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L’Iran entre menaces et fantasmes

L’Iran entre menaces et fantasmes : un tel sujet délicat et controversé mérite une réflexion posée. Les enjeux sont de découvrir les raisons derrière les menaces dénoncées par les Occidentaux à l’encontre de l’Iran, qu’elles soient d’ordre géopolitique, religieux ou nucléaire. Paradoxalement, ce pays demeure entouré de fantasmes divers, inspirés par son histoire, sa culture ou encore sa position géographique stratégique.

Ainsi, les perceptions et préjugés sur l’Iran ont un impact significatif sur la façon dont nous percevons ce pays. Cette disposition ne manque pas d’influencer nos raisonnements qui peuvent être biaisés. Pour avoir une compréhension complète du pays, il est donc important d’explorer les réalités complexes et nuancées de cet état. Pour cela, il faut prendre en compte ses défis et ses réussites. De cette façon, nous pourrons mieux comprendre l’Iran et son rôle dans le monde contemporain.

Morgan Lotz nous invite à une réflexion critique et équilibrée sur l’Iran afin de mieux comprendre ce pays et son rôle dans le monde contemporain. Présentant son ouvrage La constitution de la République islamique d’Iran, il aborde la complexe question du régime politique iranien de manière pédagogique et sans préjugés.

Il est également l’auteur d’un ouvrage sur le Corps des Gardiens de la Révolution islamique et le général Qassem Soleimani.

L’Iran entre menaces et fantasmes, un numéro de l’émission Le Zoom diffusé le 23 mars 2022 sur TV Libertés.

Une émission à retrouver également sur le site officiel de TV Libertés.

Erratum :

Nous tenions à signaler une erreur de notre part : c’est bien l’intellectuel ‘Ali Shari’ati qui fut assassiné à Londres en juin 1977 et non l’ayatollâh Mohammad Kâzem Shari’atmadâri (1906-1986) comme nous le disons lors de l’entretien (6 minutes 54 secondes). Nous présentons nos excuses à nos lecteurs pour cette confusion.

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Sepandarmazgan, la fête des femmes en Iran

Sepandarmazgan (سپندارمذگان) est un événement méconnu de la culture iranienne : il s’agit de la fête des femmes en Iran. Cette célébration met à l’honneur les femmes iraniennes. Morgan Lotz y consacre d’ailleurs un chapitre dans son livre Les Iraniennes.

Sepandarmazgan célébration femmes Iran

Les origines de la fête de Sepandarmazgan, la célébration des femmes en Iran

Cette fête est issue des calendriers mazdéens et zoroastriens. Ceux-ci comptaient douze mois de trente jours, chacun représentant une divinité ou une vertu. Le cinquième jour de chaque mois est dédié à Sepandarmazd, une divinité féminine symbolisant la Terre. Celle-ci est également associée à l’humilité, la sainteté, la passion et la fécondité. Ce cinquième jour du dernier mois de l’année correspond au 24 février dans notre calendrier grégorien.

La fête de Sepandârmazd est une célébration qui n’est liée à aucune tribu ou ethnie spécifique. En effet, celle-ci s’avère profondément ancrée dans la culture iranienne. Dans les croyances anciennes, la femme est associée à la Terre et à la végétation, tandis que l’homme est associé au ciel et à la pluie.

Zoroastre, le fondateur du zoroastrisme, mentionne cette célébration dans ses écrits. Zoroastre honore les femmes à plusieurs reprises dans ses écrits, notamment dans le Farvardin Yasht et le Yasna 38.

Le 24 février, la journée des femmes iraniennes

Lors de la fête de Sepandârmazd, les hommes offrent des cadeaux aux femmes. Cela vaut à cette célébration une autre appellation : mardgiran, ce qui signifie le fait de recevoir un cadeau d’un homme. Dans certaines régions d’Iran, des coutumes locales perdurent, comme la préparation d’un potage traditionnel appelé ash-é esfandi par les femmes lors de cette fête.

Sepandârmazgân est donc une fête qui célèbre l’épouse, la femme aimée, symbole de la fécondité et du renouvellement de la vie, ainsi que l’amour au sein du couple, sans considération de la sexualité. Cette fête célébrée chaque 24 février demeure l’une des plus populaires et des plus essentielles en Iran. C’est avant tout une occasion de rendre hommage aux femmes, mais aussi de célébrer la culture iranienne et de préserver les traditions de l’Iran.

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La mosaïque religieuse au Proche et au Moyen-Orient : aperçu des religions du Liban à l’Iran

par Morgan Lotz

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Nous avions écrit dans La Voie vers le Divin que « Les origines des religions, aussi diverses qu’elles soient, ont toujours interrogé les hommes : pensive interrogation devant le Mystère de ce qui l’entoure, conscience des limites de sa raison ou bien encore frayeur devant ce qui est plus grand que lui et qui semble le diriger. Aspect plussociologiquedu domaine religieux, avec le développement d’une existence moralisée et groupée autour d’une direction sociale commune et acceptée. Plus poétique et transcendant, l’expression d’une cosmogonie dont sourd l’ordonnance universelle ou s’exprime les faits historiques transformés en mythes ou légendes par le temps et la foi… Ou parfois plus simplement l’adoption et l’acceptation des conceptions de certains penseurs ou prophètes.

Détentrice d’un rôle considérable tout au long de l’Antiquité, les religions sont alors polythéistes et centrées sur une échelle locale ou nationale. Emplies de symboles et fortement fétichistes, elles mêlent l’anthropomorphisme à une multitude de divinités auréolées de diverses légendes et mythes, en témoignent les religions de l’Égypte antique, de l’Inde, ou bien encore de la Mésopotamie pour ne citer que les plus connues. 

Parmi les diverses religions existantes au cours de l’Antiquité, trois vont dénoter : le judaïsme, considéré à tort comme le premier monothéisme, le christianisme et le zoroastrisme, véritable premier monothéisme trop souvent oublié de nos manuels d’histoire religieuse. En effet, le zoroastrisme apparut en Iran environ deux millénaires avant Jésus-Christ et inspirera aussi bien le judaïsme que le christianisme et, plus tardivement, l’islam. Une véritable révolution apparaît avec le monothéisme : l’Existence et la Parole divine émanent d’un Dieu qui s’est révélé à un homme, un prophète. La Révélation porte alors une nouvelle dimension, celle du lien entre Dieu et l’humanité, à qui Il s’adresse personnellement. L’Incarnation du Verbe en Jésus-Christ n’est pas encore venue que déjà les cœurs et les âmes sont ébranlés par le bouleversant rappel de leur origine céleste…

La foi en un dieu unique et en l’unité de ce dieu est portée pour la première fois par Zoroastre, aux alentours du second millénaire avant Jésus-Christ en Iran. Porté par le judaïsme, le christianisme et enfin l’islam, le monothéisme voit le mariage en son sein d’une philosophie spirituelle et d’une théologie explicative. Pour les théologiens-philosophes, l’existence de Dieu est conséquente aux preuves théologiques établissant l’unité divine : ainsi la coexistence de deux êtres parfaits et immuables est impossible, la perfection excluantipso facto toute division et tout partage. De plus, nul ne peut être à la fois parfait et moins parfait que le second qui serait lui aussi parfait. Il en résulterait une absurdité annihilant toute possibilité d’harmonie émanant d’une unique sagesse ordonnatrice du monde ; il ne peut y avoir plusieurs causes premières dans la conception universelle, de même que le terme de chaque existence ne pourrait résider hors d’une unité suprême en laquelle converge l’unicité de cette existence – partie de sonalpha, elle retourne à sonoméga.

Il convient d’apporter une précision salutaire : Zoroastre professait un monothéisme véritable s’articulant autour d’une notion assez complexe de dualité. Selon la définition donnée par Khosro Khazai Pardis, Ahurâ Mazdâ est « l’essence créatrice de l’existence intelligente ; le principe d’existence qui offre la sagesse ; dieu de la Vie et de la Sagesse. » L’Avestâ mentionne l’existence d’une entité auto-créée génératrice du Mal qui s’oppose aux forces d’Ahurâ Mazdâ, génératrice du Bien et de la pensée créatrice. Ces forces démoniaques sont appelées Angrâ Mainyu en avestique et Ahriman en moyen-persan. Mais ce dualisme zoroastrien qui voit s’affronter Spentâ Mainyu (les forces d’Ahurâ Mazdâ, en avestique) contre leur reflet maléfique est un dualisme avant tout éthique, un « dualisme éthique qui n’a de sens qu’au niveau de la pensée humaine ». Ainsi, dans la dichotomie zoroastrienne des forces et des phénomènes, Khosro Khazai Pardis nous explique que « chaque force ou chaque phénomène s’identifie et prend un sens par la force ou le phénomène qui constitue son opposé. » Il s’agit d’un phénomène qui prend sa source dans la pensée et n’est perçue que par elle ; seuls les êtres vivants peuvent déceler l’aspect négatif qui conduit au malheur ou l’aspect positif qui conduit au bonheur présent dans chaque élément de la Création. »[1]

Déjà très fortement imprégné par la spiritualité, la région que nous définissons en Occident comme le Proche et le Moyen-Orient est devenue le berceau du divin pour l’humanité entière. Terre de foi et de mystère, elle constitue une vaste zone géographique parmi laquelle existe une mosaïque composée d’autant de cultures et de religions que de peuples.

Le judaïsme

La communauté juive ne dépasse guère les 3% de la population totale présente au Proche et au Moyen-Orient : cette présence juive dans la région date soit directement de l’époque biblique, soit des migrations fuyant l’Espagne en raison de l’Inquisition instaurée en 1478 et ordonnant aux Juifs l’exil ou le baptême à partir de 1492.

En mai 1948, l’état d’Israël est instauré en Palestine, provoquant une très forte immigration originaire de nombreux pays d’Europe, du Maghreb, d’Amérique, mais également dans une moindre mesure d’Asie centrale. Bien qu’une communauté judaïque fût de tout temps présente, l’essentiel de sa composition actuelle provient de la diaspora : entre 1800 et 1947, la population juive originaire du Maghreb, d’Italie, de Grèce et de Syrie évolue de 5000 individus à 65 000 vers l’Égypte, tandis que leurs coreligionnaires venant d’Europe centrale et orientale évolue de 85 000 individus en 1914 à 136 000 en 1925 et 600 000 en 1947.[2] La population juive d’Irak va quant à elle considérablement s’accroître au 19ème siècle en regroupant les migrations juives originaires d’Iran, d’Aden et du Kurdistan, tandis que les juifs d’Afghanistan se tourne vers l’Inde du nord et la Chine à partir de 1830.[3]

Aujourd’hui, la population d’Israël se compose à 74% de juifs, 18% de musulmans, 2% de chrétiens, 1,5% de druzes et 4,5% de personnes appartenant à d’autres religions.[4]

Le christianisme

Le christianisme est historiquement présent au Proche et au Moyen-Orient où il trouve son origine. Représentant la quasi-totalité de la population de cette région avant la conquête arabo-musulmane du 7ème siècle, la présence chrétienne perdure encore aujourd’hui et compose intrinsèquement l’identité aussi bien spirituelle qu’intellectuelle ; en effet, nombre de populations demeurèrent chrétiennes et jouèrent un rôle important dans la fondation et l’évolution des empires, royaumes et nations modernes, mais également dans l’essor de la conscience de l’identité culturelle arabe sous les dominations des empires ottoman et coloniaux, la nahda, et le développement de la pensée politique du panarabisme.[5] Nous pouvons également citer à ce titre le rôle des chrétiens arméniens en Iran au sein de l’empire safavide.

L’islamisation de la région proche et moyen-orientale ne fut réalisée que lentement en dépit de la domination militaire et politique des envahisseurs arabo-musulmans, les idiomes autochtones s’étant conservés fort longtemps ainsi que la foi chrétienne. Et bien que la langue arabe soit adoptée au 10ème siècle par ces populations, permettant de la sorte l’émergence d’une littérature arabo-chrétienne et une théologie chrétienne « orientale » et devenant même une langue liturgique à part entière, l’araméen, langue de Jésus-Christ par excellence, est encore usitée de nos jours parmi les population chrétiennes et mandéennes. La conversion à l’islam de la majorité des populations autrefois chrétiennes du Proche-Orient s’est réalisée avant tout selon des facteurs politiques, économiques et culturels, dont la complexion varie selon les époques. Les tentatives d’éradication furent cependant rares, fluctuant avec le degrés de rigorisme ou d’ouverture des institutions politiques qui se succédèrent ; une période que Christian Cannuyer qualifie d’« âge d’or »[6] s’établit du 9ème au 13ème siècle entre les chrétiens et les musulmans de l’Égypte à la Syrie et la Mésopotamie. La décroissance de la communauté chrétienne débute au 14ème siècle, mais de manière inconstante – l’Empire ottoman connaîtra même une hausse démographique entre les 16ème et 20ème siècles. Une diminution se constate au 20ème siècle, évoluant d’une moyenne comprise entre 10 et 15% en 1900 à 8% en 2000.

Une présence chrétienne demeure toujours au Proche et au Moyen-Orient, se divisant en plusieurs Églises.

Les melkites, aussi dénommés chalcédoniens par les monophysites de Syrie et d’Égypte, sont les chrétiens rattachés aux patriarcats d’Antioche et de Jérusalem demeurés fidèles à la confession orthodoxe de l’Empire byzantin après le concile de Chalcédoine en 451. Le mot melkite provient d’ailleurs du syriaque malkô, signifiant « le roi ». De même que les Églises orientales autocéphales dites orthodoxes, l’Église melkite se sépare de l’Église catholique romaine lors du schisme de 1054 et adopte graduellement la liturgie byzantine, raison pour laquelle elle est considérée comme une Église orthodoxe. Christian Cannuyer précise que les melkites « confessent la foi de Chalcédoine dans la dualité de nature et l’unité de personne du Christ, fils de Dieu, Sauveur né de la Vierge Marie, vénérée à cet égard comme « Mère de Dieu ». »[7] Majoritairement présents en Syrie et en Palestine avec les patriarcats d’Antioche et de Jérusalem, les melkites demeurent également en Égypte avec le patriarcat d’Alexandrie. Autre précision, et non des moindres, le rite melkite est formulé en langue arabe et non en langue grecque.

Les nestoriens, entretenant par leur appellation leur fidélité à la mémoire du patriarche de Constantinople Nestorius qui fut condamné en 431 par le concile d’Éphèse, sont plus connus depuis le 19ème siècle sous l’appellation d’Église assyrienne. Église des chrétiens d’Irak et d’Iran par excellence, elle demeure « tributaire de l’école d’Antioche, attentive à affirmer l’humanité et la divinité de Jésus, sans confondre les deux, sans non plus les dissocier. L’épithète de « Mère de Dieu », attribuée à Marie, lui semblait ouvrir la porte à une sorte d’occultation de l’humanité de Jésus. »[8]

Au 16ème siècle apparaissent les uniates, désireux de se réunir avec l’Église catholique : c’est ainsi que naissent les Églises orientales catholiques, regroupant les Églises coptes catholiques, syrienne catholique (parfois aussi dénommée syriaque catholique), arménienne catholique et chaldéenne catholique dont les racines remontent aux nestoriens. Sans pour autant renoncer à leurs us auxquels elles souloient tels que le baptême par immersion, la communion eucharistique sous les deux espèces ou bien encore le mariage des prêtres, certaines adaptèrent leurs rites selon l’influence théologique et liturgique qu’elle connurent.

Les maronites, constituant la plus importante communauté catholique présente au Proche-Orient, se considèrent pour leur part toujours unis à l’Église catholique romaine. Présents également en Syrie, en Turquie et à Chypre, ils jouèrent un rôle important dans l’histoire du Liban qui s’avère être leur fief historique.

Ces différentes communautés côtoient également les Églises dites monophysites, « héritières d’une anthropologie selon laquelle l’unité de la personne de Jésus est si parfaite qu’on ne peut plus parler en lui, après l’incarnation, d’une nature humaine et d’une nature divine mais d’une seule nature (en grec : monè physis) divino-humaine. »[9] Elles se composent des Coptes égyptiens, des Éthiopiens, des Arméniens et des Syriaques.

Enfin, un patriarcat latin de Jérusalem est créé en 1847 sous l’impulsion du Vatican dans le dessein de redonner un souffle aux communautés latines qu’il eut établit sous l’époque des croisades, concurrencé par quelques communautés protestantes et anglicanes au 19ème siècle.

L’islam

L’islam peut schématiquement se diviser en deux grandes catégories qui se distinguent d’un premier abord, à savoir le sunnisme et le shî’isme, elles-mêmes non exemptes de divisions que nous allons découvrir.

Le sunnisme rassemble environ 85 à 90% des musulmans dans un courant qui voit en la tradition, la sunna, la voie de la vérité héritée par les quatre premiers califes successeurs du Prophète, à savoir Abou Bakr, Omar, Othman et ‘Ali. C’est justement lors de l’assassinat d’Othman en 656 que la désignation d’Ali – qui n’est autre que le cousin du Prophète devenu son gendre par son mariage avec Fâtemeh – va provoquer une division au sein de la communauté des croyants : le gouverneurs de Syrie Mou’awiya (605-680) refuse de le reconnaître comme calife, et ce dernier, suivi par la majorité des musulmans, hérite du pouvoir politique à la faveur d’un arbitrage truqué – dit arbitrage « d’Adroh » – et de plusieurs affrontements armés qui s’ensuivirent. Pour les sunnites, le critère de la foi se base sur la tradition du Prophète et de ses compagnons dénommée la sunna.

Le sunnisme se divise en quatre rites juridiques : le chaféisme, le hanafisme, le hanbalisme et le malékisme.

Le chaféisme, fondé par al-Shâfi’i (767-820), énonce de manière claire et concise les sources du droit islamique en recourant sur les deux premières sources que sont le Qorân et la sunna puis, si cela ne suffit guère, à l’idjmâ’, c’est-à-dire le consensus réuni par les Compagnons du Prophète. Si toutefois cela s’avère toujours inopérant, le recours au raisonnement par analogie, à l’effort de réflexion personnelle, ainsi qu’à l’opinion personnelle du juge, est permis.

