est rapproché des frontières iraniennes en envahissant l’Asie centrale. À cette époque, la dynastie des Qadjars règne sur l’Iran et s’avérait incapable de faire face à cette menace grandissante. Le pays est alors en retard de développement par rapport aux nations européennes qui connaissaient l’essor de la révolution industrielle.

La situation de double protectorat en Iran

En réalité, l’Iran ne fut jamais officiellement colonisé. Cependant, à la fin du XIXème siècle, le pays se retrouve de facto sous l’influence de la Russie et de la Grande-Bretagne, la première obtenant une zone d’influence au nord du pays et la seconde au sud. La montée en puissance de ces deux nations étrangères a suscité un ressentiment profond parmi les Iraniens. En témoignent de nombreux épisodes de l’histoire iranienne, à commencer par la révolte du tabac survenue en 1892, la Révolution constitutionnelle de 1905 ou bien encore le coup d’État orchestré contre le Premier ministre Mohammad Mosadeq en 1953.

L’échec des tentatives de modernisation économique en Iran

Malheureusement, les efforts déployés pour moderniser le pays n’ont pas abouti. Cette situation fragilisa la société iranienne. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, Nâsseraddine Shâh Qâdjâr dut vendre une grande partie des ressources iraniennes à des investisseurs étrangers, souvent sans scrupules, afin de financer ses réformes. Parallèlement, il a accordé des concessions à des compagnies étrangères, la plus célèbre étant la concession accordée à William D’Arcy.

Bien que la découverte du pétrole en Iran en 1908 offrait de nouvelles opportunités au pays, celles-ci furent surtout exploitées par les Britanniques. Qui plus est, le jeu des alliances diplomatiques et stratégiques des Occidentaux mit à mal la situation politique en Iran. Cela notamment durant la Première Guerre mondiale qui provoqua la grande famine de 1917-1918 à l’origine d’un million de morts.

Même après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’influence britannique dans la région a diminué, l’Anglo-Iranian Oil Company, rebaptisée BP en 1954, demeure un acteur économique majeur dans le pays.

L’émergence des États-Unis dans l’histoire iranienne

Pendant la guerre froide, le Moyen-Orient est confronté à des bouleversements importants. La superpuissance occidentale ne pouvait en effet tout simplement pas ignorer un pays stratégique comme l’Iran.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne orchestrèrent notamment le renversement du Premier ministre Mossadegh en 1953, celui-ci ayant cherché à nationaliser le pétrole iranien. Ce coup d’État contre Mossadegh, patriote et laïque, représente une étape cruciale de l’histoire de l’Iran au XXème siècle. Il contribua grandement à l’antiaméricanisme à l’origine de la Révolution de 1979.

Le soutien occidental à Saddam Hussein pendant la guerre qu’il imposa à l’Iran entre 1980 et 1988 n’arrangea aucunement les relations entre l’Iran et l’Occident.

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Splendeur de l’École d’Ispahan

L’émission Heure de Culture française : l’Iran diffusait le 27 avril 1957 un numéro consacré à la splendeur de l’école d’Ispahan intitulé La théologie chiite à l’époque safavide.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin – La philosophie islamique : Splendeur de l'école d'Ispahan

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

L’École d’Ispahan, splendeur de l’époque safavide

L’« École d’Ispahan » (en persan مكتب اصفهان, maktab-é esfahān) est un courant de pensée religieuse qui émergea au XVIIème siècle dans la capitale safavide Ispahan. Le souverain Shah Abbas Safavi choisit Ispahan comme capitale en 1598, succédant ainsi à Tabriz et Qazvin. De nombreux érudits l’accompagnèrent, bénéficiant du soutien de la cour et surtout de celui des souverains safavides.

Henry Corbin et Seyed Hossein Nasr inventèrent la dénomination « École d’Ispahan » pour caractériser la renaissance philosophique et mystique à l’époque de Shah Abbas Safavi. Ce courant est représentatif d’une renaissance philosophique du Chiisme duodécimain, devenu la religion d’État sous les Safavides. Cette période d’activités diverses dans les domaines de la philosophie et de la jurisprudence, mais également de l’art et de l’architecture, s’acheva avec la chute d’Ispahan aux mains des Afghans et le renversement des Safavides en 1722.