Le hanafisme, fondé par Abou Hanifa (699-767), privilégie le raisonnement par analogie et l’opinion rationnelle personnelle ainsi que l’estimation personnelle ou la meilleure solution. Bien souvent considéré comme l’école rationaliste, il fut le rite juridique adopté par l’Empire ottoman et demeure présent en Inde, en Chine, en Asie centrale, en Syrie, en Jordanie et en Égypte.

Le hanbalisme, fondé par ibn Hanbal (780-855), constitue l’école juridique la plus rigoriste, refusant toute innovation et recours au raisonnement par analogie et réclamant une fidélité absolue au Qorân et à la sunna qu’il considère comme seul et unique critère pour le fondement de la Loi.

Le malikisme, fondé par Mâlik ibn Anas (vers 711 – 795), représentant géographiquement l’islam maghrébin, se distingue des autres rites juridiques par son principe d’utilité générale et sa considération de la coutume comme une source du droit en plus du Qorân et de la sunna, ainsi que l’idjmâ’ et le raisonnement par analogie.

Le sunnisme connaît également des mouvements plus sectaires tels que le khâridjisme, parfois considéré comme une troisième branche de l’islam. D’abord partisan d’Ali, en raison de leur récusation de l’arbitrage fallacieux d’Adroh, les khâridjites finissent par s’opposer à lui et sont vaincus par les troupes alides lors d’une bataille rangée le 17 juillet 658. Estimant que « le jugement appartient à Dieu seul », ils mènent alors une véritable guerre contre le califat nouvellement installé en se tournent vers la commission d’attentats terroristes, dont l’un coûta la vie à ‘Ali en janvier 661, mettant de la sorte un terme à son califat et ouvrant la voie à l’exercice du pouvoir califal de Mou’awiya et de la dynastie des Ommeyades.[10]

Les khâridjites se divisent en plusieurs groupes après la disparition du calife Yazid en 683, dont les ibadites constituent la principale branche qui se souleva contre le califat ommeyade avant d’être refouler vers le Maghreb où ils inciteront les Berbères à la révolte. Ils fondèrent la dynastie des Rostemides qui régna de 777 à 909 dans la région de Tâhert (en Algérie), raison pour laquelle quelques groupes subsistent encore en Afrique du Nord, plus précisément à Mzab, Ouargla et Djerba ; c’est cependant dans l’Oman, en Tripolitaine et à Zanzibar qu’ils perdurent encore aujourd’hui. Désirant un « califat électif, confié au plus digne, ils sont, en théologie et en morale, rigoristes et littéralistes : condamnation du luxe, rejet d’une sourate regardée comme frivole (celle de Joseph), interprétation littérale du Coran (parole incréée de Dieu), nécessité d’une conscience pure avant la Prière, des œuvres avec la foi… »[11]. Leur idéologie persiste et se développe parmi une vingtaine de sectes, dont le mouhakkimisme, le thaalabisme, l’adjradisme ou bien encore l’azraquisme et le nadjâdisme, ces derniers considérant les autres musulmans comme des infidèles. Bien que l’ibadisme soit pacifiste, les autres groupes ont en commun le takfirisme, c’est-à-dire l’excommunication d’un croyant musulman et sa déchéance vers le statut de mécréance. Enfin, notamment présent parmi les Berbères zénètes, le sufrisme s’avère lui aussi de tendance khâridjite mais moins fanatique et intolérant en raison de sa motivation avant tout séditieux contre la domination arabe, allant même jusqu’à autoriser le mariage et l’héritage avec d’autres communautés religieuses, même polythéistes, contredisant de la sorte l’interdiction islamique de l’hymen entre une âme musulmane et une âme n’appartenant pas à la communauté des Gens du Livre, à savoir les zoroastriens, les juifs et les chrétiens.

*

Pour le shî’isme, la révélation du sens spirituel est encore à attendre, et c’est là la tâche herméneutique dont sont investis les Imâms. Cette révélation ne sera complète qu’une fois accomplie la parousie de l’Imâm caché, c’est-à-dire du Douzième Imâm qui reviendra guider les croyants afin qu’ils ne s’égarent pas lors de la fin des temps. La métaphysique shî’ite étant dominée par l’idée de Dieu inconnaissable, inaccessible et innommable dans son Essence, se dégage alors l’idée de son épiphanie dans un plérôme de quatorze entités de lumière manifestées sur Terre : il s’agit des « Quatorze Immaculés », comprenant le Prophète, sa fille Fâtima et les Douze Imâms.

Le Shî’isme se définit comme une religion d’amour spirituel initiant à la connaissance de soi dans laquelle le Prophète est le sceau de la prophétie et l’Imâm le sceau de la walâyat.Walâyat signifie « amitié » en arabe et se rapporte à la dilection et l’amour que professent les adeptes à l’égard des Imâms. Ce cycle de la walâyat constitue une initiation progressive au sens intérieur, spirituel, ésotérique (appelé bâtin) des Révélations divines. Puisqu’il existe de la sorte un lien personnel entre le croyant et les saints Imâms, il n’est donc guère nécessaire de se grouper en taqîqats et de suivre l’enseignement de shaykhs pour être guidé. On pourrait penser que l’Imâmat est une simple succession de pouvoir et d’autorité – il n’en est rien. Il est important de comprendre que l’Imâmat ne se transmet pas parce que l’Imâm successeur est le fils, mais qu’il est justement le fils parce que l’Imâmat se transmet à lui. L’Imâm est en fait un pôle mystique duquel se transmet la lumière divine qui illumine l’âme depuis le monde de l’Amour, monde que Sohravardî (1155-1191) décrit comme Nâ-kodjâ Abâd (littéralement le « pays du non-où »), le monde au-delà du « lieu » de ce monde. Ainsi Henry Corbin qualifierait l’Imâm comme le « (…) mystère du chaque-fois-unique de tous les Uniques, de l’Un multiplié à l’infini par lui-même et qui est toujours l’Un unique. »[12]

Communauté shî’ite la plus importante après les duodécimains, l’ismaélisme, parfois dénommé shî’isme septimain, naquit d’une scission survenue lors de la désignation en 765 du VIIème Imâm Mousa al-Kâzim. Christian Jambet et Mohammad Ali Amir-Moezzi notent à son propos : « L’ismaélisme a su garder, dans ses nombreuses subdivisions et branches, une dimension ésotérique fondée à la fois sur les enseignements des imâms et sur des éléments d’origines diverses (iranienne, néoplatonicienne, pythagoricienne, gnostique, etc.) intégrés à la doctrine. Les différentes formes d’ismaélisme se firent également remarquer, pendant tout le Moyen Âge, par leur importance historique et leur poids sur l’échiquier politique de l’empire islamique. Le mouvement carmate (9ème et 10ème siècle), incluant dans sa théologie politique un système égalitaire et la lutte armée contre le pouvoir sunnite des Abbasides, connut une propagation fulgurante dans tout le sud de l’Iran, la région du Golfe persique et une grande partie de la péninsule arabique. […]

« Le schisme le plus important survint cependant à la mort du calife al-Mustansir en 487/1094, lorsque les fidèles se scindèrent en deux factions rivales, les Musta’lites et les Nizârites, factions qui connurent plus tard de nombreuses subdivisions et qui existent encore de nos jours. Les Musta’lites, sans doute plusieurs centaines de milliers au moins, se trouvent aujourd’hui principalement au Yémen, en Afrique orientale et en Inde (surtout dans le Gujerat, où ils sont connus sous le nom de Bohra). Les Nizârites, quant à eux, eurent une active et fructueuse propagande en Syrie, et surtout en Iran. Ce sont eux que les chroniqueurs médiévaux des croisades appelèrent les Assassins. […] Après l’invasion mongole et la chute d’Alamût (13ème siècle), les Nizârites entrèrent dans la clandestinité, les fidèles se dispersèrent et bon nombre d’entre eux, cachant leur identité doctrinale, rejoignirent le shî’isme duodécimain ou les confrérie soufies. Les ismaéliens actuels sont, pour la plupart, issus d’un schisme nizârite. La plupart d’entre eux, peut-être plusieurs millions (aucune statistique fiable n’existe à ce jour), vivent en Inde – connus sous l’appellation Khoja – et aussi en Asie centrale, en Iran oriental, dans les petites communautés secrètes dispersées dans tout le Proche et Moyen-Orient, au Yémen, en Afrique orientale, enfin en Europe et en Amérique du Nord. Depuis leur sortie de clandestinité, les imâms reconnus par la majorité de ces descendants des ismaéliens d’Alamût appartiennent à la célèbre famille, d’origine iranienne, des Aga Khan. »[13]

L’ismaélisme, véritable bouillon de réflexion spirituelle, va engendrer une autre spiritualité qui se développe pour aboutir à une véritable religion : il s’agit du druzisme, né lorsque mourut en 1021 le sixième calife fâtimide al-Hakim, de la considération de certains de ses fidèles qui « […] le considérèrent comme occulté et comme le Mahdi attendu. Ils prirent pour eux-mêmes le nom de Muwahhidûn (« Unitaires »), mais ils seront plus connus sous l’appellation Druzes. »[14] Se fondant sur l’initiation à l’ésotérisme islamique et se centrant sur l’affirmation de l’unicité divine, le druzisme intègre moult notions provenant aussi bien des philosophies pythagoricienne et néoplatonicienne que des spiritualités hindouiste et bouddhiste, expliquant ainsi la croyance en la métempsycose.La plupart de ses membres quittèrent l’Égypte après la chute du califat fatimide en 1171 pour se réfugier dans les montagnes du Liban. Les Druzes – environ un million de personnes – se répartissent entre le Liban (entre 300 000 et 350 000 individus), la Syrie (entre 500 000 et 750 000 individus) et Israël depuis l’annexion du plateau du Golan en 1981 (environ 100 000 individus) et dans une moindre mesure, la Jordanie, étant reconnue comme une communauté religieuse indépendante.

Une autre branche issue du shî’isme apparaît au 9ème siècle à la suite des révélations que fit le XIèmeImâm Hassan al-‘Askari à son disciple Mohammad Ibn Nusayr al-Namiri al-‘Abdi (mort en 884), qui donnera son nom au nusayrisme, connut également sous la dénomination d’alaouisme. L’alaouisme considère une triade formée du prophète Mohammad qui en est le Nom ou le Voile, de son gendre et Ier Imâm ‘Ali qui en est le Sens ou l’Essence et de Salmân le Perse (Salmân Pâk, « Salmân le Pur »), leur compagnon, qui en est la Porte. Selon la foi nusayrienne, ‘Ali avait créé Mohammad qui créa ensuite Salmân le Perse, le prophète de l’islam devenant consécutivement un personnage secondaire après son cousin et gendre porteur de la connaissance de la véritable foi, le bâtin, c’est-à-dire l’ésotérique, qu’il enseigna et transmis de manière initiatique tandis que la religion littéraliste et exotérique, lezâhir, s’adresse à la masse ignorante. L’Esprit saint bénit le croyant alaouite dont l’âme loua Dieu avant de se rebeller par le doute et de s’incarner sur Terre où l’incarnation dans la chair terrestre le condamne au cycle de la métempsychose que la miséricorde divine propose de briser en se révélant pour reconduire l’âme à la contemplation. Présents en Syrie à hauteur de 10% de la population, les alaouites sont également présents en Turquie et au Liban.

Enfin, l’alévisme qui, bien que se rattachant originellement au shî’isme par le VIème Imâm Dja’far al-Sâdeq, constitue une religion particulière tendant vers le soufisme, que certains n’hésitent pas à classer hors de l’islam. Son fondateur, Hünkar Hadji Bektaş Veli (1209-1271), qui donne son nom au bektachisme qualifiant aussi l’alévisme, fut un maître soufi dont le rôle dans l’islamisation de l’Anatolie et des Balkans s’avéra essentiel. Il naquit à Nishâpour, ville d’Iran marquée par la spiritualité dans son histoire et son identité avec la fondation d’un évêché nestorien au 5ème siècle et la venue au monde de Ghazâli, Omar Khayâm ou bien encore ‘Attâr pour ne citer qu’eux. Dès lors, les influences asiatiques ne paraissent plus étrangères, l’alévisme transmettant des éléments issus du tengrisme (culte de la divinité du ciel éternel, à savoir Tanrı), du chamanisme, du bouddhisme, du hurufisme (un courant soufi azéri datant du 14ème siècle) et du cultes des anciens, à savoir le culte de la nature (montagne, roche, arbre) et le culte du Dieu-Ciel (Gök-Tanrı). Bektaş Veli n’est pas étranger à la pensée spirituelle mongole puisqu’il a 49 ans lorsque tombent Baghdâd et avec elle le califat abbaside en 1258. Pour les alévis, le Qorân est bien évidemment un livre sacré, ainsi que les Ancien et Nouveau Testaments constituant le canon chrétien, de même que les écrits apocryphes. Présents en Turquie à hauteur de 10 à 15 % selon les estimations officielles de l’État turc qui a longtemps persécuté cette communauté et 20 à 25 % selon les alévis, ils sont également présents dans les Balkans, en Bulgarie, à Chypre, en Crimée, en Syrie, en Irak, en Azerbaïdjan et en Iran.

En Irak, le shabakisme constitue la religion du peuple Shabak vivant dans le Kurdistan irakien et la périphérie de Mossoul. S’identifiant majoritairement comme shî’ites, leur spiritualité contient cependant quelques similitudes avec le christianisme et le yârsânisme dans ses traditions et combine des éléments soufis, notamment l’interprétation unique de la réalité spirituelle, c’est-à-dire l’abolition de l’interprétation exotérique du Qorân, lezâhir, dont émane la shari’at. Les croyants shabaks visitent des sanctuaires yézidis et shî’ites et suivent les enseignements shî’ites. Le shabak boyeroug, le livre d’al-manâqeb, rédigé en langue turkmène d’Irak constitue leur texte sacré, de même que les poèmes de Shâh Ismâ’il Ier(1487-1524), fondateur de l’empire safavide d’Iran en 1501, sont également considéré comme sacrés en raison de leur inspiration divine ; ils sont des secrets divins psalmodiés dans leurs assemblées religieuses.

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Parmi les autres religions présentes au Moyen-Orient se trouve le yézidisme, qui perdure encore de nos jours en Irak et en Syrie. Issus des tribus iraniennes mèdes installées dans l’actuel Kurdistan entre les 9ème et 8ème siècles avant Jésus-Christ, les Kurdes sont à cette époque pour leur presque totalité zoroastriens, à l’exception d’une minorité yazdâniste (le culte des Anges, les Yazdâni), dont la survivance se retrouve selon le kurdologue Merhad Izady parmi l’alévisme, le yârsânisme et le yézidisme. Il ne s’agit aucunement d’un dérivé du zoroastrisme bien qu’il témoigne de racines communes : la cosmogonie yézidie présente des similitudes avec les cosmogonies des anciennes religions iraniennes, c’est-à-dire les religions prézoroastriennes. Dieu est créateur du monde mais délègue sa conservation à sept anges dont le plus importants est Malek Tâwous, une de ses émanations créée le premier jour, le dimanche. Si Malek Tâwous, dont le nom signifie en kurde « ange-paon », est souvent représenté sous la forme d’un paon, c’est parce que cet animal symbolise la diversité, la beauté et le pouvoir. Également dénommé quelquefois Azrâ’il, il côtoie Dardail créé le deuxième jour (lundi), Israfil créé le troisième jour (mardi), Machael créé le quatrième jour (mercredi), Anzazil créé le cinquième jour (jeudi), Chemnail créé le sixième jour (vendredi) et Nourail créé le septième jour (samedi). Les yézidis disposent de deux livres sacrés, à savoir le ketâb-é cilwe (le « livre des Révélations »), décrivant la relation de Malek Tâwous avec les yézidis, et le mishefa res (le « livre noir »), décrivant la cosmogonie et édictant la législation religieuse. Le yézidisme présente des points communs avec le zoroastrisme, leur jour férié étant pour ces deux religions le mercredi, ainsi que les cinq prières quotidiennes dont celle du matin en direction du soleil est semblable à la prière zoroastrienne, mais également des similitudes avec le mithraïsme dont il a hérité du sacrifice du taureau en automne.

Le yârsânisme est quant à lui principalement présent dans son pays d’origine qu’est l’Iran et dans le Kurdistan irakien où il se répandit au fil du temps. Les yârsânistes sont estimés à 4 millions de personnes, dont 3 vivant en Iran où ils sont dénommés les Ahl-é Haq, appellation signifiant les « Gens de la Vérité ». Considérant leur religion comme éternelle, celle-ci mêle les principes du shî’isme avec d’autres éléments tel que la métempsychose dans un cycle durant 50 000 ans et comprenant 1000 réincarnations constituant chacune les étapes de perfectionnement de l’âme qui s’achève dans l’éternité. Selon la cosmogonie yârsâne, Dieu – qu’ils dénomment hou aval âkhar yâr, « Dieu premier et dernier ami » – créa l’univers en deux étapes : d’abord la création de l’univers spirituel puis celle de l’univers matériel. Chaque être existe pour une raison directement ou non issue de la révérence de la grâce obligatoire ; ainsi n’est-il pas intrinsèquement mauvais mais les effets néfastes doivent être atténués et éliminés par l’effort de la bonté – ainsi retrouverions-nous le triptyque moral zoroastrien de la bonne pensée, bonne parole et bonne action. Émile Bouvier rapporte : « Selon l’eschatologie[sic !] yârsâne, il n’y avait, au Commencement, qu’un monde recouvert d’eau. Au fond de cet océan se trouvait une perle, au cœur de laquelle se trouvait l’Essence divine. Celle-ci aurait d’abord donné naissance à ses sept compagnons, les Haftan (« sept corps »). Ensuite, à la demande des Haftan, la divinité serait sortie de la perle et aurait pris la forme de Khavankar (parfois orthographié « Khawandagar »), le « Seigneur dieu » ; ce Dieu aurait créé le monde en brûlant la perle : la fumée aurait donné naissance au ciel, aux étoiles et aux nuages, et la cendre à la Terre. Les Haftan lui auraient ensuite demandé de créer l’Humain, ce qu’il fit avec un morceau d’argile jaune, avant de l’implorer de se manifester en une forme humaine. Dieu souhaita alors insuffler une âme dans le corps d’un homme, ce qu’elle refusa de faire ; face à l’obstination de l’âme, les Haftan seraient entrés dans le cœur de l’homme et y aurait joué de la musique. Lorsque l’âme aurait entendu la musique, elle serait entrée en transe et aurait rejoint le corps de l’homme dont elle reste, aujourd’hui encore, prisonnière. »[15] Sept théophanies constituent les révélations de Dieu, apparues chacune en une époque différente, la première étant celle de Khavankar et la seconde celle de ‘Ali, les troisième et quatrième étant les plus importantes : Shâh Khoushin au 11ème siècle acte le premier pacte divin et Sultan Sahak au 14ème siècle formalise le dogme. Détail fort intéressant, la tradition yârsâne rapporte que leurs mères furent fécondées encore vierges par Dieu de la même manière que Marie enfanta Jésus-Christ dans la tradition chrétienne.

La religion la plus récente s’avère être le bahâ’isme (parfois aussi dénommé bâbisme), apparu en Iran lorsque Mirza ‘Ali Mohammad (1819 – 1850), un jeune commerçant shirâzi proclama en mai 1844 l’unité spirituelle de l’humanité et, se croyant la manifestation du Mahdi – le Douzième Imâm shî’ite actuellement en occultation – s’octroya le titre de « Bâb », ce qui signifie la « porte » dans le sens où celle-ci donne accès à la connaissance des vérités divines. Il est rejoint par dix-sept disciples, dont Fâtemeh Baraghani, (1817 ou 1818 –1852), une poétesse et théologienne qui répudia mari et enfants après son expulsion d’Irak où elle étudiait le shaykhisme afin de poursuivre son enseignement à travers l’Iran. Honorée du titre de « Tâhereh », signifiant « pure », elle est pour beaucoup un modèle et une source d’imitation, bien qu’elle ne fasse cependant pas l’unanimité au sein de la communauté en raison du caractère trop révolutionnaire de sa conception du bahâ’isme. Toutefois, elle demeure pour beaucoup de bahâ’is l’équivalent de Fâtemeh pour les Shî’ites, voire pour certains sa réincarnation. Les avis sont partagés concernant son abandon du voile : certains y voient un acte de militantisme féministe précoce tandis que d’autres le perçoivent comme un symbole acté de l’abolition de la loi prophétique mohammadienne. Ce mouvement religieux réformateur du Shî’isme va se heurter aux oppositions du gouvernement qâdjâr et du clergé shî’ite. Le Bâb est fusillé en juillet 1850 et Fâtemeh exécutée par strangulation à Téhéran en août 1852. Il faut attendre l’année 1863 pour que le premier disciple du Bâb, Mirzâ Hossein-‘Ali Nouri (1817-1892), relance le bâbisme en se déclarant être la réalisation de la prophétie annoncée par Mirza ‘Ali Mohammad. Cette spiritualité demeure cantonnée en Iran et en Turquie jusqu’à la mort de Nouri survenue en 1892, avant que son fils ‘Abâs Efendi, dit « ‘Abd al-Bahâ’ » (1844-1921), ne reprenne sa succession et développe sa foi en Europe et en Amérique du Nord. Aujourd’hui, le bahâ’isme est présent dans le monde entier, son siège se situant à Haïfa et Acre, en Israël ; selon ses chiffre, sept millions de personnes suivraient ses enseignements dans près de 190 pays. La foi bahâ’ie considère Dieu comme unique et éternel, créateur de l’Univers, « Dieu personnel, inconnaissable, inaccessible, source de toute révélation, éternel, omniscient, omniprésent et tout puissant »[16] et s’articule autour de la notion de trois unités, à savoir celles de Dieu, de la religion et de l’humanité. En raison de son inaccessibilité, Dieu se manifeste aux Hommes à travers des manifestations dénommées mazhar-é ilâhi : Adam, Zoroastre, Khrishna, Bouddha, Abraham, Moïse, Jésus et Mohammad, venus apporter des révélations qui à chaque fois se complètent selon une période cyclique. L’âme se doit de reconnaître Dieu à travers ses manifestations et de se rapprocher de lui par la charité et la prière, son développement spirituel la guidant vers l’enfer ou le paradis qui s’avèrent pour la foi bahâ’ie des états spirituels plus ou moins éloignés de Dieu.

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Il est enfin une dernière religion dont nous nous devions de présenter les contours : il s’agit du mandéisme. D’un premier abord proche du christianisme, elle n’en demeure en réalité pas moins une spiritualité à part entière. Le mandéisme regroupe des disciples de Saint Jean Baptiste, présents sur les rives du Tigre et de l’Euphrate en Irak et du Kâroun en Iran, ainsi que le Jourdain en Jordanie. Les mandéens sont estimés à 70 000 personnes au total, dont 25 000 en Iran, vivant principalement dans la région du Khouzestân.[17] Beaucoup ont quitté l’Irak après l’invasion américaine de 2003 pour se réfugier en Iran, en Syrie, en Jordanie ou bien encore en Occident ; selon la chercheuse Claire Lefort, en 2018, il ne subsiste en Irak plus que 300 familles, les autres ayant migré vers les camps de migrants jordanien, syrien et libanais, ou bien vers la Turquie, l’Australie, la Suède ou la France.[18] Les conséquences de cet exil sont dramatiques puisque beaucoup des réfugiés abandonnent leur religion, qui plus est les officiants détenteur de la connaissance de la langue araméenne se raréfiant, leur formation s’avérant longue et soutenue.

Les mandéens détiennent un livre saint, le genzâ rabbâ (signifiant « le Trésor »), écrit vers le 7ème ou 8ème siècle. Il se divise en deux parties : le genzâ yeminâ (« genzâ de droite ») et genzâ smâlâ (« genzâ de gauche »), ce dernier témoignant d’une chaîne ininterrompue de copiste depuis la fin du 2ème siècle ou le début du 3ème siècle, constituant en cela un élément plus qu’exceptionnel pour des textes de tradition. Autre texte de référence qui nous soit parvenu, la légende de Harrân Gâweta (baptisée aussi « rouleau de la grande révélation ») témoigne de l’existence des mandéens dans l’empire parthe, corroborant ainsi leur texte saint. Ils quittèrent la Palestine après la destruction de Jérusalem survenue en 153 pour gagner l’empire parthe, s’installant dès lors en Iran ; certains mandéens vont d’ailleurs considérer la période sassanide (224-651) succédant à la période parthe (190 avant Jésus-Christ – 224 après Jésus-Christ) comme la dernière représentation vivante de la foi gnostique. Rappelons que la gnose désigne la « Connaissance se présentant non comme un savoir acquis, mais comme une intuition salvatrice, une révélation intérieure, reposant sur le dualisme de la connaissance et de l’ignorance, du bien et du mal, de l’esprit et du corps, et se fondant sur l’idée que le monde sensible est dominé par des puissances mauvaises, hostiles au Dieu transcendant, source du monde spirituel que le gnostique cherche à connaître. »[19]

Bien que la cosmogonie mandéenne ne soit pas clairement définie en raison de l’existence de plusieurs récits, une synthèse peut toutefois en être dégagée : Dieu, que les mandéens nomment Hayyi Rabbi, signifiant la « grande Vie » ou le « grand Dieu vivant », est éternel et créateur du monde. De sa lumière se manifestent des uthras, des entités comparables aux anges chargés de Le louer et L’honorer. Leurs rôles sont divers : Manda d-Hayyi apporta sur Terre le manda, c’est-à-dire la connaissance de la gnose, Hibil Ziwa conquit le monde des Ténèbres, tandis que d’autres s’avèrent dépasser cette position en devenant des entités pourvues d’un rôle démiurgique ; Abathur (la « Troisième Vie ») dont le rôle sera de juger les âmes, Yushamin (la « Seconde Vie »), sévèrement puni par Dieu pour avoir voulu créer son propre monde, s’opposant subséquemment à Lui, et Ptahil, émanation des ténèbres qui corrompit les autres êtres spirituels et créa avec l’aide du mauvais esprit Ruha notre monde terrestre, mélange à la fois d’obscurité et de lumière. Cette vision dualiste semblables à d’autres religions iraniennes telles que le zoroastrisme, le manichéisme ou bien encore le mazdakisme voient donc deux mondes s’affronter, l’esprit et la matière luttant l’un contre l’autre depuis le création, l’esprit souhaitant retourner à sa source qu’est la lumière et quitter le monde terrestre considéré comme le monde du chaos.

Hayyi Rabbi, Dieu, est symbolisé par l’Eau vive ; les mandéens vivent conséquemment près des cours d’eau comme les fleuves ou les rivières, mais jamais des eaux stagnantes puisque Dieu est une force vive et créatrice, donc intrinsèquement vivante et en mouvement. C’est aussi dans l’eau qu’ils pratiquent leur office hebdomadaire et leur cérémonie de baptême qui demeurent inchangée depuis son origine, Jésus-Christ ayant reçu la même que reçoivent encore aujourd’hui les mandéens, de même que ces derniers maîtrisent toujours la langue araméenne.

Les mandéens débutent leur nouvelle année en célébrant la naissance de Jean lors de la fête de e’tikaf à la fin du mois de juillet, suivi de la célébration de dahwa raba, correspondant au temps de la création d’Adam, ce prophète étant considéré par les mandéens comme leur ascendant originel, faisant de leur foi le premier véritable monothéisme. Ils considèrent Jésus comme un faux prophète, de même qu’Abraham, Moïse et Mohammad et interdisent formellement la circoncision puisque le corps est considéré comme une perfection en raison de sa création par Dieu (c’est notamment pour cette raison qu’Abraham est rejeté puisque premier circoncis). Autre différence avec le christianisme, Jean fut marié et père de famille conformément à l’injonction que Dieu lui fit.

Le symbole du mandéisme résume bien sa situation par rapport au christianisme : ressemblant au premier abord à une croix, il s’avère fort différent, de même que l’est le mandéisme qui ne peut être classé comme une branche de la foi chrétienne. Le drabsha (signifiant en araméen « grande bannière »), ou la darfash en arabe, symbolisant la Lumière, est constituée de deux branches d’oliviers reliées entre elles par une corde et un tissu tous deux de couleur blanche, dont les pointes indiquent les points cardinaux, et au sommet duquel se trouve une feuille de jasmin. Symbole de la Lumière disions-nous, répondant à l’âme immortelle qui se soucie constamment de sa prochaine existence menacée d’une récompense ou d’un châtiment, mais d’un châtiment qui ne sera pour la foi mandéenne jamais éternel en raison de la miséricorde divine.

Conclusion

À la vue de cet Orient multiple dans sa foi et devant tant d’expressions de l’amour pour Dieu, le cheminement de l’Âme vers la rencontre avec son créateur peut sembler fort compliqué et pousser à rester coi ou s’égarer dans l’infini. Il n’en est rien. Déjà en son 12ème siècle, le mystique iranien Rouzbehân (1128-1209) nous enseigna ce qu’est le cheminement immuable de l’Âme : « Tantôt elle est dans les pleurs, tantôt elle est dans les rires ; tantôt ardente de feu, tantôt vibrante de musique ; tantôt la substance même de l’argile humaine est consumée par le feu de l’amour, et tantôt le luth de la prééternité accompagne la psalmodie. Tantôt dans l’ivresse mentale, tantôt dans la lucidité, tantôt abolie à soi-même. Tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’exultation ; tantôt dans la crainte, tantôt dans l’espoir ; tantôt dans la séparation, tantôt dans la réunion. Pas d’étape où faire halte, quand elle est séparée ; pas même de séjour à demeure, lors de la réunion. Voilà ce qui est exigé d’un Fidèle d’amour que Dieu mène en ce monde par les degrés de l’amour humain à l’ascension de l’amour divin ; parce que dans le jardin de l’amour, il ne s’agit que d’un seul et même amour, et parce que c’est dans le livre de l’amour humain qu’il faut apprendre à lire la règle de l’amour divin. »[20] Le Ier Imâm ‘Ali nous aurait répondu « Les gens sont soit tes frères en religion, soit tes frères en humanité ».[21]

La répartition des différentes communautés religieuses

Au Liban

Le Liban se compose de 18 communautés religieuses : 5 musulmanes (shî’ites, sunnites, druzes, ismaéliens et alaouites) et 13 chrétiennes, dont 7 catholiques et 6 non catholiques.

  • Catholiques : maronites, grecs catholiques, arméniens catholiques, syriaques catholiques, latins, chaldéens et coptes
  • Non catholiques : grecs orthodoxes, arméniens orthodoxes, syriaques monophysites, assyriens, protestants et coptes orthodoxes

Les musulmans représentent environ 60% et les chrétiens 40% . Cependant, ces chiffres s’avèrent approximatifs en raison de l’absence de recensement officiel de l’État depuis 1932.

En Israël

Israël se compose de Juifs (ashkénazes et séfarades), de juifs éthiopiens, de druzes, de chrétiens, de musulmans et de bahâ’is.

En Jordanie

La Jordanie compte 97% de musulmans, 2,2% de chrétiens (50% sont des grecs orthodoxes, l’une des plus anciennes communautés chrétiennes se trouvant en Jordanie), ainsi que quelques Shî’ites, pour la plupart des réfugiés irakiens et libanais, et près de 30 000 druzes dans le nord du pays.

En Syrie

La Syrie de compose de musulmans. 16% sont shî’ites dont 11% alaouites et 1,5% ismaéliens. 5 à 7 % de la population est chrétienne. Celle-ci s’élevait à 12% en 1920 sur une population totale de 1,5 millions d’habitants.

En Irak

L’Irak compte 95% de musulmans, 1,25% de chrétiens (chaldéens, assyriens ou nestoriens, syriaques occidentaux ou jacobite et orthodoxes orientaux), 1,25% de yézidis, le reste se composant de zoroastriens, de yârsânistes et de mandéens. Il est à noter qu’aucun recensement n’a été effectué depuis 1987.

Les juifs sont également présents dans chacun de ces pays mais un très petit nombre, l’absence de statistiques rendant difficile toute mesure. À noter que la deuxième plus grosse communauté juive du Moyen-Orient se trouve en Iran.


[1]La Voie vers le Divin – Initiation au vocabulaire spirituel en philosophie occidentale, L’Harmattan, 2021, pp. 13-17.

[2] Michel Abitbol, Judaïsme, in Bibliothèque d’Orient, BNF (https://heritage.bnf.fr/bibliothequesorient/fr/judaisme-article).

[3]Op. cit.

[4]Les peuples en cartes, Le Monde – La vie, Hors-série, janvier 2022, p. 64.

[5] Christian Cannuyer, Christianisme, in Bibliothèque d’Orient, BNF (https://heritage.bnf.fr/bibliothequesorient/fr/christianisme-art).

[6]Op. cit.

[7]Op. cit.

[8]Op. cit.

[9]Op. cit.

[10] Gaston Wiet, Grandeur de l’Islam, éd. Kontre Kulture, 2014, p. 68.

[11] Dominique Sourdel, L’Islam, PUF, col. Que sais-je ?, 1979, pp. 75-76.

[12] Henry Corbin, En Islam iranien. Aspects spirituels et philosophiques, tome I : Le Shî’isme duodécimain, Gallimard, col. Tel, 1991, p. 290.

[13] Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet, Qu’est-ce que le Shî’isme ?, Éditions du Cerf, 2014, pp. 66-68.

[14]Op. cit. pp. 66-67.

[15] Émile Bouvier, Le « Peuple de la Vérité » : entre islam chiite, zoroastrisme, culte de Mihtra et christianisme, qui sont les Yârsâns (1/3) ? Présentation ethno-géographique et spirituelle du yârsânisme, Les clés du Moyen-Orient, 4 juin 2021 (https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-Peuple-de-la-Verite-entre-islam-chiite-zoroastrisme-culte-de-Mihtra-et.html).

[16] Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous (« God Passes By »), Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, 1976.

[17]Mandâi-iân, yektâparastâni kamtar shénâkhaté shodé va peyrovân-é yeki âz qadimitarin-é adyân-é djahân (« Les mandéens, monothéistes moins connus et adeptes de l’une des plus anciennes religions du monde »), Euronews, 25 décembre 2018 (https://per.euronews.com/2018/12/25/mandaeism-religion-prophet-john-the-baptist-oldest-monotheism-in-the-world-christians).

[18] Robin Verner, La religion mandéenne, l’un des plus vieux monothéismes du monde et le plus méconnu, BFM TV, 25 décembre 2018 (https://www.bfmtv.com/societe/religions/la-religion-mandeenne-l-un-des-plus-vieux-monotheismes-du-monde-et-le-plus-meconnu_AN-201812250015.html).

[19] Définition de Gnose, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), (https://www.cnrtl.fr/definition/gnose).

[20] Rûzbehan, Le jasmin des fidèles d’amour, traduit du persan par Henry Corbin, Verdier, 1991, pp. 155-156.

[21] Lettre du Ier Imâm ‘Ali au gouverneur d’Égypte Mâlik al-Ashtar (657).

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Histoire de la philosophie islamique, par Henry Corbin

Histoire de la philosophie islamique est certainement l’un des livres les plus essentiels de l’œuvre d’Henry Corbin.

La philosophie en terre d’Islam est souvent associée à la simple transmission de l’héritage des Grecs. Cependant, son rôle dans l’histoire ne se limite pas à cela. De nombreuses figures importantes ont contribué à l’émergence d’une riche métaphysique au sein de cette tradition. Celle-ci perdure encore aujourd’hui. C’est ce que démontre notamment l’ouvrage Histoire de la philosophie islamique d’Henry Corbin, qui va bien au-delà de la simple chronologie des moments marquants de cette longue histoire.