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L’intérêt de Shâh Abbas Ier pour la vie artistique et la pensée religieuse fit d’Ispahan le principal centre intellectuel iranien de son temps. De nombreux courants philosophiques et théologiques novateurs y prospérèrent. Leurs recherches portaient principalement sur la création d’une harmonie entre la philosophie et le mysticisme. Celle-ci ne manquait cependant guère de se caractériser par une pensée étroitement liée aux traditions des Imams chiites. Parmi les fondateurs de l’école d’Ispahan figurent Sheikh Bahai, Mir Fendereski et Mir Damad. Des penseurs influents tels que Molla Sadra Shirazi, Rajab ’Ali Tabrizi et Qazi Sa’id Qommi font également partie de cette école.

Seyed Hossein Nasr explique qu’une atmosphère religieuse anti-philosophique marque la fin de la période safavide. Celui-ci entraîne le déclin de l’école d’Ispahan. L’enseignement philosophique ispahani finit par s’arrêter et les érudits migrent ensuite vers d’autres villes. Néanmoins, les réalisations intellectuelles de cette école laissent une empreinte durable sur la philosophie iranienne. En particulier dans le domaine de la philosophie transcendantale. Un changement de paradigme se produisit alors. La philosophie mashâ’i (فلسفه مشاء), inspirée par Aristote, évolua vers la philosophie de la « Sagesse exaltée » (حکمت متعالیه) de Molla Sadra Shirazi, en particulier à partir du XIXème siècle.

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L’Islam en Iran

À l’occasion de la parution des tomes troisième et quatrième de son œuvre En Islam iranien. Aspects spirituels et philosophiques, Henry Corbin s’entretient sur l’Islam en Iran avec Bernard Latour. Cet entretien fut diffusé le 5 juin 1973.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin – La philosophie islamique : En Islam iranien

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

L’Islam en Iran : histoire, spiritualité et philosophie

L’Islam en Iran s’enracine profondément dans l’histoire et la culture du pays. Abritant une grande diversité d’écoles de pensée islamiques, c’est au XVIème siècle que le Chiisme devint la religion d’État lorsque Shah Ismaïl Ier fonda l’empire safavide en 1501 à Tabriz.

L’Iran compte de grands érudits, théologiens et mystiques islamiques. Ces figures éminentes telles que le philosophe Avicenne, le soufi Rumi ou bien encore le mystique Sohravardi pour ne citer qu’eux, contribuèrent au développement de la pensée islamique en Iran et influencèrent les courants mystiques et philosophiques au sein de l’Islam.

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Parallèlement à la pratique de l’Islam, l’Iran possède une riche tradition spirituelle et culturelle qui se mêle à l’Islam. La poésie, la musique, l’architecture et les arts visuels absorbèrent des motifs et des thèmes islamiques. De nombreux artistes utilisèrent la calligraphie arabe dans leurs œuvres, telles que la miniature et l’ornementation.

L’Islam occupe également une position centrale dans la vie politique et sociale de l’Iran. Cependant, bien que le pays soit une République islamique depuis la révolution de 1979, l’influence religieuse demeure intrinsèque à l’identité iranienne depuis plusieurs siècles. Par exemple, le système judiciaire du pays intègrent les enseignements islamiques et certains membres du clergé exercent des fonctions administratives et politiques importantes.

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L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî

À l’occasion de la parution de son livre L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî, Henry Corbin s’entretient sur le sujet avec Pierre Sipriot et et Mounir Rafez.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin – La philosophie islamique : L'Imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn 'Arabî

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

Ibn ‘Arabi, le pèlerin soufi en quête de l’Orient

Ibn ‘Arabi naît en 1165 à Murcie, dans le Sud de l’Espagne, et meurt en 1240 à Damas, après avoir voyagé en pèlerin à La Mecque et dans presque tous les pays du Maghreb et de l’Asie du sud-ouest. Contrairement à la tendance à migrer d’est en ouest, il entreprit son voyage d’Occident vers l’Orient, se décrivant lui-même en tant que « pèlerin de l’Orient ».