Henry Corbin Histoire de la philosophie islamique

En effet, Corbin suit un fil conducteur bien précis : celui de l’herméneutique. Il explore comment, depuis les Ismaéliens jusqu’aux grands noms de la philosophie en terre d’Islam tels qu’Avicenne, Sohravardî ou encore Ibn Arabî, s’est développée une exégèse du Livre saint qui a permis l’émergence d’une véritable philosophie prophétique. Ce faisant, il montre que la pensée en terre d’Islam ne se réduit pas à une simple reproduction de la philosophie grecque. Mais que cette dernière s’est fondée sur un travail de réinterprétation et d’adaptation du message divin aux contextes et aux préoccupations de chaque époque.

La philosophie islamique, son histoire et ses facettes

Cette réflexion est particulièrement importante aujourd’hui, alors que les à priori entre les cultures occidentale et islamique sont souvent exacerbées. En effet, la mise en lumière de cette tradition philosophique permet de souligner les nombreuses convergences entre ces deux cultures. Elles ont toutes deux développé des pensées spirituelles riches et complexes en réponse aux grandes questions de l’existence.

Cette philosophie en terre d’Islam offre ainsi une alternative intéressante aux conceptions philosophiques occidentales. Ces dernières eurent tendance à s’imposer comme un modèle universellement valable. Il convient donc, comme le souligne Corbin, que ces pensées ne restent pas inconnues du public occidental.

En effet, elles méritent d’être reconnues pour leur valeur intrinsèque. Mais également pour leur capacité à élargir notre horizon philosophique. La philosophie islamique nous invite à repenser nos questionnements à la lumière de sa tradition riche et complexe. La philosophie en terre d’Islam représente ainsi un exemple éloquent de la richesse et de la diversité de la pensée humaine.

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Le drapeau de l’Iran : histoire et significations

Le drapeau de la République islamique d’Iran fut officiellement adopté le 29 juillet 1980 pour devenir le nouvel étendard du pays après la révolution qui vit changer ses institutions politiques.

drapeau République islamique d'Iran
Drapeau de la République islamique d’Iran (depuis 1980)

Force est de constater que le drapeau iranien regorge de symboles et de significations importantes, représentant la foi, l’histoire et le patriotisme du peuple iranien. Cette symbolique du drapeau iranien demeure totalement inconnue des Occidentaux.

Le drapeau avec le lion et le soleil, symboles de l’Iran

Le Lion et le Soleil sont des symboles nationaux de l’Iran depuis fort longtemps. Ceux-ci représenteraient un mélange des anciennes cultures de la Mésopotamie et de la Perse. Ce symbole sera utilisé sur les drapeaux iraniens à partir du XVème siècle sans interruption jusqu’en 1979.

Le soleil est un symbole profondément enraciné dans les croyances des anciens Iraniens. Durant l’époque préislamique, il symbolisait Mithra. Les Parthe arboraient également l’image du soleil, tandis que celui-ci ornait le sommet de la couronne des rois sassanides.

Drapeau de l’État impérial d’Iran (1964-1979)

Le lion est pour sa part étroitement lié à la monarchie en Iran. Les trônes et les habits des rois achéménides étaient notamment ornés de rangées de lions, de même que la couronne d’Antiochos Ier, roi de Commagène d’origine iranienne, et l’armure portée par Ardashir Ier lors de la cérémonie de l’effusion de Rostam.

Chaque dynastie iranienne interpréta ce symbole de manière différente. Il s’agissait à l’origine d’un simple signe astrologique et non d’un symbole gouvernemental. Sous la dynastie safavide, ce symbole fut interprété de manière à la fois chiite et iranienne. À partir du règne d’Agha Mohammad Khân Zâdeh Qadjar, en parallèle avec les changements intellectuels et sociaux de cette période, l’interprétation chiite de ce symbole perdit progressivement de son importance.

Les couleurs du drapeau iranien

Le drapeau iranien se compose de trois bandes horizontales. La bande supérieure est de couleur verte, symbolisant l’Islam. La bande du milieu est blanche, représentant la paix. Enfin, la bande inférieure est rouge, symbolisant le courage.

drapeau Iran Gouvernement provisoire 1979-1980
Drapeau du Gouvernement provisoire d’Iran (1979-1980)

Ces couleurs seront celles du Gouvernement provisoire en fonction de février 1979 jusqu’à l’élection du premier président de la République islamique d’Iran en février 1980.

La République islamique va conserver ce modèle pour son drapeau, en lui ajoutant toutefois certaines modifications. Notamment l’inscription الله اکبر (« Dieu est le plus grand »), écrite en coufique onze fois sur chaque bande. Cette répétition symbolise la date du 22 bahman, soit le 11 février, jour de la victoire de la Révolution iranienne.

La tulipe, symbole de l’Iran

Au centre du drapeau se trouve un emblème créé par Hamid Nadimi (حمید ندیمی) et approuvé par l’ayatollah Khomeyni le 9 mai 1980.

tulipe République islamique d'Iran

Il représente au premier abord le mot الله (« Dieu »), stylisé sous la forme d’une tulipe rouge. Dans la mythologie iranienne, cette fleur pousse sur la tombe des combattant morts en défendant l’Iran et symbolise ainsi le martyre.

Toutefois, cette tulipe s’avère une composition artistiquement stylisée comprenant plusieurs symboles. Elle représente également l’expression islamique لا اله الا الله (« Il n’y a de dieu que Dieu »), dénommée توحید (tawhid) et affirmant le caractère monothéiste de l’Islam.

tulipe symbole République islamique Iran

Les quatre croissants sont lus de droite à gauche, chacun représentant une lettre. Le premier croissant est la lettre alif, le deuxième le premier lam et les troisième et quatrième croissants forment ensemble le heh. Une ligne verticale indique le second lam mais représente aussi une épée. Au-dessus de celle-ci, un tashdid est présent (cette marque diacritique ressemblant à un w indique une gémination).

Les quatre croissants et l’épée présents dans l’emblème font référence aux cinq principes de la religion chiite. L’épée, pilier central de ce symbole, représente également la résilience et l’endurance. La symétrie parfaite de cette forme symbolise aussi l’existence d’un équilibre dans l’univers.

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Histoire

Le vol Iran Air 655, un avion civil iranien abattu par les États-Unis

Le 3 juillet 1988, le bâtiment de la marine étasunienne USS Vincennes abattait le vol civil Iran Air 655 dans le golfe Persique. Les 290 personnes présentes à bord, dont 66 enfants, furent tuées.

vol Iran Air 655 timbre commémoration
Timbre iranien émis le 11 août 1988.

Le vol Iran Air 655 du 3 juillet 1988

Alors que l’Iran fait face à huit années de guerre consécutives imposées par l’Irak, les États-Unis ne manquent pas de mener des hostilités contre l’Iran (cf. Comprendre les Gardiens de la Révolution islamique pour la liste détaillée).

Parti de Téhéran, le vol commercial Irân Air 655 assurait ce dimanche 3 juillet 1988 la liaison avec Dubaï via une escale à Bandar Abbas. Alors qu’il survole le détroit d’Hormuz, la frégate américaine USS Vincennes tire plusieurs missiles sur l’aéronef.

Source : 36e anniversaire de l’attaque meurtrière des États-Unis contre un avion de ligne iranien (presstv.ir) Mise à jour du 3 juillet 2024.

Au total, 290 personnes trouvent la mort. 254 Iraniens (dont 16 membres d’équipage), 13 Émiratis, 10 Hindous, 6 Pakistanais, 6 Yougoslaves et 1 Italien. Parmi les victimes figurent 66 enfants.

La récupération des corps et des débris nécessitera 80 plongeurs, quatre navires et quatre hélicoptères travaillant sans interruption pendant 52 jours. Cette opération s’avéra particulièrement compliquée en raison des températures avoisinant les 50°C. La récupération des corps fut elle aussi une opération fort complexe. En effet, du fait de leur immersion prolongée, les morceaux devenus enflés ne rentraient guère dans les cercueils et les plongeurs furent alors contraints d’utiliser des civières en filet pour les remonter. Seuls 178 corps sur les 290 purent finalement être retrouvés.

Une enquête édifiante démontre la responsabilité des États-Unis

Le rapport d’enquête publié par la marine étasunienne s’avère incomplet. En effet, celui-ci ne présente aucune carte renseignant la position de l’USS Vincennes. De plus, le vol étant civil, celui-ci n’avait aucun accès aux fréquences d’urgences militaires qu’utiliseront sept fois les Américains pour le contacter.

Enfin, ce rapport ne mentionne aucunement le code transpondeur et le couloir aérien emprunté qui aurait permis l’identification de l’appareil. En dépit d’un retard de 27 minutes sur son horaire prévu de décollage, l’Airbus A300B2 iranien figurait sur la liste des vols civils remise à l’US Navy.

En 1990, le lieutenant-colonel Roger Charles parvient à récupérer auprès de l’OIAC (Organisation Internationale de l’Aviation Civile) une copie complète du rapport d’enquête. Il s’avère que le commandant de la frégate a désobéi à un ordre direct de sa hiérarchie en poursuivant des vedettes iraniennes. Il viola ainsi délibérément l’espace aérien iranien en s’enfonçant de presque cinq kilomètres dans les eaux territoriales iraniennes, plaçant ainsi son bâtiment sur la trajectoire de l’avion.

Le déni américain

Bien entendu, les États-Unis nièrent leur responsabilité dans cette attaque volontaire à l’encontre de la population iranienne. Le président Ronald Reagan exprima ses « regrets » lorsque son vice-président George Bush déclare le 2 août 1988 lors d’un discours de campagne :

« Je ne présenterai jamais d’excuses au nom des États-Unis — Que m’importe les faits… Je ne suis pas de ces gens qui présentent des excuses au nom des États-Unis. »

Plus consternant encore, les États-Unis vont même récompenser les meurtriers. Le commandant reçut la Legion of Merit en 1990 pour son commandement de l’USS Vincennes. La « Légion du Mérite » récompense une « conduite exceptionnelle en période de guerre ». L’éloge du commandant ne mentionnera pas la destruction de l’avion civil iranien.

Le coordinateur de guerre aérienne, responsable du tir en affirmant que l’avion piquait sur le croiseur alors qu’il était en montée, reçut la Commendation Medal. La « Médaille de mention élogieuse » est décernée pour « actes d’héroïsme et services méritoires rendus ».

Enfin, l’ensemble de l’équipage recevra pour sa part la Combat Action Ribbon au nom de leur mission en zone de combat. Le « Ruban d’action au combat » récompense les marins de l’US Navypour leur « participation active à un combat en zone hostile en présence du feu ennemi ».

Des documents déclassifiés publiés en juillet 2022 révèlent comment le Royaume-Uni offrit son soutien immédiat aux États-Unis et les aida à dissimuler les faits :

« Washington a prétendu que la marine américaine avait agi en état de légitime défense, mais ce n’était pas vrai. L’avion n’avait pas, comme l’a affirmé le Pentagone, « quitté la route aérienne commerciale prescrite », ni « descendu » vers l’USS Vincennes à « grande vitesse ». […]

En particulier, Powell a rappelé qu’après que les États-Unis eurent abattu le vol 655, le secrétaire privé de Thatcher pour les affaires étrangères, Charles Powell, « avait immédiatement appelé de Downing Street pour demander ce que les Américains voulaient que le gouvernement britannique dise ». »

John McEvoy, Britan ‘immediately’ supported U.S. over shooting down of Iranian Airliner (« La Grande-Bretagne à « immédiatement » soutenu les États-Unis pour avoir abattu un avion de ligne iranien »), Declassified UK, 20 juillet 2022 (https://www.declassifieduk.org/britain-immediately-supported-us-over-shooting-down-of-iranian-airliner/).

La difficile justice pour les victimes du vol Iran Air 655

Les journalistes français Serge Halimi et Pierre Rimbert notent l’attitude de la presse américaine devant cette catastrophe. D’ordinaires si prompts à se martyriser, les États-Unis ne présentent aucune compassion et aucun respect lorsqu’il s’agit de peuples étrangers :

« Au cours des deux semaines suivant l’accident, la destruction du vol KAL 007 fait l’objet d’une couverture deux à trois fois plus importante que celle du vol Iran Air : 51 pages dans Time et Newsweek dans un cas, 20 dans l’autre ; 286 articles, contre 102, dans le New York Times. Après l’attaque soviétique, les couvertures des magazines américains rivalisent d’indignation : « Meurtre aérien. Un guet-apens impitoyable » (Newsweek, 13 septembre 1983) ; « Tirer pour tuer. Atrocité dans le ciel. Les Soviétiques descendent un avion civil » (Time, 13 septembre 1983) ; « Pourquoi Moscou l’a fait » (Newsweek, 19 septembre 1983). Mais, sitôt que le missile fatal porte la bannière étoilée, changement de ton : il n’est plus question d’atrocités et encore moins d’intentionnalité. Le registre bascule de l’actif au passif, comme si le massacre n’avait pas d’auteur : « Pourquoi c’est arrivé », titre Newsweek (18 juillet 1988). Time préfère même réserver sa couverture aux voyages spatiaux sur Mars et reléguer le drame aérien en pages intérieures, avec le titre : « Ce qui a mal tourné dans le Golfe ». Les qualificatifs les plus courants dans les articles du Washington Post et du New York Timessont, dans un cas, « brutal », « barbare », « délibéré », « criminel » et, dans l’autre, « par erreur », « tragique », « fatal », « compréhensible », « justifié ». Même le regard porté sur les victimes s’embue ou se durcit en fonction de l’identité de leur meurtrier. Doit-on préciser à ce stade à qui les journalistes américains réservent les termes « êtres humains innocents », « histoires personnelles poignantes », « personnes aimées » et ceux, plus sobres, de « passagers », « voyageurs » ou « personnes qui sont mortes » ? »

Serge Halimi et Pierre Rimbert, Si tu veux la guerre, prépare la guerre, Le Monde diplomatique, août 2019 (https://www.monde-diplomatique.fr/2019/08/HALIMI/60159).
Couvertures des 13 septembre 1983 et 18 juillet 1988 du magazine Newsweek.

L’Iran portera l’affaire devant la Cour internationale de justice en 1996 et les États-Unis accepteront de verser 131,8 millions de dollars de dédommagement. Cependant, les États-Unis n’ont jamais présenté d’excuses et continuent de nier leurs responsabilités.

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Histoire

L’Empire des Safavides ou la Renaissance en Iran

L’Empire des Safavides naît en 1501 lorsque Chah Ismaïl choisit Tabriz comme sa capitale. Il y sera couronné premier chah de la dynastie safavide.

drapeau empire safavide Iran
Drapeau des Safavides avec l’emblème du lion et du soleil

L’empire des Safavides aura la particularité de déclarer le Chiisme duodécimain comme religion d’État. Cela peut sembler surprenant, étant donné que la nouvelle dynastie est issue de confréries soufies turques d’Asie centrale, appartenant donc au monde sunnite. Plusieurs hypothèses furent proposées pour expliquer cet événement. Certains y voient une tentative d’établir un équilibre religieux face au sunnisme qui prévaut alors dans le monde islamique et dont les Ottomans font la promotion. D’autres ont supposé que les nouveaux dirigeants, grâce au Chiisme, cherchaient à unifier religieusement l’empire qu’ils venaient de fonder pour renforcer sa cohésion et contribuer ainsi à son unité.

carte empire des Safavides Iran

En Iran, bien que les Chiites fussent nombreux depuis longtemps, une grande partie de la population restait sunnite. Les Safavides n’hésitèrent guère à faire appel à des missionnaires venus des anciennes terres chiites d’Irak ou de Bahrein. En dépit de ces efforts, des minorités sunnites turkmène, kurde, baloutche ou arabe se maintinrent en périphérie de l’empire. Bien que la conversion au Chiisme ne fût totale, l’adhésion de la majorité de la population initia un processus d’identification entre le Chiisme et l’iranité qui s’était développé sous différentes formes depuis deux millénaires.

Chronologie de l’Empire safavide

1503 :Ismaïl, devenu le dirigeant des Safavides, remporte une victoire décisive contre Murad des Akkonyulu, lui assurant ainsi le contrôle de l’Iran central et méridional.

1508 : Chah Ismaïl conquiert Bagdad et s’empare du Fars. Après avoir remporté une victoire contre les Ouzbeks en 1510, il annexe le Khorassan et devient le souverain de tout l’Iran.

1510 : Chah Ismaïl s’empare de la ville afghane d’Hérat et introduit le Chiisme dans l’ouest de l’Afghanistan.

1512 : Chah Ismaïl conclut une trêve pour mettre fin aux hostilités des Ouzbeks vainqueurs à Mashhad.

1514 : L’armée des Ottomans dirigée par le sultan Sélim Ier remporte la bataille de Tchaldiran contre les Iraniens sous Chah Ismaïl, les privant ainsi de leur contrôle sur la Mésopotamie. Les Ottomans occupent ensuite Tabriz, puis le Kurdistan. En conséquence, l’Iran chiite se retrouve pris en étau entre les menaces sunnites ottomane à l’ouest et ouzbèke à l’est.

1517 : Le sultan ottoman Sélim Ier entre en vainqueur au Caire après avoir vaincu les Mamelouks.

La succession de Chah Ismaïl

1524 : Après la mort de Chah Ismaïl, son fils Tahmasp lui succède, bien qu’il ne soit âgé que de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 1533 qu’il exerce réellement le pouvoir. Cette période de dix ans est caractérisée par les luttes qui se déroulent entre les différents clans Kizilbash (« Têtes rouges »).

1526 : Babûr crée l’Empire moghol, qui englobe Kaboul et l’est de l’Afghanistan. En parallèle, les Iraniens contrôlent Hérat et le Sistan, tout en rivalisant avec les Moghols pour le contrôle de Kandahar. De leur côté, les Ouzbeks occupent le nord de l’Afghanistan, situé au-delà de la chaîne montagneuse de l’Hindou Kouch.

1534 : Les Ottomans conquièrent l’Irak et s’emparent de Bagdad. Thamasp déplace sa capitale de Tabriz à Ghazvin et réprime les rébellions fomentées par ses frères.

De 1548 à 1549 : Les Ottomans lancent une campagne militaire contre l’Iran, aboutissant à l’occupation de l’Azerbaïdjan et à la prise de Van.