Il laisse derrière lui une œuvre immense, témoignant d’une grande culture qui lui vaudra le surnom de « Fils de Platon ». Tandis qu’Averroës cherchait à promouvoir ce qu’il considérait comme la pensée authentique péripatéticienne dans l’Islam, Ibn ‘Arabi s’en est radicalement éloigné, s’opposant de la sorte à l’Islam orthodoxe. Sa spiritualité est étrangère à toute réalité ecclésiastique, à toute religion littérale et dogmatique, ne se laissant aucunement réduire à un magistère ou à un conformisme collectif. Sa rencontre avec Dieu est solitaire, une union du Seul avec le Seul, une unio sympathetica dans une religion à la fois prophétique et mystique.

Disciple de l’amour et maître de la sagesse

Pour y parvenir, le sage doit devenir le disciple de Khezr, devenir Khezr lui-même. Khezr est le maître spirituel invisible du mystique. Selon le Coran, il est une expression de l’Esprit Saint. Seul le disciple de Khezr découvre le Nom sous lequel chacun connaît son Dieu, ainsi que le Nom par lequel son Dieu le connaît. Il atteint ainsi la vérité mystique ésotérique qui surplombe la Loi, accède à la Source de la Vie, et devient lui-même l’Éternel Adolescent. Pour progresser sur cette voie, le sage, le soufi qui possède déjà la connaissance philosophique et l’expérience spirituelle, deviendra un fidèle d’amour.

Selon Ibn ‘Arabi, l’initiation à la dialectique de l’amour se fera par la rencontre d’une Iranienne d’une beauté extraordinaire, une figure théophanique de la Sophia aeterna, avec laquelle il restera lié jusqu’à sa mort. Cette association de la sagesse, de l’amour et de la beauté en tant qu’expression de la divinité caractérise la théosophie d’Ibn ‘Arabi et justifie son héritage platonicien. Elle explique également la méfiance et l’hostilité du l’institutionnalisation islamique officielle envers lui. Du côté chrétien, la pensée d’Ibn ‘Arabi demeure malheureusement inconnue.

L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî

Dans son ouvrage L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabi paru en 1958, Henry Corbin explore un aspect méconnu de la pensée arabe du Moyen Âge à travers la figure charismatique d’Ibn ‘Arabi, considéré comme l’un des plus grands mystiques de tous les temps. Henry Corbin cherche à révéler comment cette ignorance, largement entretenue par l’Islam orthodoxe, appauvrit et limite la pensée occidentale.

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Pour mieux appréhender la vision prophétique d’Ibn ‘Arabi, Henry Corbin devient son disciple et se plonge dans des passages remarquables de sensibilité mystique et de profondeur spéculative. Selon lui, la philosophie d’Ibn ‘Arabi ne peut être dissociée de son expérience mystique. L’unification de la philosophie et de la spiritualité est un impératif selon Ibn ‘Arabi. Une expérience mystique sans une solide formation philosophique risque de s’égarer et de se dégénérer. Il souligne également que cette intention de concilier philosophie et spiritualité est caractéristique de la pensée iranienne du XIIème siècle. Aussi suggère-t-il qu’en ressentant cette intention avant d’aborder le livre, il est possible que nous nous trouvions mieux équipés pour résoudre le conflit qui divise encore de nombreux chrétiens d’Occident : celui entre théologie et philosophie, foi et savoir, symbole et histoire.

Il nous montre également que l’Imagination, telle que conçue par le soufisme d’Ibn ‘Arabi, joue un rôle crucial dans la réalité de l’être, en dévoilant sa richesse et son rôle irremplaçable. L’Imagination agit comme un médiateur, créant un monde lumineux d’Idées-Images selon la cosmographie mystique. Ce monde est l’ombre de Dieu, une projection d’une silhouette ou d’un visage dans un miroir.