1555 : Un traité de paix appelé « paix d’Amasya » est signé entre les Ottomans et les Safavides. Elle restera en vigueur pendant près d’un quart de siècle.

1558 :Tahmasp prend le contrôle de Kandahar, qui reste sous le contrôle de l’Iran pendant environ quarante ans. La ville sera ensuite disputée entre les Moghols jusqu’en 1637, lorsque le Grand Moghol Chah Djahan la reprend. Cependant, en 1648, le Safavide Abbas II s’en empare de nouveau.

Milieu du XVIème siècle : Les arts iraniens, tels que la peinture, l’enluminure, la céramique, les textiles et les tapis, connaissent une renaissance. Dans les décennies suivantes, la culture iranienne exercera une influence considérable sur la civilisation moghole en Inde. C’est également la période d’excellence de la pensée spirituelle avec l’École d’Ispahan.

1576 : Mort de Thamasp.

De 1578 à 1588 : Règne de Mohammad Chah.

Guerre d’empire entre les Ottomans et les Safavides

1578 :Expédition ottomane contre l’Iran et prise de Tiflis.

1585 : Les Ottomans occupent Tabriz et annexent l’Azerbaïdjan.

1587 : Mort du célèbre poète Muhtacham de. Il est connu pour ses œuvres qui honorent Ali et les martyrs du Chiisme.

De 1588 à 1629 : Règne de Chah Abbas Ier, correspondant à l’apogée de la dynastie safavide. Sur le plan économique, l’Iran profite des richesses provenant du grand commerce caravanier reliant l’Inde et la Chine à l’Orient arabe et turc.

1589 :Création d’une armée permanente. De nombreuses terres deviennent propriétés de la Couronne.

1590 :Une nouvelle paix est instaurée entre l’Empire ottoman et l’Iran. Cependant, celle-ci s’avère plus favorable aux Turcs.

1598 : Les Iraniens remportent une victoire contre les Ouzbeks et reprennent le contrôle de Hérat. En conséquence, la capitale iranienne est déplacée de Qazvin à Ispahan, où un vaste programme de travaux publics est lancé.

L’empire des Safavides au XVIIème siècle

1603 :Les Iraniens et les Ottomans reprennent leur conflit. Les Safavides parviennent à prendre le contrôle de Tabriz. La même année marque également le début de la construction à Ispahan de la mosquée du Sheikh Lotfollah.

1607 : Ispahan voit l’arrivée des ambassadeurs espagnol, portugais et anglais. En parallèle, des ordres religieux européens fondent des couvents dans la ville.

1612 : Une nouvelle période de paix est établie entre les Ottomans et les Iraniens.

Iran safavide par rapport aux frontières actuelles
Comparatif de l’étendue de l’Iran safavide par rapport aux frontières actuelles

1612 :Début de la construction de la mosquée royale d’Ispahan.

De 1615 à 1618 : Une nouvelle guerre éclate au cours de laquelle la ville d’Erevan résiste aux Ottomans.

1620 : Construction du Grand Bazar d’Ispahan.

1624 : Les Iraniens occupent l’Irak et s’emparent de Bagdad. Ils perdront ces territoires en 1638.

De 1629 à 1642 :Règne de Safi Ier.

1639 : La paix de Qasr-é Shirin est signée entre les Turcs et les Iraniens. Selon les termes de l’accord, l’Irak et Tabriz restent sous la domination du sultan ottoman, tandis qu’Erevan et une partie du Caucase reviennent aux Iraniens.

De 1642 à 1666 : Règne de Chah Abbas II.

Entre 1666 et 1694 : Règne de Shah Soleyman. La corruption affecte l’État et les intrigues du harem influence le gouvernement, tandis que l’armée perd en puissance.

L’empire des Safavides au XVIIIème siècle

De 1694 à 1722 : Règne de Sultan Hossein.

1706 : La madrasa Madar-é Shah et le caravansérail adjacent sont construits à Ispahan.

L’invasion afghane de l’Iran

1709 : Les Afghans de la tribu Ghalzay s’emparent de Kandahar, une ville détenue par les Safavides depuis 1648, tandis que les Afghans de la tribu Abdâli ravagent le Khorassan.

1716 : Les Afghans de la tribu Abdâli s’emparent de la ville de Hérat et de ses environs, conséquemment séparés de l’Iran.

1719 :Mahmoud, un Afghan de la tribu Ghalzay, prend le contrôle de la région de Kerman.

Entre 1722 et 1729 : Les Afghans occupe Ispahan.

1723 : Chah Tahmasp II se proclame souverain à Qazvin.

De 1723 à 1727 : Une nouvelle guerre éclate entre les Turcs et les Iraniens, lancée par les premiers. Le traité de paix de Hamadan consacre la victoire des Ottomans, entraînant pour les Iraniens la perte de territoires en Iran occidental et dans le Caucase méridional. Le souverain afghan Achraf est contraint de reconnaître la domination ottomane sur l’ouest et le nord de l’Iran.

Les Safavides rétablissent leur empire

1729 : Nadir Khan, un chef afchâr, expulse les Afghans d’Ispahan et rétablit la monarchie safavide avec Tahmasp II.

De 1731 à 1737 : Une guerre entre la Turquie et l’Iran aboutit à l’établissement de la rivière Araxe en tant que frontière entre les deux États dans le sud du Caucase.

1732 : Tahmasp II est déposé de son trône et Abbas II accède au pouvoir, avec Nadir Khan comme régent.

1733 : Victoire iranienne sur les Ottomans.

1736 : Après la déposition de Abbas II, Nadir Khan devient le nouveau roi et change son nom en Nadir Chah, fondant ainsi la dynastie des Afchâr. Sous son règne, qui dure de 1736 à 1747, l’Iran connaît une restauration de sa puissance et de son prestige. Cependant, cette progression s’accompagne d’une forte pression fiscale, d’un appauvrissement du pays et d’une décadence de l’administration.

1738 : Les Iraniens prennent Kandahar, Ghazni et Peshawar.

1739 : La capitale iranienne est déplacée d’Ispahan à Machhad. La même année, Nadir Chah remporte une victoire contre l’armée moghole, pénètre à Delhi et annexe tous les territoires à l’ouest de l’Indus. Ensuite, il envahit le Turkestan et le Khwarezm, mais échoue dans sa campagne de 1741 au Daghestan.

1746 : Nouvelle paix entre les Ottomans et les Safavides, marquée par le retour aux frontières de 1639.

La fin des Safavides

Deuxième quart du XVIIIème siècle : À Ispahan, une nouvelle école poétique émerge, marquée par un retour aux formes littéraires traditionnelles, avec des figures telles que Muchtâk. À Chiraz, c’est Chu’la (mort en 1747) qui représente cette tendance. En 1766 disparaît Ali Hazîn, l’auteur du Tadkhirat al-Ahwâl, une description de l’Iran au début du XVIIIème siècle.

1747 : Après l’assassinat de Nadir Chah par des officiers, le pays sombre dans l’anarchie et la guerre civile. Les Zand prennent le contrôle de la partie sud du pays. Les Afghans Abdâli proclament Ahmed Durani souverain d’Afghanistan, avec Kandahar comme capitale, et étendent leur autorité sur Ghazni, Kaboul et Peshawar.

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Histoire

L’Iran au Moyen-Âge

Le Moyen-Âge en Iran correspond à la période comprise entre l’islamisation du pays et l’avènement de l’Empire safavide, marquant par là son passage dans la Renaissance. Désormais, l’histoire de l’Iran médiéval sera pour plusieurs siècles étroitement liée à celle du monde islamique.

Iran médiéval Moyen-Âge
L’Iran au Moyen-Âge

Le début du Moyen-Âge en Iran : le califat omeyade

660 : Suite à l’arbitrage d’Adhroh, l’omeyade Mo’awiya devient calife. Il est reconnu en Syrie, en Palestine, en Égypte et au Hedjaz, tandis qu’Ali, le gendre du Prophète, est reconnu en Irak et en Iran.

661 :Ali est assassiné à Kufa par un kharidjite s’opposant à son désir de compromis avec les Omeyyades après la bataille indécise de Siffin survenue en 657. Cette tragédie divise la communauté musulmane en sunnites, favorables à Mo’awiya, chiites, partisans d’Ali et de sa descendance, et kharidjites, qui rejettent les deux autres factions. Au début, Hassan et Hossein, les fils d’Ali, acceptent de reconnaître Mo’awiya. Celui-ci se garde bien de revendiquer une autorité religieuse et gouverne en tant que chef tribal soutenu par l’armée de Syrie. Cependant, dès 671, Ali est publiquement maudit et ses partisans exécutés. En 678, Mo’awiya insiste pour que son fils aîné Yazid lui succède, ravivant ainsi les tensions entre les Omeyyades et les Chiites menés par Hossein.

665 : Ziyad ben Abou Sufyan devient gouverneur de Bassorah et des régions iraniennes. Cinquante mille familles arabes colonisent la province du Khorassan, à l’est de l’Iran.

10 octobre 680 :Martyre du IIIème Imâm chiite Hossein à Karbala, en Irak.

Début du VIIIème siècle : Émergence au sein des communautés musulmanes, en particulier chez les chiites, d’une eschatologie basée sur les notions de ghayba (« occultation ») et de radj’a (« retour ») du Mahdi.

Sous la domination arabe

Entre 706 et 715 : À partir de l’oasis de Merv, Qutayba ben Muslim conquiert la Transoxiane. Samarcande et le Khwarezm tombent sous son contrôle en 712, suivis par le Ferghana en 714.

710 : L’expansion arabo-musulmane s’étend jusqu’au delta de l’Indus à l’est.

716 : Le mouvement abbasside (da’wa) est créé pour soutenir les descendants de la famille du Prophète.

716 : Les Parsis (zoroastriens) émigrent de l’Iran vers le Gudjurat, une région située au nord de l’Inde.

733 : La révolte des Arabes du Khorassan est encouragée par la limitation du nombre de soldats pensionnés imposée par le califat.

736 : La da’wa s’établit dans la région du Khorassan, à l’est du plateau iranien, sous laquelle les chiites se rapprochent des Abbassides et les soutiennent dans leur lutte contre le califat omeyyade.

745 : Abou Muslim prend le commandement militaire de la dissidence formée au Khorassan.

747 : Ibrahim, dont le nom est associé à la propagation de la da’wa, est arrêté et meurt dans les geôles omeyyades. Le 9 juin, la révolte éclate au Khorassan au nom de « l’imam attendu ».

La naissance du califat abbasside

749 : La ville de Kufa est prise et Abdul Abbas est proclamé calife.

750 : Lors de la Bataille du Grand Zab, les Omeyyades subissent une défaite qui entraîne la mort de Marwan II. Cela mène au massacre de la lignée omeyyade.

751 : Les musulmans remportent une victoire sur les Chinois lors de la bataille de Talas, au cœur de l’Asie centrale.

755 : Abou Muslim est exécuté, rompant de fait l’alliance entre Abbassides et chiites. Les anciens partisans des Omeyyades reçoivent le pardon et un régime similaire à celui des Marwanides est réinstauré. En réaction, une révolte éclate au Khorassan au nom d’Abou Muslim, considéré comme « occulté ».

762 : Fondation de la ville de Bagdad. Elle devient le nouveau centre d’importance du monde musulman. Sous la dynastie abbasside, l’appareil d’État sassanide, en particulier sur le plan fiscal, va se reconstituer. Bien que les musulmans aient pris le dessus, cela ne signifie pas pour autant la disparition de l’identité iranienne proprement dite, ni le maintien d’un sentiment nationaliste qui se traduit également par un sentiment de supériorité envers les Arabes qualifiés de « mangeurs de lézards ». Une phrase attribuée à un noble iranien synthétise ce sentiment après la conquête arabo-musulmane : « Si vous cherchez le gouverneur qui a richesses, serviteurs, suite, majesté, gloire et belle vie, c’est l’Arabe Duwaï, dans la ville d’Amol. Mais si vous cherchez celui qui, jour et nuit, est avec ses faucons, ses guépards et ses chiens, alors c’est moi. ».

L’affirmation de l’identité iranienne

Un processus d’iranisation se développe rapidement parmi les conquérants sémites venus de l’ouest. Les Abbassides recrutent une grande partie de leurs forces en Iran, plus précisément dans le nord-est, au Khorassan. C’est également de cette région que provient leur personnel administratif et que la civilisation musulmane connaîtra certains de ses plus grands succès. Les anciennes élites iraniennes choisissent naturellement de s’intégrer à cette nouvelle civilisation en formation tout en conservant leur identité distincte. La proximité de Bagdad, considérée comme l’héritière de Ctésiphon, facilite cette fusion. Ainsi, ce sont les Tahirides du Khorassan, qui transfèrent leur capitale de Merv à Nichapour, qui dirigent les troupes du calife abbasside de Bagdad.

Il est également remarquable que les émirs locaux s’imposant à Sistan et à Boukhara, avec les dynasties saffaride et samanide, inventent une généalogie sassanide pour justifier leur pouvoir. Finalement, les émirs bouyides qui prennent le contrôle du calife de Bagdad revendiquent le titre de « roi des rois », renouant ainsi avec le passé sassanide.

L’Iran au Moyen-Âge : les VIIIème et IXème siècles

De 786 à 809 : Califat d’Haroun al-Rachid à Bagdad.

Début du IXème siècle : Montée en puissance du mouvement littéraire appelé « chu’ûbiyya » parmi les intellectuels d’origine iranienne.

De 809 à 813 : Le gouverneur du Khorassan, Ma’mûn, se révolte.

Entre 839 et 840 :Révolte du prince iranien Mazyar.

844 : En Iran, le calife abbasside ne détient plus qu’une autorité symbolique. C’est désormais les Tahirides qui exercent le pouvoir dans la région après avoir reçu ce territoire de la part du calife abbasside à partir de 820.

836 : Fondation de Samarra, la nouvelle capitale abbasside.

864 : Un premier émirat chiite se forme sur la côte de la mer Caspienne.

873 : Yakub al-Saffar renverse le gouvernement des Tahirides et prend le contrôle de Nichapour. À partir de 876, l’Iran est confié à son frère Amr, placé sous l’autorité des Saffarides, qui dirigent un émirat dissident affirmant l’identité iranienne. Cependant, le calife al Mu’tadid réussira à vaincre les Saffarides en 892.

Cette même année, la disparition du XIIème Imam chiite marque le début de la « petite occultation ». Après la mort de l’Imam Dja’far al-Sadiq en 765, la dissidence chiite a donné naissance à une division entre l’ismaélisme, le zaydisme et l’imamisme. Ainsi, les chiites sont maintenant divisés en septimains (ismaéliens), qui restent fidèles à la mémoire du septième Imam, et en duodécimains, qui attendent le retour du XIIème Imam.

Vers 885 :Les Samanides commencent à établir leur indépendance à Nichapour.

892 : Les Abbassides sont de retour à Bagdad. Il connaîtront alors leur apogée.

L’Iran au Moyen-Âge : le Xème siècle

Au cours du Xème siècle, l’État abbasside traverse une crise. Pendant la seconde moitié de ce siècle, il tombe sous l’influence des Bouyides, qui détiennent réellement le pouvoir.

Entre 904 et 954 : Nichapour, la capitale des Samanides, atteint son apogée.

Au cours de la première moitié de ce siècle, la langue néo-persane atteint son apogée en intégrant une forte composante lexicographique arabe et en soumettant la poésie à la prosodie arabe.

De 930 à 935 : La révolte de Mardâwidj en Iran conduit au rétablissement du trône d’or et du titre de « roi des rois ».

940 :À la mort du quatrième représentant de l’Imâm caché des Chiites duodécimains, aucun successeur n’est désigné. Ainsi débute la « Grande Occultation ».

963 :Les Bouyides introduisent les festivités chiite d’Achoura et soutiennent par la suite régulièrement la communauté chiite.

Une période de changements

Fin du Xème siècle : La poésie iranienne commence à retrouver son éclat, notamment avec l’émergence de Daqîqî à la cour des Samanides.

De 977 à 997 : Sous le règne des Samanides, Sabüktekin gouverne Ghazni en Afghanistan et mène régulièrement des raids contre l’Inde. Ainsi débute l’histoire de la dynastie ghaznévide qui perdurera de 962 à 1186.

980 : Adud al-Dawla, de la dynastie Bouyide, entreprend la restauration des formes sassanides du pouvoir, incluant le titre de « roi des rois », le port du diadème traditionnel et l’utilisation des inscriptions pehlvies. Cela confère à la royauté une apparence iranienne, tandis que la dimension prophétique et religieuse reste du ressort du calife.

Entre 980 et 1037 : le médecin originaire du Khorassan Abou Ali Hossein ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne, écrit le Qânûn, une vaste encyclopédie médicale.

992 : Des émirs turcs islamisés occupent Boukhara, ce qui entraîne le remplacement des Samanides par les Qarakhanides en Asie centrale. Au cours du Xème siècle, les Samanides maintinrent des relations commerciales étroites avec la Chine et l’Inde, ainsi qu’avec les Scandinaves qui leur fournissaient des fourrures et des esclaves. En témoigne l’abondance des dirhams samanides découverts dans les trésors monétaires du cours supérieur de la Volga et des côtes baltiques.

999 :Le calife de Bagdad accorde sa reconnaissance aux conquêtes de Mahmûd de Ghazni, puis lui accorde son indépendance. Mahmûd fait ériger une magnifique capitale et mène de nombreux raids contre le Nord de l’Inde, qui subit régulièrement des pillages.

1004 : Le légendaire poète iranien Firdousi dédie à Mahmûd de Ghazni son œuvre légendaire intitulée Shâhnâmeh (« Le Livre des Rois »). Cette œuvre retraçant dans une langue persane minutieusement travaillée toute l’histoire de l’Iran et décrit son Imaginaire constitue l’un des chef-d’œuvre de la culture iranienne.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIème siècle

Au début du XIème siècle, des grands centres de pèlerinage s’établissent en Irak et en Iran, notamment aux tombeaux des imâms chiites, tels que Karbala, Mashhad ou Qom.

1034 : Les Turcs Oghuz, sous le commandement de Seldjouk, pénètrent en Iran après avoir traversé l’Oxus (l’Amou Daria) dès 1025.

1040 : Lors de la bataille de Dandâniqân, les Seldjoukides repoussent les Ghaznévides qui perdent le contrôle du Khorassan, se retrouvant ainsi en dehors de l’Iran.

1050 : Le calife abbasside honore le chef seldjoukide Tughril beg avec les titres de « pilier de la foi » et de sultan. En 1055, il entre victorieusement à Bagdad, éliminant les Bouyides, avant d’épouser la fille du calife en 1062. Cela marque le début du sultanat seldjoukide en association avec le califat. Sous les règnes d’Alp Arslan puis de Malik Châh, les Seldjoukides s’imposent en Asie du sud-est en remportant des victoires contre les Fatimides chiites d’Égypte et en battant les Byzantins à Mantzikert en 1071.

1060 : Le décès de Nâsir-é Khosro, célèbre poète et philosophe iranien, marque la fin de son parcours en tant que figure de l’ismaélisme septimain.

L’apparition des Seldjoukides

1078 : La création du sultanat seldjoukide de Rûm en Asie Mineure. Son nom rappelle que ces territoires firent autrefois partie de l’Empire romain.

1088 : Construction de la Grande Mosquée d’Ispahan, sous le règne de Malik Shâh.

1090 : Hasan al-Sabbah lance une révolte et s’empare de la forteresse d’Alamut dans le nord de l’Iran. En 1092, les « assassins » de la secte chiite des Nizarites, appartenant à sa faction, assassinent le grand vizir Nizam al-Molk. Ces membres seront responsables de multiples actes de terreur dans l’Orient musulman et les royaumes des Croisés, durant les XIIème et XIIIème siècles, jusqu’à ce que leur repaire soit détruit par les Mongols. Durant le XIXème siècle, ils étaient communément appelés « hashshashins ». Cette étymologie est aujourd’hui remise en question malgré sa signification supposée, liée à l’usage de la drogue pour l’exécution de leurs attentats.

De 1098 à 1099 : Les croisés occidentaux se lancent dans une incursion en Orient. Ils conquièrent successivement Édesse, Antioche et Jérusalem, où Baudouin est couronné roi en 1100.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIIème siècle

1126 : Décès d’Omar Khayyam de Nichapour. Ce disciple d’Avicenne est célèbre pour ses talents de mathématicien, de réformateur du calendrier iranien et de poète.

1153 : Le sultan seldjoukide Sandjar subit une défaite face aux Ouïghours, ce qui conduit au pillage du Khorassan.

1171 : Le fondateur de la dynastie kurde des Ayyubides, Saladin, abolit le califat fatimide en Égypte.

1187 : Saladin remporte la bataille de Hattîn contre les Croisés. Il capture ensuite Jérusalem, ce qui conduit à la troisième croisade.

1190 : Les Ghurides afghans s’emparent du Khorassan. Cette même année décède al-Anwari, poète et astrologue de la cour de Sandjar originaire du Khorassan.

1193 : À son tour, Ala al-Dîn, chef de la dynastie khwarezmienne, conquiert le Khorassan. Il expulse les Seldjoukides d’Iran l’année suivante. Les Turcs du Khwarezm envahissent le plateau iranien.

1203 : Mort du poète iranien Nizâmî (né en 1140).

Le XIIIème siècle et l’invasion mongole

1206 : Le Mongol Temudjin adopte le titre de Gengis Khan et soumet le Turkestan en 1208.

1220 :Les Mongols conquièrent Balkh et Nichapour et s’emparent de Kaboul l’année suivante.

Entre 1235 et 1239 :Les Mongols achèvent la conquête de l’Iran.

De 1242 à 1258 :Règne d’al-Musta’sim, le dernier calife abbasside de Bagdad.

1243 : Les Seljoukides de Rûm, à l’apogée de leur puissance au début du siècle, subissent une défaite écrasante face aux Mongols à Köse Dagh. Ils seront une nouvelle fois vaincus en 1256 à Aksaray.

1244 :Chams al-Dîn Tabrîzî, un mystique iranien, arrive à Konya en Anatolie. Il exercera une influence considérable sur Djalâl al-Dîn Rûmi, qui deviendra le fondateur de l’ordre des derviches mevlevis.

Sous la domination des Mongols

1256 :Hulagu établit la dynastie mongole en Iran et conquiert la forteresse d’Alamut.

1257 : Le poète Sa’di de Chiraz rédige le Bustân (« Le Jardin »), puis écrit le Golestân (« La Roseraie ») l’année suivante.

1258 : Les Mongols capturent et détruisent Bagdad. Le dernier calife abbasside de al-Musta’sim sera étranglé.

1260 : Les Mamelouks d’Égypte battent les Mongols à Ayn Djalut.

1277 : Nouvelle victoire des Mamelouks d’Égypte, commandés par Baybars, sur les Mongols à Elbistan.

1291 : L’ilkhân Arghoun et le roi de France Philippe le Bel entretiennent une correspondance concernant un projet d’attaque conjointe contre les Mamelouks égyptiens.

1294 : Marco Polo traverse l’Iran au retour de son voyage en Chine.

1295 : Ghazan Khân, fils d’Arghoun, devient ilkhân et choisit Tabriz comme capitale. Après avoir embrassé l’islam, il met en place un gouvernement basé sur les principes de cette religion. En 1299, il remporte une victoire contre les Mamelouks d’Égypte à Hims.

L’Iran au Moyen-Âge : le XIVème siècle

1304 : Uldjaytu Khudâbanda (un autre fils d’Arghoun) devenu ilkhân d’Iran essaie d’officialiser le chiisme duodécimain.

1313 : Les Mongols inaugurent Sultâniyeh, leur nouvelle capitale iranienne.

De 1317 à 1335 : Règne d’Abou Saïd. Il est le premier souverain ilkhanide à porter un nom musulman.

1324 : Un résident vénitien s’installe à Tabriz.

1362 : Les Ottomans prennent la ville d’Andrinople.

1365 : Les conquêtes de Tamerlan (un turco-mongol) commencent. Il conquiert le Khorassan en 1369, puis le Khwarezm en 1378.

1380 :Tamerlan occupe Hérat. Il atteindra les rivages de la mer Caspienne en 1383.

De 1386 à 1387 : Tamerlan prend le contrôle d’Ispahan, de Chiraz et de Bagdad, puis occupe le Fars, le Louristan et l’Azerbaïdjan.

1390 : Décès du poète iranien Hâfez.

Le XVème siècle, la fin du Moyen-Âge en Iran

Entre 1400 et 1401 : Tamerlan met à sac Alep, Hama et Damas.

1402 :Tamerlan vainc et capture le sultan ottoman Bayezid Ier à Angora (anciennement Ancyre, actuellement Ankara).

1404 :Tamerlan, de retour à Samarcande, accueille le voyageur espagnol Ruy Gonzalez de Clavijo.

1405 : À la mort de Tamerlan, la tribu turcomane des Qaraqoyunlu (« Moutons noirs ») conquiert l’Azerbaïdjan aux Timourides. Au commencement du XVème siècle, la ville azérie d’Ardabil voit l’émergence d’un ordre mystique sunnite fondé par le cheikh Safi al-Dîn, qui sera connu sous le nom de Safavi. Ce mouvement spirituel rencontre un vif succès parmi les tribus turcomanes, avant de se tourner vers le chiisme. C’est en revendiquant cette identité religieuse distinctive que les tribus turcomanes réunies sous le nom de Kizilbach (« Têtes rouges ») entament une lutte qui les conduira, au XVIème siècle, à la tête de l’Iran.

1449 : Mort d’Ulugh Beg, petit-fils de Tamerlan. Son décès marque la fin de l’Empire timouride.

1453 : Prise de Constantinople par le sultan ottoman Mehmed II.

Milieu du XVème siècle : Construction de la Mosquée bleue de Tabriz.

Troisième quart du XVème siècle : La dynastie des Aqqoyunlu (« Moutons Blancs »), d’origine turcomane, connaît son apogée en gouvernant une partie de l’Iran.

1478 : Chah Ismaïl Safavi se révolte contre les Aqqoyunlu.

En 1499, Chah Ismaïl fonde la dynastie safavide en tant que guide spirituel et chef temporel des Qizil-bach (les « Têtes rouges », ainsi nommés d’après la couleur de leur turban caractéristique). Désormais, l’Iran va connaître sa Renaissance…

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Histoire

L’Empire des Sassanides

Les Sassanides vont marquer l’Histoire de l’Iran par la fondation d’un vaste empire. Successeurs des Arsacides dans le monde iranien, ils sont, tout comme les Achéménides, des Perses originaires du Fars. La lignée trouve son ancêtre éponyme en la personne de Sassan, prêtre du temple d’Anahita à Istakhr, la capitale religieuse de la Perside, héritière de l’ancienne Persépolis.

Drapeau des Sassanides

En 208, Pâbhagh, fils de Sassan, règne sur une partie du Fars, plus précisément sur l’actuelle région de Chiraz. Son fils cadet, Artakhchatr (Ardachîr), prend le contrôle de plusieurs autres villes du Fars. Il soumet la Susiane et le petit royaume de Mésène établi par des Arabes à l’embouchure du Tigre. Pendant ce temps, son père accroît sa puissance au point de revendiquer l’autorité sur les régions contrôlées par le roi parthe Artaban V, ainsi que le droit de les transmettre à son fils aîné, Chapour. Face au refus d’Artaban V, Pâbhagh se voit traité en rebelle.

À la mort de celui-ci, Châhpour lui succède. Toutefois, son frère Ardachir se rebelle contre lui et profite bientôt de la mort accidentelle de son aîné. Après avoir éliminé ses autres frères, Ardachir vainc et tue Artaban de sa propre main en 224, en Susiane, dans la plaine d’Hormizdaghan.

En prenant le pouvoir à Ctésiphon et en épousant une parente d’Artaban, Ardachir établit un nouvel État, mettant en œuvre une réaction nationale iranienne qui rejettera de nombreux éléments de la civilisation hellénistique. Cette réaction s’accompagne d’une nouvelle politique religieuse fondée sur l’adoption du mazdéisme comme religion d’État et la rupture avec la traditionnelle tolérance montrée jusqu’alors par les Perses ou les Parthes envers les diverses autres croyances.

Les Sassanides à la tête d’un empire parmi les plus puissants de l’Antiquité

L’empire des Sassanides, qui perdura pendant plus de quatre siècles, prospéra grâce à sa position stratégique le long des routes commerciales terrestres telles que la célèbre route de la soie, et maritimes avec le commerce de la mer Érythrée, dans l’océan Indien. Cela lui permettait d’importer des produits d’Asie de l’est vers le bassin méditerranéen. Cependant, cette position privilégiée fut menacée par les Romains qui cherchaient à ouvrir des voies commerciales directes vers l’est au-delà de Palmyre et de l’Euphrate.

empire des Sassanides 621 après Jésus-Christ
L’empire des Sassanides à son apogée en 621.

En dépit de leur victoire éphémère contre l’empire indo-scythe des Kouchans, les Sassanides durent par la suite faire face aux peuples nomades d’Asie centrale, tels que les Alains et les Saces, qu’ils réussirent toutefois à contenir. Cependant, au début du VIIème siècle, ils furent brièvement vainqueurs de l’Empire romain d’Orient avant de devoir finalement abandonner leurs conquêtes face à l’expansion de l’islam, qui se propageait depuis le sud-ouest de leur empire de manière imprévisible.

La société sassanide

Le pouvoir de l’État sassanide repose sur un système de castes hérité de la tradition indo-iranienne. Au sommet de la hiérarchie sociale se trouve le chah, ou « roi des rois », résidant dans ses palais de Bishapour ou de Ctésiphon. Les dimensions de ces palais témoignent de la puissance du souverain sassanide. De même les grands reliefs rupestres commémorant ses victoires sur les Romains ou ses exploits de chasse.

Un grand mage, deuxième personnage le plus important de l’État après le roi, dirige la classe cléricale. Les mages mazdéens ou zoroastriens constituent une véritable institution religieuse nationale, regroupée en communautés dans des temples dotés de vastes ressources. Leur rôle consiste à entretenir le feu sacré, à pratiquer les rituels et à dispenser l’enseignement. La deuxième classe est celle des nobles, qui sont les propriétaires terriens, également en charge de superviser l’armée. La centralisation croissante du pouvoir les priva de l’autonomie considérable dont ils bénéficiaient à l’époque parthe.

L’empire des Sassanides, entre conquêtes et développement

La classe paysanne constitue la majorité de la population de l’empire des Sassanides. Toutefois, la royauté sassanide encourage le développement d’une importante bureaucratie de scribes dirigée par un « Grand Commandeur », qui servira de modèle ultérieur du vizir musulman, assisté de secrétaires d’État responsables de conseils spécialisés qui deviendront les diwans de l’époque abbasside. La fiscalité est rigoureusement organisée, avec la capitation (gezit) et l’impôt foncier (kharag) qui seront plus tard prélevés par les califes musulmans.

L’économie sassanide repose sur de grands monopoles d’État qui contrôlent l’extraction minière, la fabrication d’armes et la production de produits de luxe tels que la soie. Une administration conséquente organise l’entretien des routes et le bon fonctionnement d’un service postal similaire à celui existant sous les Achéménides.

Le Zoroastrisme comme religion d’État

Fondée par Zarathoustra au VIème siècle avant Jésus-Christ, le zoroastrisme devient la religion officielle et exclusive de l’Empire sassanide. C’est cette religion qui confère sa légitimité au souverain, désigné pour exercer le pouvoir selon la volonté du dieu suprême Ahura Mazda.

Parallèlement, la religion désormais nationale ne tolère plus la pratique des autres cultes existants sous les Arsacides. Les persécutions, parfois violentes, touchent les Juifs, les bouddhistes, les chrétiens et les manichéens à différents moments. Par exemple, Manés, le fondateur du manichéisme, initialement bien accueilli par Chahpour Ier, finit par être exécuté.

Chronologie de l’Empire sassanide

226 :Ardachîr devient « roi des rois » à Ctésiphon. Située non loin de l’emplacement de la future Bagdad, il choisit cette ville comme capitale et règne jusqu’à sa mort en 241.

Entre 230 et 232 :Les Iraniens lancent leur première attaque en Mésopotamie, près de Nisibe et de Carrhes. Cependant, l’armée romaine parvient à rétablir la situation. Sévère Alexandre remporte la victoire et reçoit le titre de Persicus Maximus.

Le règne de Shapour Ier

241 :Shapour Ier accède au trône et est couronné à Ctésiphon le 20 mars 242. La même année, le nouvel empereur rencontre Mani, le fondateur du manichéisme, né en 216.

De 243 à 244 :Lors de sa première campagne contre les Romains, Chapour remporte une victoire à Misiché, sur la rive gauche de l’Euphrate. L’empereur Gordien IV y perd la vie et son successeur Philippe l’Arabe accepte de verser un tribut au vainqueur. Cette défaite marque probablement la fin de la domination romaine sur l’Arménie.

De 251 à 254 :Shapour intervient en Arménie. Le jeune arsacide Tiridate se réfugie en territoire romain.

253 :Shapour mène une seconde campagne sur l’Euphrate contre les Romains, qu’il bat à Barbalissos. Les Iraniens parviennent alors à occuper temporairement une partie de la Syrie, de la Cappadoce et de la Cilicie. Ils capturent Antioche en 253, puis Dura en 256. Toutefois, ils se heurtent à une résistance robuste des Romains à Émèse (actuelle Homs, en Syrie).

259 ou 260 : Lors de sa troisième campagne contre les Romains en Haute Mésopotamie, Shapour remporte une victoire écrasante à Edesse et capture l’empereur Valérien.

Des succès temporaires

De 261 à 267 : Le chef palmyrénien Odheinat reprend les régions frontalières perdues par Rome et se voit décerner par l’empereur Gallien le titre de Corrector Orientis. Il perd la vie en 267, un an avant la mort de Gallien.

De 268 à 271 :Claude II le Gothique succède à Gallien, avant d’être remplacé par Aurélien. Pendant ce temps, Palmyre voit son pouvoir grandir sous l’autorité de Zénobie, la veuve d’Odheinat, et de son fils Wahballat, qui revendiquent les titres royaux en 270.

270 :Zabdas, un général au service de Zénobie, conquiert Alexandrie et l’Égypte, provoquant une rupture entre Rome et le royaume de Palmyre.

De 272 à 273 : Aurélien mène une campagne contre Palmyre, prenant la ville en 272, puis la détruisant après une révolte.

272 :Mort de Chapour Ier.

Les successions incertaines menacent l’empire des Sassanides

274 : Aurélien remporte une victoire à Rome, où il érige le temple du dieu Sol Invictus et y installe la statue du dieu Bêl de Palmyre.

De 272 à 273 : Règne d’Hormizd Ier, fils de Châhpûhr.

De 273 à 276 : Règne de Vahram Ier, frère du précédent.

276 : Les persécutions dirigées contre le manichéisme par le clergé mazdéen conduisent à l’incarcération et à l’exécution de Mani en février 277.

De 276 à 293 :Sous le règne de Vahram II, Kartir, devenu grand prêtre mazdéen, ordonne l’expulsion des missionnaires des religions étrangères hors d’Iran.

283 : L’empereur romain Carus décède pendant la campagne qui conduisit à la capture de Ctésiphon.

L’Arménie et le christianisme au cœur des évènements

287 : Après un accord entre Vahram II et l’empereur romain Dioclétien, Tiridate est placé en tant que roi d’Arménie. Il demeure toutefois sous la suzeraineté romaine. Les Sassanides abandonnent la Mésopotamie.

293 :Règne durant quatre mois de Vahram III, sous le titre de Saghanchah, « Roi des Saces ».

De 293 à 302 :Narseh, fils de Châhpûhr et grand-oncle du jeune Vahram III, règne après avoir pris le trône à ce dernier.

De 296 à 297 :Une rupture se produit avec Rome. Narseh est finalement vaincu par Galère, le César de Dioclétien, et sa compagne Arsane est capturée. Suite au traité de Nisibe, le dirigeant sassanide se voit contraint de céder à Rome cinq districts de Petite Arménie.