L’Imagination créatrice et la prière réalisatrice

L’imagination théophanique joue un double rôle en tant qu’Imagination créatrice imaginant la création et en tant qu’Imagination créaturelle imaginant le Créateur. Ibn ‘Arabi désigne ces deux termes de ce couple comme « Créateur-création » ou plutôt « Créateur-créature », une coincidentia oppositorum, c’est-à-dire une simultanéité de complémentaires opposés et non de contradictoires. C’est grâce à l’Imagination active que cette union se réalise et définie notre connaissance de la divinité. Il s’agit d’une union théophanique (du point de vue du Créateur) ou d’une union théopathique (du point de vue de la créature), et en aucun cas d’une union hypostatique.

L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî, réédition de 2006 par les éditions Entrelacs

Revenir à son Seigneur signifie réaliser l’union éternelle du fidèle et de son Seigneur, qui ne se rapporte pas à l’essence divine dans sa globalité, mais à son individualisation sous l’un ou l’autre de ses Noms. Cependant, si le fidèle perd sa connexion avec son Seigneur, alors son moi devient hypertrophié et se transforme rapidement en impérialisme spirituel. La coincidentia oppositorum nous protège de cet impérialisme. C’est pourquoi notre prière ne sera jamais une demande de quelque chose mais un moyen d’exister et de faire exister. C’est à travers la prière que notre être se réalise, la prière étant créatrice.

Cette créativité de la prière est liée à son sens cosmique. Ce sens si bien perçu par Proclus, une importante figure du néoplatonisme tardif, dans sa prière de l’héliotrope. On voit ainsi le soufisme reproduire, en Islam même, les démarches mentales de la conscience mystique connues par ailleurs, notamment en Inde.

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La Théologie d’Aristote

Dans l’émission Les chemins de la connaissance diffusée le 21 décembre 1976 sous le titre de Plotin et la transparence, Henry Corbin présente la théologie d’Aristote et l’histoire de la diffusion du néoplatonisme en Iran au microphone de Michèle Reboul.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin – La philosophie islamique : La Théologie d’Aristote

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

Aristote, Père de la Philosophie

Aristote figure parmi les plus grands philosophes de l’histoire de la pensée occidentale. Né en 384 avant Jésus-Christ à Stagire, une petite ville de la région de la Chalcidique dans le nord de la Grèce, Aristote entre à l’âge de 17 ans à l’Académie de Platon à Athènes, où il est devenu l’un de ses étudiants les plus brillants.

Après la mort de Platon, Aristote quitte l’Académie et retourne à Stagire, où il commence à enseigner. En 342, il devient notamment le tuteur d’Alexandre le Grand. En 335, Aristote retourne à Athènes pour fonder sa propre école, appelée le Lycée. Pendant douze ans, il y enseignera la philosophie, la logique, la rhétorique, la physique, la biologie, l’éthique et la politique.

Aristote décède en 322 avant Jésus-Christ à Chalcis, sur l’île d’Eubée, en Grèce.

La Théologie d’Aristote et son influence sur la philosophie islamique

La Théologie d’Aristote (en arabe أثولوجيا أرسطو, athuludjiya aristu) est une œuvre philosophique attribuée par erreur à Aristote. Cette œuvre opère une synthèse entre des idées néoplatoniciennes, aristotéliciennes et des thèses de la philosophie islamique. Rédigé en arabe, le texte se compose de traductions du grec ancien vers l’arabe, d’une partie des Ennéades de Plotin, ainsi que de commentaires de Porphyre.

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Cette œuvre exerça une forte influence sur la philosophie islamique, stimulant avant tout la redécouverte d’Aristote. Par la suite, elle influença également la philosophie médiévale européenne en permettant la redécouverte de la philosophie aristotélicienne. L’influence de la Théologie d’Aristote est particulièrement perceptible chez des philosophes islamiques tels qu’al-Kindi, al-Farabi ou bien encore Avicenne.

La Théologie d’Aristote, symbole de la coopération chrétienne et islamique

Les philosophes al-Himsi et al-Kindi se voient souvent attribués la rédaction de ce texte. Il est probable que sa création trouve son origine dans le cercle d’al-Kindi à Bagdad au IXème siècle.