297 : Dioclétien publie un édit à Alexandrie interdisant la diffusion de la propagande manichéenne dans l’Empire romain.

De 301 à 302 : Tiridate III et le peuple arménien se convertissent au christianisme sous l’influence de Grégoire l’Illuminateur. La même année, l’édit de Nicomédie initie une vague de persécution des chrétiens dans l’Empire romain.

De 303 à 309 : Hormizd II, fils de Narseh, règne et tente sans succès de reprendre le combat contre Rome. Pour contrer les menaces à l’est de son royaume, il contracte un mariage avec une princesse kouchane.

Le règne de Shapour II

De 309 à 379 : Règne de Chapour II qui accède au trône alors qu’il n’est encore qu’un enfant.

De 309 à 335 : Une longue période de régence s’achève par la conclusion d’une trêve avec l’Empire romain et le début de la persécution des chrétiens dans l’empire des Sassanides. La persécution des manichéens reprend également de plus belle. En 312, la conversion de l’empereur romain Constantin au christianisme et la proclamation de l’édit de Milan autorise la pratique de cette nouvelle religion, encourageant les chrétiens iraniens persécutés à rejoindre les territoires romains.

Sassanides et Romains s’affrontent pour l’Arménie

De 343 à 350 : Une période de tensions renouvelées émerge entre les Romains et les Iraniens, aboutissant à la reconquête de l’Arménie par ces derniers.

343 : Constance II envahit l’Adiabène.

346 :Shapour II échoue devant Nisibe et conclut un armistice.

348 : Bataille de Singara.

350 : Chapour II subit un nouveau revers face à Nisibe. Les Sassanides doivent également faire face à la menace des Huns le long de leur frontière orientale.

Entre 355 et 356 : Shapour II intervient en Arménie et en Mésopotamie, tandis que son frère Hormizd, vivant en exil auprès des Romains, accompagne Constance II lors de sa visite à Rome en 357.

356 : L’ambassade envoyée par Musonianus échoue. Chapour II persiste dans ses revendications territoriales sur l’Arménie et la Mésopotamie.

359 : Une nouvelle guerre éclate entre les Iraniens et les Romains, au cours de laquelle Shapour assiège et conquiert la forteresse d’Amida, située sur le cours supérieur du Tigre, à Diyarbakir dans la région kurde actuelle de Turquie.

Entre 362 et 363 :Une fois devenu empereur, Julien l’Apostat reprend l’offensive contre les Iraniens après la mort de Constance. Cependant, il trouve la mort en 363 en combattant sur le front de l’Euphrate, sans avoir réussi à capturer Ctésiphon. Son successeur, Jovien, décide de renoncer et conclut un traité avec Shapour, prévoyant la restitution des villes de Nisibe et de Singara, ainsi que des territoires situés au-delà du Tigre.

363 :Les Sassanides soumettent les tribus arabes du Sud-Ouest et établissent des alliances avec les Arabes Lakhmides de Hira, situés actuellement au sud de l’Irak.

De 371 à 377 : Les Iraniens lancent une nouvelle campagne contre l’Arménie, en réalité partagée les Romains.

La succession de Shapour II

De 379 à 383 :Règne d’Ardachîr II, frère présumé de Shapour II.

De 383 à 388 : Règne de Shapour III, fils de Shapour II.

De 388 à 399 :Règne de Vahram IV, un autre fils de Shapour II.

De 399 à 421 :Règne de Yazdgard Ier.

Le christianisme en Iran

410 : Lors du concile de Séleucie, les chrétiens d’Iran établissent une Église autocéphale et adoptent le Credo promulgué lors du concile de Nicée en 325.

Établie au-delà des frontières orientales de l’Empire romain, l’Église d’Iran devient une rivale de la chrétienté romaine en raison de l’hostilité entre les souverains romains et sassanides. À partir du Vème siècle, elle accueillera des dissidents de la chrétienté romaine, tels que les nestoriens et les monophysites.

Le christianisme ne devient solidement établi en Iran qu’aux IIIème et IVème siècles. Cependant, ses premières apparitions dans l’espace iranien remontent au premier siècle, notamment au sein de la communauté juive du royaume d’Adiabène, au nord-est de la Mésopotamie, et dans la région d’Édesse en Oshroène. Des sièges épiscopaux auraient été établis à Arbèles et dans la capitale de Séleucie-Ctésiphon à cette époque. Cependant, les informations sur cette période lointaine demeurent incertaines. Alors qu’ils étaient déjà présents en Iran avant la dynastie sassanide, les chrétiens deviennent bien plus nombreux au cours du IIIème siècle, période au cours de laquelle ils sont persécutés sur l’initiative du Grand Mage mazdéen Kartir.

La présence chrétienne dans l’empire des Sassanides

L’augmentation de la communauté chrétienne en Iran, en particulier en Susiane, est en partie due au transfert de nombreux prisonniers capturés dans la région d’Antioche et dans les provinces frontalières de l’Empire romain. Les persécutions se déroulent principalement sous les règnes de Bahram II et Chapour II. Quelquefois aussi par intermittence au cours des siècles suivants, généralement pendant les périodes de guerre contre les Byzantins. Ces périodes de persécution sont entrecoupées de longues périodes de paix, décrites par les sources chrétiennes décrivent, au cours desquelles les disciples du Christ prêtent allégeance au souverain sassanide.

Cependant, même en conservant sa langue et ses traditions syriaques, cette Église n’adopta pas pleinement la culture iranienne et ne s’assimila guère à la société sassanide. Le concile de Séleucie en 410 établit la hiérarchie des différents évêchés, plaçant ces derniers sous l’autorité de l’évêque de la capitale, le « grand métropolitain et chef de tous les évêques ». Le concile reconnaît également au roi des pouvoirs étendus sur l’Église iranienne. Il lui permet notamment de décider de la tenue des conciles, de les faire diriger par des fonctionnaires séculiers et d’assurer que les décisions conciliaires aient force de loi.

L’empire des Sassanides au Vème siècle

De 421 à 439 :Durant le règne de Vahram V, fils de Yazdgard. Il accéda au pouvoir avec l’aide militaire du prince arabe de Hira et adopta une attitude de tolérance en matière religieuse.

422 :Après une brève guerre, un traité de paix est conclu avec Byzance. Il garantit la liberté de culte aux chrétiens vivant dans l’Empire sassanide.

427 :Les Huns Hephtalites pénètrent dans l’est de l’Iran et deviennent désormais une menace permanente.

De 439 à 457 :Règne de Yazdgard II, très attaché au zoroastrisme.

442 :En guerre avec l’Empire romain d’Orient (plus tard désigné sous le nom d’« Empire byzantin » en référence à la cité grecque qui avait précédé Constantinople), les Sassanides doivent également faire face aux tribus hunniques des Kidarites dans le nord-est.

De 457 à 459 : Règne d’Hormizd III.

De 459 à 484 :Péroz Ier, frère d’Hormizd, se révolte contre lui pendant son règne et prend le pouvoir. Il persécute les juifs tandis que les chrétiens d’Iran se divisent entre nestoriens et monophysites. Il enverra notamment une délégation en Chine.

La menace des Huns

465 : Les Huns Hephtalites (aussi appelés les « Huns blancs ») remportent une victoire contre Péroz.

484 :Péroz trouve la mort au cours d’une campagne militaire contre les Huns Hephtalites.

De 484 à 488 :Règne de Valash.

De 488 à 531 :Règne de Kavadh, fils de Péroz. Il met en œuvre une partie du programme révolutionnaire de la secte mazdakite, suscitant ainsi l’opposition de la noblesse. Une rébellion populaire se rallie à Mazdak, qui réclame une répartition plus équitable des biens. Dans un premier temps, le roi soutient cette insurrection. Cependant, en 496, il est destitué et remplacé par son frère Zamasp. Kavadh revient au pouvoir en 499, soutenu par les Hephtalites. Il se retourne ensuite contre les insurgés et réprime violemment la révolte avec l’aide de son fils, le futur Khosro Ier.

500 : Le nestorianisme devient la seule Église chrétienne acceptée en Iran.

La reprise des guerres entre les empires byzantins et sassanides

De 503 à 505 : La paix avec l’Empire romain d’Orient est rompue. Bien que les deux empires aient conclu une première paix en 505, l’Empire romain doit faire face à l’est aux invasions des Huns Hephtalites.

518 :L’Iran envoie une première ambassade en Chine. Deux autres suivront en 528 et 531.

De 527 à 528 : Un nouveau conflit éclate avec l’Empire romain concernant le statut des chrétiens d’Iran.

De 531 à 579 : Règne de Khosro Ier, fils de Kavadh. L’accord établi par son père avec les mazdakites est rompu. Il met en place de nombreuses réformes économiques et militaires qui requièrent une plus grande centralisation.

532 : La première guerre menée par Khosro contre l’Empire romain se solde par une « paix éternelle » conclue avec Justinien.

De 540 à 557 : La guerre reprend contre l’empereur Justinien, cette fois-ci concernant l’Arménie et le contrôle du pays des Lazes, situé sur la côte est de la mer Noire. En 540, Khosro Ier s’empare d’Antioche en Syrie, la détruit et déporte ses habitants. Trois ans plus tard, il remporte une victoire contre les troupes de l’empereur en Arménie.

Les Sassanides confrontés à la menace des Huns

De 558 à 562 : Avec le soutien des Turcs occidentaux, Khosro réussit à éradiquer le royaume des Huns Hephtalites.

562 : Une « paix de cinquante ans » est conclue avec l’Empire romain. Celle-ci implique premièrement le paiement des tributs aux Sassanides et assure secondement la liberté de culte pour les chrétiens en Iran et pour les mazdéens dans l’Empire romain d’Orient.

571 : Les Sassanides conquièrent l’Arabie du Sud et chassent ensuite les Ethiopiens axoumites, alliés de l’Empire romain.

De 572 à 579 : Une nouvelle guerre éclate avec l’Empire romain. Khosro subit une importante défaite à Mélitène en 575.

578 :Une nouvelle ambassade iranienne est envoyée en Chine. La même année, une expédition maritime iranienne atteint Ceylan.

De 579 à 590 : Règne d’Hormizd IV, fils de Khosro Ier. Il poursuit la guerre avec l’Empire romain jusqu’en 582. En 581, l’empereur Maurice s’approche dangereusement de Ctésiphon, la capitale sassanide, alors menacée.

588 : L’émergence des Turcs en Asie centrale constitue une nouvelle menace pour les Sassanides.

L’empire des Sassanides et les Byzantins, entre alliances et conflits

De 591 à 628 :Règne de Khosro II. L’empereur de Constantinople le soutenant, il lui cède une partie de l’Arménie jusqu’alors contrôlée par les Iraniens. La frontière se rapproche ainsi du lac de Van. L’Empire romain a permis à Khosro II de se débarrasser d’un prétendant, Vahram VI Tchobin.

602 : Après la chute de son allié Maurice, renversé par Phocas, Khosro II reprend la lutte contre l’Empire romain.

De 604 à 609 : Les Iraniens remportent plusieurs victoires successives qui les conduisent d’Édesse jusqu’à Chalcédoine. Ils menacent ainsi Constantinople également confrontée aux attaques des Avars. Parallèlement, une nouvelle ambassade iranienne part en Chine en 605.

610 : Une révolution éclate à Constantinople, entraînant le couronnement d’Héraclius. Sous son règne, l’Empire romain d’Orient redouble d’efforts dans la guerre contre l’Iran. Motivé à la fois par des raisons politiques, territoriales et religieuses, il l’est également par la défense des chrétiens d’Iran.

614 :Khosro II conquiert Jérusalem. Le souverain sassanide emmène les reliques de la Sainte Croix à Ctésiphon. Cet événement sera immortalisé par les fresques réalisées à Arezzo par Piero della Francesca.

616 : Une nouvelle ambassade iranienne se rend en Chine.

619 : Khosro II conquiert l’Égypte et achève ainsi de restaurer l’ancien territoire achéménide.

De 622 à 626 : Héraclius mène plusieurs campagnes victorieuses jusqu’en Médie. Les Iraniens contre-attaquent et se retrouvent en 626 près de Constantinople. Héraclius reprend l’initiative et regagne tous les territoires perdus précédemment. Lors d’une révolte nobiliaire en 628, Khosro est renversé et assassiné par son fils Siroy.

La fin de l’Empire sassanide et la conquête des arabo-musulmans

Entre 628 et 632, l’Empire sassanide sombre dans l’anarchie. Des usurpateurs non-sassanides alternent le pouvoir avec des princes légitimes trop faibles pour établir une autorité stable. On voit ainsi Kavadh II Shéroé (628), Ardachîr III, un enfant tué après un règne d’un an et demi placé sous la tutelle d’un échanson, Khosro III, la reine Bourân de 629 à 630, Hormizd V et, enfin, Khosro IV (631-632) se succéder. La noblesse, dirigée par Rostam, installe Yazdgard III sur le trône. Depuis la mort de Khosro II, une douzaine de souverains éphémères se sont succédé.

De 632 à 651 :Règne de Yazdgard III, le dernier souverain sassanide. Bien qu’il semble destiné à restaurer l’autorité royale, il doit faire face à la menace arabo-musulmane. Lorsque l’Iran tombera sous leur contrôle, l’avènement de Yazdgard III sera considéré comme le début d’une ère nouvelle pour les sectes zoroastriennes.

635 :Les arabo-musulmans battent les Sassanides à Buwayb.

Novembre 636 :Bataille d’al-Qadisiyya (ou Cadésie) et défaite iranienne.

637 :Ctésiphon est prise en août. Par la suite, Ahwaz et le Khûzistân sont occupés en 639.

642 :Les troupes sassanides subissent des défaites à Djalula et à Nehavend face à l’armée arabe envoyée par le calife Omar, deuxième successeur du Prophète. Les musulmans prennent le contrôle de la Mésopotamie et de l’Iran occidental. Yazdgard III s’enfuit vers l’est et se réfugie à Merv, anciennement Alexandrie de Margiane, où il périt assassiné en 651. Son fils, Peroz, trouve quant à lui refuge à la cour chinoise où il décédera en 672. À ce stade, l’Iran fait désormais partie califat omeyyade établi à Damas.

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Histoire

Séleucides, Parthes et Arsacides

Les empires des Séleucides, des Parthes et des Arsacides marquèrent de manière significative l’histoire de l’Iran durant l’Antiquité.

Séleucides, Parthes et Arsacides

Les Séleucides, héritiers du puissant empire d’Alexandre le Grand, favorisèrent l’hellénisme avec la diffusion de la culture grecque en Iran. Les Parthes leur succédèrent pour établir leur propre empire dans la région. Connus pour leur stratégie militaire habile, en particulier leur cavalerie redoutable, ils surent préserver leur identité culturelle iranienne tout en s’adaptant aux influences hellénistiques. L’empire des Arsacides, pour sa part, résista avec succès à l’expansion romaine et devint un acteur majeur dans la région.

Les Séleucides règnent sur l’Iran

-312 : Après sa conquête de Babylone, Séleucos IerNikator, qui fut auparavant le compagnon d’Alexandre et le satrape de Babylone, choisit de s’y installer et apporte avec lui les influences culturelles de la Grèce antique en Iran. C’est à cette époque qu’il épouse Apamée, une noble iranienne, héritant ainsi des terres des Achéménides, dont sont toutefois exclus l’Égypte, la Palestine, le sud de la Syrie et une partie de l’Asie Mineure.

-311 : Séleucos mène une campagne militaire contre le souverain indien Chandragupta, fondateur de la dynastie des Mauryas. La guerre se conclut par un traité de paix en -304,  Séleucos cédant l’actuel Afghanistan.

-301 : La bataille d’Ipsos marque un tournant décisif dans l’histoire de l’empire d’Alexandre le Grand et entraîne son partage en trois grandes régions. Les Antigonides obtiennent la Grèce et la Macédoine, les Ptolémées (ou Lagides) dominent en Égypte et les Séleucides règnent sur la Syrie et l’Iran. À l’est, Séleucos doit céder au roi indien Chandragupta des territoires pris aux provinces de Gédrosie et d’Arachosie. Pour gouverner son royaume, Séleucos fonde deux capitales : Séleucie, située sur le Tigre et qui englobe l’ancienne Babylone, et Antioche, établie sur l’Oronte. Ce royaume séleucide comprend donc deux ensembles de territoires distincts, dont le premier sera conquis un siècle et demi plus tard par les Parthes et les Arsacides, tandis que le second, la Syrie, sera rapidement absorbé par Rome.

De -281 à -262 : Pendant le règne d’Antiochos Ier Sôter, la Perside, devenue le centre territorial de la dynastie, commence progressivement à s’émanciper de la Syrie en raison de la distance qui les sépare.

L’émergence des Parthes et des Arsacides face aux Séleucides

Entre -260 et -246 : Au cours du règne d’Antiochos II, la Bactriane, la Parthie et l’Hyrcanie se détachent de l’autorité du souverain vers -250. Diodote fonde un royaume gréco-bactrien indépendant qui perdurera jusqu’à la fin du IIème siècle avant Jésus-Christ. Au même moment, le satrape de Parthie, Andragoras, se rebelle contre le souverain séleucide. Il est toutefois vaincu en -239 par l’invasion des Parnes dirigés par Arsace. Ces Iraniens semi-nomades, installés au nord du Kopet Dag, conquièrent alors l’Hyrcanie. Ils s’assimilent rapidement aux populations locales, adoptant leur langue et leur nom pour devenir les Parthes. Désormais, les Séleucides vont devoir compter avec les Parthes et les Arsacides.

De -246 à -227 : Pendant son règne, Séleucos II Kallinikos doit faire face à la menace parthe à l’est et perd l’Asie Mineure à l’ouest.

Entre Rome et les Parthes

De -227 à -223 : Règne de Séleucos III Sôter.

Entre -223 et -187 : Sous le règne d’Antiochos III le Grand, la dynastie séleucide parvient à rétablir temporairement sa position. Le satrape rebelle de Médie, Molon, connaît une défaite près d’Apollonia, en Babylonie, en -220. Les Parthes sont quant à eux maintenus sous contrôle. Au cours d’une longue campagne qui dure huit ans, le souverain contraint le roi d’Arménie à reconnaître son autorité et parcourt l’Iran, de Suse à Ecbatane, pour restaurer son pouvoir. Le Parthe Arsace II (Artaban) est contraint de se soumettre.

Antiochos III pénètre également en Bactriane, où la dynastie grecque fondée par Diodote fut remplacée par une autre lignée royale apparue avec Euthydème, qui sera lui aussi contraint de se soumettre. Le mariage de Démétrios, fils d’Euthydème, avec la fille d’Antiochos marque le retour des Séleucides dans cette région. Franchissant l’Hindou Kouch, Antiochos III parvient traiter avec le souverain maurya qui contrôle alors toute l’Inde du Nord.

-205 : Antiochos III prend le titre de « Grand Roi » et reconquiert les régions occidentales de son empire en traversant l’Iran. Il visite également les pôles commerciaux du golfe Persique.

L’Empire séleucide fragilisé par les Parthes et les Arsacides

-190 : Entraîné dans les affaires de Rhodes et de Pergame, Antiochos III subit une défaite face aux Romains lors de la bataille de Magnésie.

-188 : Le traité de paix d’Apamée consacre la défaite du roi séleucide face à Rome, soutien du royaume attalide de Pergame. Il doit abandonner ses possessions en Asie Mineure et payer un lourd tribut. Désormais, la puissance séleucide est en position défensive et Antiochos meurt lors d’une révolte en Susiane l’année suivante. Le pouvoir des Séleucides se limite désormais à la Syrie et à la Cilicie.

De -187 à -176 : Règne de Séleucos IV Philopator.

De -175 à -164 : Règne d’Antiochos IV Épiphane, le dernier grand souverain séleucide. En dépit de ses efforts, il ne parvient guère à stopper la dislocation de son royaume. Les Parthes et les Arsacides prennent le contrôle de la Mésopotamie aux Séleucides peu après sa disparition et les satrapes des différentes provinces parviennent à obtenir une autonomie presque complète. L’État séleucide se réduit peu à peu à la seule Syrie.

Les Séleucides vont laisser la place aux Parthes et aux Arsacides

Pendant près de deux siècles et demi, les Séleucides établirent une administration régulière qui leur permit de bénéficier de ressources fiscales importantes, grâce à l’héritage laissé par les Achéménides. La langue officielle passe de l’araméen au grec. Sur le plan culturel, cette période témoigne d’une influence hellénistique incontestable en Orient. Cependant, les Grecs s’ouvrent également aux traditions iraniennes, adoptant par exemple la déification des souverains. L’économie, prospère au début de la période des Séleucides, se détériore avec les menaces croissantes venant de l’ouest avec l’expansion romaine et de l’est avec la présence des Parthes et des Arsacides.

De -163 à -125 :Règnes d’Antiochos V Eupator de -163 à -162, Démétrios Ier Sôter de -162 à -150, Alexandre Bala de -150 à -145 et Démétrios II Nicator de -145 à -125.

Séleucides et Arsacides à l’ombre de l’ascension des Parthes

Vers -145 : Les envahisseurs nomades venus du Nord détruisent Aï Khanoum, avant-poste de la civilisation hellénique au cœur de l’Asie centrale.

Les Parthes, nomades installés à l’est de l’Iran et apparentés aux populations scythiques, constituaient déjà une menace pour l’Empire achéménide sur sa frontière nord-orientale. Vers -250, ils occupaient la Parthie (aussi dénommée Parthiène) et fondèrent une dynastie dirigée par Arsace et puis par son frère Tiridate. Les Parthes conservent la structure territoriale héritée de l’époque achéménide et sept grandes familles nobles se partagent les meilleures terres, mettant en péril l’autorité royale. Ils firent face aux Romains sur l’Euphrate et en Arménie, ainsi qu’aux menaces venant des confins nord et est de leur empire. Des luttes de succession et des conflits internes dominèrent l’histoire de cette dynastie.

Les Parthes bâtissent un empire

La civilisation parthe fut marquée par l’hellénisme, en témoignent la numismatique et le surnom de « philhellène » des souverains. La fusion des éléments iraniens et grecs se manifesta dans des cités telles que Hatra ou Doura Europos. Sur le plan religieux, les Parthes adoptèrent les divinités et les croyances des régions qu’ils dominaient. C’est notamment durant cette période que le culte de Mithra connut un grand succès dans l’Empire romain. Le roi Vologèse fit construire Vologesocerta pour remplacer Séleucie et l’art parthe introduisit des innovations décisives en sculpture, notamment la représentation de face, ainsi que l’utilisation de l’iwan (un vaste vestibule) et de la voûte dans l’architecture.

De -248 à -214 : Sous le règne de Tiridate, les Parthes étendent leur influence sur toutes les régions s’étendant de la mer Caspienne à la mer d’Aral, incluant également l’Hyrcanie. Tiridate établit d’abord une capitale à Arsak, puis une seconde à Hécatompylos.

De -214 à -196 : Règne d’Artaban Ier. Battu par Antiochos III lors de la grande expédition que celui-ci conduit sur les marges orientales de son royaume, Artaban doit se soumettre. Toutefois, à la faveur des luttes opposant Séleucides et Romains, son fils Priapatios soumet la région de l’actuel Mazandaran.

De -196 à -180 : Règne de Phripatès.

De -180 à -174 : Règne de Phraate Ier.

Le déclin des Séleucides et l’avènements des Parthes et des Arsacides

De -174 à -136 : Profitant de la désintégration du Royaume séleucide en pleine crise, Mithridate Ier, surnommé « Philhellène », prend le titre de « Roi des rois ». Il annexe des territoires tels que la Médie, l’Elymaïde, la Perside, la Gédrosie et potentiellement une partie de l’Ariane. Les Parthes avancent alors vers l’ouest jusqu’à l’Euphrate mais échouent dans leur tentative de s’emparer de Séleucie sur le Tigre. Cependant, ils établissent une forteresse non loin de cette ville, sur la rive gauche du fleuve, appelée Ctésiphon, qui deviendra leur future capitale. Mithridate rencontre néanmoins une forte résistance et leur arrivée en Mésopotamie n’est guère perçue comme une libération par les populations locales. La résistance acharnée du prince séleucide Démétrios s’avère cependant vaine. Mithridate utilise sa finesse politique en le mariant à sa fille et en lui confiant le gouvernement de l’Hyrcanie.

Face aux Séleucides, Parthes et Arsacides s’organisent

De -136 à -127 : Phraate II succède à son père Mithridate Ier et règne sur un empire s’étendant de l’Euphrate à l’Ariane. Cependant, il doit faire face à une réaction de la part des Séleucides, car Antiochos VII Sidète tente de reconquérir les territoires perdus et de ramener son frère Démétrios. Antiochos parvient effectivement à reconquérir la Mésopotamie et bat plusieurs fois son adversaire avant de conclure un traité à Ecbatane. Phraate feint alors d’accepter sa défaite et de satisfaire les exigences du vainqueur. Cependant, il attaque Antiochos par surprise et lui inflige une défaite totale, entraînant la mort de ce dernier en -129.

Les Parthes ont ainsi récupéré tous les territoires perdus et menacent directement la Syrie. Cependant, Phraate doit faire face à une nouvelle menace : l’arrivée de populations scythiques venant d’Asie centrale qui envahissent tout l’est de son empire. Malheureusement pour Phraate, les batailles lui sont défavorables et il est tué, tout comme son oncle et successeur Artaban II.

De -127 à -124 :Règne d’Artaban II.

Alliances et guerres de territoires

De -124 à -91 :Pendant le règne de Mithridate II, la puissance des Parthes est contestée par de nombreuses révoltes à l’ouest et est de plus en plus menacée par les peuples nomades qui envahissent régulièrement les régions orientales. Ces invasions entraînent la destruction du Royaume gréco-bactrien par ces nouveaux venus. Mithridate parvient à contenir l’avancée de ces peuples nomades et à reprendre le contrôle de la Margiane, de l’Ariane et de la Gédrosie. Cependant, la menace persiste le long du cours de l’Oxus (Amou Daria). Cette menace provient des Scythes Sacarauques et des Tokhariens (Yué Tché), qui établiront diverses principautés ou royaumes dans le nord-ouest de l’Inde, liés aux Parthes mais restant indépendants de manière durable.

L’empire parthe, Atlas historique de l’Iran, Université de Téhéran.

-115 :Mithridate II signe un traité avec Wu-ti, l’empereur Han de Chine, dans le but de favoriser le commerce le long de la célèbre Route de la Soie qui doit se développer à travers l’Asie centrale.

-113 :Mithridate II capture Doura sur l’Euphrate et ordonne la construction d’une nouvelle capitale à Nisa.

-112 : Mithridate Eupator fonde le royaume du Pont en Asie Mineure, devenant un adversaire redoutable pour les Romains de -89 à -63 lors de leur conquête de la région. Il forme une alliance avec Tigrane d’Arménie, en conflit avec son suzerain parthe, ce qui le mène à conquérir Ecbatane et à revendiquer le titre de « Roi des rois » en -83.

-96 :Rencontre l’envoyé parthe Orobazès et Sylla, le propréteur romain en Cilicie.

De -91 à -37 : Règnes de Gotarzès de 91 à -80, Orodès Ier de -80 à -76, Sinetrocès de -76 à -69, Phraate III de -69 à -60, Mithridate III de -60 à -56 et Orodès II de -56 à -37.

Les Parthes contre Rome

De -88 à -64 : En dépit des tensions internes, les Parthes maintiennent une position neutre pendant toute la durée du conflit entre les Romains et le roi du Pont, Mithridate.

Entre -69 et -66 : Les Parthes concluent des traités avec Lucullus et Pompée, qui établissent la frontière entre les domaines parthe et romain le long de l’Euphrate.

-53 : Lors de la bataille de Carrhae (Harran), les légions romaines commandées par Crassus sont défaites par les Parthes sous le commandement de Surena. Par la suite, le roi Orodès II fait exécuter Surena, le jugeant devenu une menace pour son autorité.

-40 : Orodès et son fils Pacorus envahissent d’abord la Syrie, puis étendent leur avantage en Asie Mineure et en Syrie, entraînant la perte d’une grande partie de l’Est romain. La réponse rapide des Romains, menée par C. Ventidius Bassus, conduit à la défaite des Parthes. Pacorus est tué à Gindarus en -39 et Orodès est assassiné par ses autres fils.

-37 : Phraate IV accède au pouvoir et règne jusqu’en 2 avant Jésus-Christ. Il doit faire face à un rival, Tiridate II, finalement rallié à Rome.

De -36 à -34 : Antoine pénètre dans le Caucase et soumet l’Arménie à la suzeraineté de Rome. Cependant, il avance trop loin en Médie Atropatène (actuel Azerbaïdjan) et est contraint de se retirer. L’année suivante, le rétablissement de l’alliance entre les Arméniens et les Parthes rend toute nouvelle tentative impossible.

-20 : Sous le règne d’Auguste, un traité de paix est conclu avec Phraate IV, qui restitue les aigles capturées par Crassus. Désormais, l’Arménie joue le rôle d’un État-tampon. La frontière avec la puissance romaine est stabilisée le long de l’Euphrate.

De 2 avant Jésus-Christ à 5 après Jésus-Christ : Règne de Phraate V, qui empoisonna son père et rechercha l’alliance romaine.

L’Empire parthe connaît une période de troubles

De 5 à 7 :Règne d’ Orodès III.

De 8 à 11 : Règne de Vononès Ier. La noblesse parthe se révolte contre ce souverain, formé à Rome. Il est remplacé par Artaban III.

De 11 à 40 : Durant le règne d’Artaban III, la langue pehlevie s’impose. Par la suite, Tiridate III, Cinnamus, Vardanès Ier, Gotarzès II et Vononès II se disputeront le pouvoir jusqu’en 51.

37 : Artaban et Vitellius, le gouverneur romain de Syrie, trouvent un accord sur la question arménienne.

De 51 à 75 : Règne de Vologèse Ier. L’Avesta aurait été rédigé à cette époque. Pacorus II, Artaban IV et Vologèse II lui succèdent, tandis que l’Iran oriental est occupé par les Kouchans, qui établissent un empire indo-scythe.

Entre 63 et 66 : Le traité de Rhandeia maintient l’Arménie sous le contrôle des Arsacides, mais soumise à la domination romaine. Tiridate, frère de Vologèse Ier, reçoit de Néron à Rome, la couronne des rois d’Arménie.

Après 75 :Les invasions des Alains, la sécession de l’Hyrcanie et les querelles dynastiques fragilisent l’Empire parthe.

De 106 à 129 :Règne d’Osroès.

114 :Trajan conquiert l’Arménie.

117 : L’empereur romain Trajan décède en Cilicie. Il avait notamment conquis Ctésiphon et Séleucie du Tigre en 116 et progressé jusqu’au golfe Persique. Cependant, les nombreuses révoltes qui éclatèrent en Orient compromirent sa victoire sur les Parthes.

118 : Hadrien conclut un accord de paix avec Osroès. Ce traité fixe son retrait des territoires conquis par Trajan, à l’exception de l’Arménie.

Le royaume des Kouchan

125 : Kanishka accède au pouvoir du Royaume kûchân situé à l’est de l’Empire parthe. Le manque d’intérêt des Indiens pour l’histoire et la chronologie crée de nombreuses incertitudes quant aux dates de la dynastie (certains situent donc l’accession de Kanishka au pouvoir en 140, voire en 172).

Les Kouchân, une dynastie d’origine tokharienne, ont étendu leur autorité depuis l’époque de leur premier souverain, Kujuila Kadphisés, sur des territoires allant de la Margiane (région actuelle de Merv) à l’Indus. Son fils Wima-Kadphisés conquit ensuite, au détriment de l’Empire parthe, l’Ariane (région d’Hérat), l’Arachosie (région de Kandahar) et la Sakasthène (actuel Séistan, au sud-est de l’Iran).

Contrôlant temporairement la route de la soie, l’Empire kûchân s’est davantage tourné vers l’Inde que vers le plateau iranien, apparaissant ainsi comme un ennemi moins menaçant que l’Empire romain à l’ouest. Kanishka établit sa capitale à Purushapura (Peshawar) et sa capitale d’été à Begram (Kapici, près de Kaboul). L’empire s’étendait vers le nord jusqu’en Sogdiane et vers les oasis du Tarim tout en dominant l’Inde septentrionale jusqu’à Bénarès et jusqu’au cours de la Narbada dans le Deccan. Kanishka rassembla sur sa personne les titres de maharadjah (« grand roi ») indien, de chahenchah (« roi des rois ») parthe et iranien, ainsi que celui de « fils du Ciel » chinois, témoignant du caractère cosmopolite de son royaume.

Toutefois, ce royaume commence à décliner régulièrement à partir du milieu du IIIème siècle pour se limiter finalement à la région de Kaboul et à la vallée supérieure de l’Oxus. Il disparaît définitivement vers le milieu du Vème siècle. À cette époque, l’influence iranienne prédominait dans les régions d’Asie centrale, ainsi que sur une partie de l’Inde du Nord où avait prospéré le Royaume kouchan précédemment.

L’Empire parthe sur le déclin

De 129 à 147 : Règne de Mithridate V. Durant cette période, des conflits internes affaiblissent continuellement l’Empire parthe.

De 147 à 191 : Règne de Vologèse III.

162 :Les hostilités reprennent avec Rome. Les Parthes envahissent l’Arménie, la Cappadoce et la Syrie. Cependant les armées d’Antonin le Pieux remportent la bataille à Dour et poussent les vainqueurs au-delà du Tigre.

165 :Avidius Cassius capture et incendie Ctésiphon.

166 :Les Romains se retirent sous la contrainte de l’épidémie de peste. Par la suite, sous Marc-Aurèle, occupé par les Germains sur le Rhin et le Danube, les Parthes reprennent l’offensive et envahissent la Syrie et l’Arménie.

De 191 à 209 : Règne de Vologèse IV. Les Parthes parviennent à retrouver une puissance menaçante.

197 : Sous le règne de Septime Sévère, les Romains prennent et détruisent à nouveau Ctésiphon. La ville de Hatra réussit toutefois à résister.

216 : Vologèse V et Artaban V se battent pour le pouvoir en Mésopotamie. Plus tard, Artaban V bat à deux reprises l’empereur Macrin.

217 :Assassinat de Caracalla, qui avait déjà envahi la région.

La fin de l’Empire parthe

Le 28 avril 224, Artaban V est tué en Susiane, dans la plaine d’Hormizdaghan, par l’un de ses vassaux révoltés. Celui-ci fonde ensuite la dynastie sassanide.

Les siècles pendant lesquels l’histoire iranienne s’associe aux puissances séleucides, parthes et arsacides témoignent d’une certaine continuité. Ils relient l’Empire achéménide, premier grand empire universel de l’Histoire, à l’Empire sassanide qui incarna, pendant quatre siècles, la vitalité de la civilisation iranienne.

Les Parthes ne réussirent guère à étendre leur influence jusqu’aux côtes de la Méditerranée et de la mer Noire pour restaurer les anciennes frontières occidentales de l’Empire achéménide. À l’époque parthe, la langue dominante était le pehlevi arsacide. Utilisé initialement en Iran central, le pehlevi sassanide parlé dans le Fars, au sud-ouest du pays, le remplace au IIIème siècle. Les populations des régions orientales du monde parthe parlaient le sogdien, qui demeura longtemps une langue internationale importante pour toute l’Asie centrale (rôle qui sera par la suite attribué au persan). Le sace et le tokharien étaient quant à eux pratiqués au nord-est, dans les régions contrôlées par divers peuples scythes, ainsi que par les Tokhariens ou Yue-Tché.

Du point de vue religieux, la déesse Anahita et le très ancien dieu indo-iranien Mithra semblaient être les divinités les plus vénérées, avant que le zoroastrisme ne devienne la religion d’État officielle sous les Sassanides.