Abū Yūsuf Yaʿqūb ibn Isḥāq al-Kindi (801-873), surnommé le « philosophe des Arabes », est considéré comme l’un des plus grands philosophes hellénisants (faylasûf). Il fut notamment le pionnier de la synthèse originale entre la pensée grecque et la pensée religieuse islamique. Il s’efforça de rassembler, d’organiser et d’évaluer l’ensemble des connaissances de son époque, s’intéressant à une multitude de domaines tels que la philosophie, les mathématiques, l’astronomie, la physique, la chimie, la technologie et la musique.

Ibn Na’ima al-Himsi (en arabe ابن ناعمة الحمصي) était un chrétien syrien appartenant au cercle des traducteurs Al-Kindi. Sa biographie demeure fort méconnue. Cependant, nous savons qu’il était en charge de la traduction des textes grecs en arabe, notamment les Réfutations sophistiqueset La physique d’Aristote.

Bien que peu d’informations supplémentaires soient disponibles à son sujet, le rôle d’al-Himsi en tant que traducteur chrétien de la philosophie grecque en arabe révèle que les chrétiens jouèrent un rôle essentiel dans la traduction de ces textes. Aux côtés du chrétien syrien Hunayn ibn Ishaq, al-Himsi faisait partie des traducteurs arabes les plus compétents de son époque. Cela s’explique par le fait que les chrétiens syriens maîtrisaient le grec, le syrien et l’arabe. Par ailleurs, les chrétiens syriaques préservèrent de grands textes philosophiques en arabe, qui feront par la suite l’objet de traductions en latin à partir du XIIème siècle.

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Chiisme et Ismaélisme

L’émission Heure de Culture française : l’Iran diffusait le 8 avril 1957 un numéro consacré au Chiisme et à l’Ismaélisme, présenté par Henry Corbin.

Henry Corbin (1903-1978) est mondialement reconnu comme l’un des plus éminents penseurs occidentaux du XXème siècle. Parmi les érudits les plus respectés et admirés, il fut à la fois philosophe, traducteur, orientaliste et historien, spécialisé sur le Chiisme et plus largement sur la spiritualité des mondes islamiques et iraniens. Ses nombreux travaux comptent notamment des traductions inédites des penseurs iraniens parmi les plus importants.

Henry Corbin - La philosophie islamique : Chiisme et Ismaélisme

En 2006, les éditions Frémeaux & Associés publièrent un coffret de trois cédéroms intitulé La philosophie islamique. Celui-ci présente quinze enregistrements sonores d’Henry Corbin, soigneusement sélectionnés et présentés par Christine Goémé.

Henry Corbin et la philosophie islamique : Chiisme et Ismaélisme

Le courant de l’Ismaélisme, en persan اسماعیلیه (ismā‘īliya), se subdivise lui-même en différents courants. Le plus important d’entre eux est l’Ismaélisme septimain. D’autres subdivisons existeront par la suite, notamment les Musta’lites et les Nizârites.

La division entre le courant chiite duodécimain et le chiisme ismaélien se produit après la mort en 765 du sixième Imam chiite Dja’far al-Sâdeq. Celui-ci avait désigné son fils aîné Ismâil bin Dja’far pour lui succéder.

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Les duodécimains affirment pour leur part qu’Ismâil décéda avant son père. Ainsi l’imamat fut-il conséquemment transféré à Mousâ al-Kâzim, le frère cadet d’Ismâil. La majorité des ismaéliens affirment quant à eux que, si Ismâil est bien mort avant son père, alors l’imamat est automatiquement transféré à son fils Mohammad ibn Ismâil. En effet, il semble qu’Ismâil ne désigna pas Mousâ al-Kâzim comme son successeur.

La présentation d’Henry Corbin sur l’Ismaélisme met en lumière la complexité et la richesse de cette tradition ésotérique islamique. Elle permet tout d’abord de comprendre l’importance de bien des aspects de l’Ismaélisme. Elle souligne également son impact sur la pensée philosophique et spirituelle de l’Ismaélisme.